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Les agences locales pour l'emploi (ALE) et la législation sur les marchés publics

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2017
  • N° : 161 (2016-2017) 1

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  • Question écrite du 21/02/2017
    • de ONKELINX Alain
    • à TILLIEUX Eliane, Ministre de l'Emploi et de la Formation

    Une analyse du FOREm concluait récemment que les ALE entraient dans le champ d'application de la loi de 2006 relative aux marchés publics. Mais ces résultats ont été contestés, notamment par la plateforme wallonne des ALE (PAW). C'est l'article 2, 1° de cette loi qui énumère les trois conditions qui doivent être remplies.

    Ainsi, il semble que le FOREm et la PAW sont d'accord sur le fait que les deux premières conditions sont rencontrées par les ALE, car elles « ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial » et elles « sont dotées d'une personnalité juridique », mais leur avis diverge en ce qui concerne le dernier point. Ce dernier critère précise : " soit l'activité est financée majoritairement par certaines autorités ou organismes, eux-mêmes soumis au droit des marchés publics ; soit la gestion est soumise à un contrôle de ces autorités ou organismes ; soit plus de la moitié des membres de l'organe d'administration, de direction ou de surveillance sont désignés par ces autorités ou organismes".

    Si le FOREm considère que le contrôle de gestion qu'il exerce sur l'utilisation des recettes des ALE remplit cette condition, la PAW estime que - malgré ce contrôle de gestion - les ALE ne dépendent d'aucune instance puisque toutes leurs actions sont soumises à l'approbation de leur Assemblée générale. Selon la PAW, elles ne relèveraient donc pas de loi de 2006 et il semble que l'ONEM n'a jamais contesté cette idée.

    Quelles conclusions Madame la Ministre tire-t-elle de cette analyse ? Quel impact ce flou juridique pourrait-il avoir sur le fonctionnement de ces ALE ?

    Dans ce contexte, où en sont les discussions entre le FOREm et la PAW ?

    La question de savoir si les ALE sont considérées comme des personnes morales de droit public ou de droit privé semble aussi poser problème. En tant qu'ASBL, il semble qu'elles relèvent du droit privé, mais Madame la Ministre peut-elle préciser ces informations ?
  • Réponse du 12/04/2017
    • de TILLIEUX Eliane

    La réglementation en matière de marchés publics repose essentiellement sur la loi du 15 juin 2006 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fourniture et de services, laquelle transpose en droit belge les directives européennes relatives à la réglementation des marchés publics. Cette réglementation désigne ce qu'il faut entendre par « pouvoir adjudicateur », c'est- à-dire, notamment, comme le dispose l'article 2, 1°, d), de la loi du 15 juin 2006 précitée, les entités qui, à la date de la décision de lancer le marché ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial, sont dotées d'une personnalité juridique et dont :
    - l'activité est financée majoritairement par certaines autorités ou organismes, eux-mêmes soumis au droit des marchés publics ;
    - ou la gestion est soumise à un contrôle de ces autorités ou organismes ;
    - ou encore plus de la moitié des membres de l'organe d'administration, de direction ou de surveillance sont désignés par ces autorités ou organismes.

    En ce qui concerne la question de savoir si l'agence locale pour l'emploi est un « organisme de droit public » au sens du droit des marchés publics, il suffit de se référer à la réglementation en vigueur, à savoir, la loi du 15 juin 2006 citée ci-dessus pour constater que les ALE entrent dans ces critères.

    En effet :
    A) L’ALE doit satisfaire spécifiquement à des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel et commercial

    L'agence locale pour l'emploi a pour objet de fournir des prestations non rencontrées par les circuits de travail réguliers (article 8, §1er, al. 1er, de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs) tout en permettant à des chômeurs de longue durée de conserver un lien avec le travail et en leur fournissant des formations. À ce titre, l'agence locale pour l'emploi peut prétendre satisfaire un besoin d'intérêt général.

    L'agence locale pour l'emploi étant créée afin de s'occuper de l'organisation et du contrôle d'activités non rencontrées par des circuits de travail réguliers, elle n'est, par hypothèse, pas compétente pour opérer dans les conditions normales de marché et n'est pas sujette à de la concurrence. Elle répond donc à des besoins qui sont en règle générale satisfaits d'une manière autre que par l'offre de biens ou de services sur le marché.

    L'agence locale pour l'emploi est constituée sous la forme d'une Association Sans But Lucratif (article 8, §1er, al. 2, de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 précité) et donc, elle n'est pas censée se livrer à des opérations industrielles ou commerciales, et ne cherche pas à procurer à ses membres un gain matériel (article 1er, al. 3, de la loi du 27 juin 1921 sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations).

    Certes, l'agence locale pour l'emploi est également compétente pour l'organisation d'emplois et de services de proximité (titres-services). Toutefois, le fait que l'agence locale pour l'emploi puisse exercer d'autres activités ne lui permet pas d'échapper à la qualification « d'organisme de droit public », et ce, quand bien même ces autres activités seraient majoritaires.


    B) L'agence locale pour l'emploi étant constituée sous la forme d'une ASBL, elle jouit de la personnalité juridique (article 1er, al. 2, de la loi du 27 juin 1921 précitée).

