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La revalidation par le jeu

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2017
  • N° : 523 (2016-2017) 1

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  • Question écrite du 10/02/2017
    • de KILIC Serdar
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    Les nouvelles technologies sont de plus en plus présentes dans notre vie quotidienne et auprès des différentes générations. De nouveaux projets ne cessent de naître notamment dans le domaine de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée.

    La réalité virtuelle est un outil informatique qui simule la présence physique d'un utilisateur pouvant interagir dans un environnement artificiel généré par des logiciels. La réalité augmentée est quelque peu différente, elle superpose la réalité avec des éléments calculés par un système informatique en temps réel (sons, images 2D, 3D, vidéos...). Le monde médical s'inspire et s'intéresse de plus en plus à ces sujets, particulièrement en matière de revalidation. De nouvelles applications voient le jour comme outil thérapeutique grâce à l'accessibilité de ces nouvelles technologies.

    Des projets ambitieux naissent, notamment en Suisse et au Pays-Bas. Par exemple, Mindmaze (société suisse) utilise le jeu afin de motiver ses patients victimes d'AVC à bouger ; la caméra enregistre les mouvements et si ces derniers sont correctement effectués, le système attribue des points. Ils proposent également une option "multijoueurs" qui permet à plusieurs patients de jouer ensemble !

    Du côté de la Belgique, la start-up Oncomfort croit fortement en de nouveaux débouchés, leur nouvelle application vise notamment à atténuer et combattre la peur et les angoisses subies en permanence par les patients. Ces lunettes virtuelles plongent le patient dans un environnement relaxant, ce qui s'apparente sensiblement à une forme d'hypnose, et leur permet d'apprendre des techniques de relaxation.

    Quels sont les dispositifs mis à la disposition des patients en Wallonie ? Qu'en est-il de leur efficacité ? Existe-t-il, en Wallonie, une application similaire à celle utilisée en Suisse afin d'aider à la revalidation des patients hospitalisés pour cause d'AVC ? Si oui, quel est son fonctionnement ?
  • Réponse du 23/02/2017
    • de PREVOT Maxime

    J’ai déjà été questionné plusieurs fois sur le thème des nouvelles technologies au service des patients notamment pour leur revalidation comme, par exemple, les robots dans les maisons de repos et centre de revalidation. Je me réfère donc aux réponses que j’ai déjà données.

    Quant à la revalidation par le jeu, si la réalité virtuelle et la réalité augmentée sont souvent encore associées aux jeux vidéo, la véritable percée de cette technologie passera par un déploiement dans d'autres départements. Et notamment dans le monde médical. Les résultats récents de la littérature scientifique encouragent clairement à suivre de telles pistes et à les ajouter aux outils de revalidation conventionnels. Les différents avantages relevés sont :

    - une nouvelle approche qui permet de varier le traitement tant pour le patient que pour le clinicien. Bien que les exercices à effectuer dans les jeux sont les mêmes que ceux à effectuer lors de la revalidation « traditionnelle », le fait de les effectuer dans les jeux donne une tout autre dimension. Au niveau de la motivation, il est évident que les jeux sont une option intéressante pour stimuler les patients, quelles que soient les pathologies ;
    - lorsque les patients jouent, ils se concentrent moins sur les mouvements qu’ils exercent et peuvent donc effectuer beaucoup plus de répétitions avant d’être lassés par les exercices. Des études ont ainsi montré que les patients effectuent plus de 10 fois plus d’exercices avec des jeux vidéo que lors de séances de revalidation conventionnelles. Quand on sait que le nombre de répétitions d’exercices est directement lié à l’évolution du patient (surtout en revalidation neurologique), on comprend aisément l’intérêt de ce genre de technique ;
    - pour être efficaces, les exercices doivent être effectués de manière correcte. Ici encore l’utilisation des jeux vidéo, couplés à des systèmes d’analyse et de correction des mouvements, peut être une aide précieuse pour les patients, mais également pour les cliniciens qui bénéficient ainsi d’un moyen de s’assurer que les patients effectuent leurs exercices à domicile, mais aussi et surtout qu’ils les font correctement ;
    - la réalisation des exercices « cachés » dans les jeux vidéo s’assimile à réaliser des exercices en double tâche. Or, on sait que ce genre d’exercices est particulièrement propice au développement de nouvelles connexions au niveau du cortex cérébral et des différentes aires impliquées dans le contrôle moteur. Des études réalisées en IRM fonctionnelle ont mis en évidence des modifications au niveau du cortex cérébral avant et après des programmes d’exercices à l’aide de jeux vidéo.