    À cet égard, il convient de souligner que la loi du 15 juin 2006 précitée indique explicitement que la forme ou la nature de la personne n'est pas un critère d'application pertinent. Dès lors, le fait que l'agence locale pour l'emploi est constituée sous la forme d'une ASBL régie, sauf exception, par la loi du 27 juin 1921 précitée, ne constitue pas un élément pouvant écarter l'application de la législation relative aux marchés publics.


    C) La loi du 15 juin 2006 précitée utilise trois critères alternatifs pouvant démontrer une dépendance étroite d'un organisme de droit public. Remplir un seul de ces critères est suffisant pour prouver la dépendance étroite d'un organisme de droit public.

    Or, l'agence locale pour l'emploi remplit deux de ces critères :

    1) Financement par un organisme de droit public
    Sous réserve de vérification au cas par cas, les activités de l'agence locale pour l'emploi sont susceptibles d'être financées majoritairement par le FOREm.

    Selon les travaux préparatoires de la loi du 15 juin 2006, « toute forme de financement de l'activité est à prendre en considération, et donc, également la couverture d'un éventuel déficit annuel ».

    Or, en vertu de l’article 8 de l’arrêté-loi du 28/12/1944, le FOREm paie la rémunération des agents qu’il détache dans les ALE ainsi que le coût des assurances accidents du travail.

    De plus, en vertu de l'article 3, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 10 juin 1994, le FOREm alloue à l'agence locale pour l'emploi une indemnité annuelle qui s'élève à 2.478,94 euros par agent détaché.

    Cette indemnité vise à couvrir les frais de l'administration, elle constitue donc une forme de financement de l'activité et doit être prise en considération.

    Concernant les agences locales pour l'emploi exerçant une activité « titres-services », le raisonnement est identique puisque l'intervention régionale, versée par le FOREm, peut représenter plus de la moitié du montant d'un titre-service. En effet, à ce jour, l'intervention régionale est de 13,48 euros par titre-service tandis que le prix d'acquisition est de 9 euros par titre-service ; il faudrait donc que l'agence locale pour l'emploi facture aux utilisateurs titres-services plus de 4,04 euros de frais de dossier par heure prestée pour que les subventions représentent moins de la moitié du chiffre d'affaire de la section sui generis.

    2) Contrôle de la gestion par un organisme de droit public
    Bien que l'agence locale pour l'emploi dispose d'une certaine autonomie, le FOREm exerce un contrôle de la gestion de l'agence locale pour l'emploi.

    En effet, le FOREm peut vérifier si les activités déclarées par l'agence locale pour l'emploi et les activités réellement effectuées correspondent à celles qui peuvent être effectuées (article 79, §7, al. 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage). Dans ce cadre, le FOREm peut interdire à l'agence locale pour l'emploi l'exercice d'une activité (article 79, §7, alinéa 2, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 précité).

    De plus, le FOREm vérifie si l'utilisation des recettes de l'agence locale pour l'emploi et si leur affectation correspond à l'objet social de l'agence locale pour l'emploi, à savoir organiser et contrôler des activités non rencontrées par les circuits de travail réguliers (article 79, §12, al. 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 précité).

    À cette fin, l'agence locale pour l'emploi est tenue de transmettre chaque année au FOREm un rapport de sa comptabilité concernant les activités « ALE » et concernant les activités « titres-services » ; le FOREm détermine la forme de ce rapport et peut se faire procurer tous les renseignements et documents nécessaires à l'exercice de ce contrôle (art. 79, §12, al. 2, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 précité).

    Enfin, le FOREm vérifie également que l'agence locale pour l'emploi se conforme à l'obligation de financer des formations au profit des chômeurs inscrits à l'agence (article 79, §12, al. 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 précité).

    Ces éléments constituent-ils un contrôle de gestion au sens de la législation relative aux marchés publics ? Les travaux préparatoires de la loi du 15 juin 2006 et la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne y référencée indiquent que le contrôle doit créer une dépendance de l'organisme concerné à l'égard des pouvoirs publics permettant aux pouvoirs publics d'influencer les décisions de l'organisme en matière de marchés publics.

    À cet égard, un contrôle a posteriori ne suffit pas puisque, par définition, un tel contrôle ne permet pas aux pouvoirs publics d'influencer les décisions de l'organisme concerné en matière de marchés publics.

    Dès lors, les contrôles exercés par le FOREm sur l'agence locale pour l'emploi ne sont pas caractéristiques d'un contrôle de gestion puisqu'ils ne permettent pas d'influencer les décisions de l'agence locale pour l'emploi en matière de marchés publics.

    3) Désignation des membres de l'organe d'administration
    La moitié des membres de l'ASBL sont désignés par le ou les conseils communaux et les autres membres sont désignés par les organisations qui siègent au Conseil national du travail (article 8, §1er, al. 3, de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 précité).

    Les communes sont soumises aux marchés publics, les organisations représentatives non. La moitié des membres ne constitue pas la majorité, ce critère n'est donc pas rempli.

    En conclusion, le droit des marchés publics est bien applicable à l'agence locale pour l'emploi, qu'elle dispose ou non d'une section « titres-services ».