    À présent que la réalité virtuelle est financièrement abordable, un nombre croissant d'applications voient le jour pour les patients, notamment comme outil thérapeutique qui constitue un prolongement intéressant de la thérapie classique en revalidation. L'appli que mentionne l'honorable membre s'appuie sur un smartphone et des lunettes afin de plonger le patient dans un environnement relaxant. C'est une forme d'hypnose virtuelle. Les patients sont guidés dans ce monde et apprennent des techniques de relaxation, ce qui a pour ambition d'améliorer la qualité de vie des patients en allégeant l'aspect mental d'une revalidation et en leur donnant un accès à l'assistance psychologique. En effet, le nombre de thérapeutes capables d'aider des malades atteints de douleurs chroniques est très limité, alors que la réalité virtuelle permet de combattre le stress en permanence. L’autre start-up dont l'honorable membre fait mention, quant à elle, utilise à un grand écran et une caméra. La caméra surveille le patient et veille à ce qu'il exécute les bons mouvements. Le patient apprend à maîtriser son corps et à retrouver ses mouvements. Dès lors, le retour de force est important. Pour une revalidation réussie, il faut commencer tôt. Il faut s'entraîner le plus souvent possible et faire les bons mouvements.

    Cela signifie également avoir le bon feedback. Ce qui n’est pas évident lorsque le nombre de thérapeutes des mouvements est limité. Les machines les aident à cet égard et essaient de maintenir la motivation. Ajoutons aussi l’option « multi-joueurs » offerte par un des deux programmes et qui permet à plusieurs patients de jouer ensemble. De quoi imbriquer davantage encore réalité virtuelle « sérieuse » et « ludique ». En novembre dernier, le système de réalité virtuelle immersive – Immersive Virtual Reality (IVR) – avait reçu la certification nécessaire à son utilisation dans les hôpitaux et les cliniques européennes.

    En Belgique, dans la sphère médicale, le laboratoire Lisa de l’ULB a réalisé en collaboration avec les kinésithérapeutes du Centre de réadaptation de l’appareil locomoteur (CRAL) de l’hôpital Érasme un prototype de solution de réalité virtuelle pour traitement des douleurs neuropathiques, en l’occurrence des douleurs fantômes survenant généralement après une amputation. L’idée est, en optimisant l’immersion du patient, d’obtenir de meilleurs résultats que les traditionnelles thérapies par miroir. Déjà testée sur une trentaine de patients, la technique attend une validation plus large qui pourrait déboucher sur la création d’une spin-off. Plusieurs sociétés belges ont développé des serious games, notamment une simulation 3D d’aide au diagnostic des patients cérébrolésés en collaboration avec l’ULB/Érasme, un prototype de jeu de physiothérapie analysant les mouvements des patients ou encore une application en réalité augmentée visant à réduire la douleur chez les plus petits. Une autre société explore le terrain de la réalité virtuelle pour soigner les phobies.

    Depuis septembre 2014, le CHU de Charleroi expérimente l’immersion 3D pour soigner certaines phobies. Depuis 2016, dans le service de kinésithérapie et revalidation fonctionnelle du CHR Haute-Senne, la réalité virtuelle est utilisée en rééducation neurologique avec pour objectif de permettre aux patients ayant des lésions ou des maladies neurologiques d’interagir intuitivement dans un environnement enrichi, contrôlé et sans risque. Dans cet environnement virtuel, des « serious games » scientifiquement validés, fruits de la recherche, ont été développés à des fins thérapeutiques.

    En pratique, le CHR Haute Senne dispose d’une interface qui scanne la personne et capte ses mouvements. La rééducation par le réapprentissage de certaines tâches motrices a été introduite en juin 2016. Depuis août 2016, c’est au tour du jeu sérieux en réalité virtuelle d’être proposé à l’ensemble des patients souffrant d’une atteinte du système nerveux central : sclérose en plaques, sclérose latérale amyotrophique, maladie de Parkinson ou d’Alzheimer, traumatisés crâniens... et, bien sûr, AVC.

    Ces approches s’ajoutent aux autres techniques, sans jamais les remplacer. La variété de la palette des outils thérapeutiques augmente la participation du patient et sa collaboration: un vrai « plus » pour les patients nécessitant une revalidation fonctionnelle intensive sur le long terme suite à leur atteinte neurologique. Pour tous, l’objectif reste le même : améliorer leur qualité de vie en guidant la récupération vers de nouveaux apprentissages moteurs et de meilleures compétences fonctionnelles.