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L'évolution de l'e-santé en Wallonie

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2017
  • N° : 674 (2016-2017) 1

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  • Question écrite du 10/03/2017
    • de KAPOMPOLE Joëlle
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    Consciente que Monsieur le Ministre a au cours de l’année dernière, déjà été interrogé sur cette vaste question, j’aimerais aborder avec lui un calendrier des actions e-santé préconisé pour la Wallonie.

    En effet, dès lors que le Fédéral dégage des budgets pour faciliter et organiser un système d’e-santé, il convient de s’assurer aujourd’hui que la Wallonie est en phase tant avec les mesures fédérales qu’avec les évolutions technologiques.

    Outre les questions éthiques (au sens large du terme) posées par l’e-santé, il échet d’assurer au plus grand nombre l’accès à ces techniques santé nouvelles.

    Dans ce contexte très précis, je lui demande :

    a) Quant à la nécessité d’un cadre juridique clair et éthique :

    Quelle position la Wallonie adoptera lors du groupe de travail e-Santé de la Conférence interministérielle de la Santé ?

    Quelles synergies a-t-il pu mettre en place avec son collègue Jean-Claude Marcourt, Ministre de l'Économie, de l'Industrie, de l'Innovation et du Numérique, afin de s’assurer de l’optimalisation des "startups" wallonnes oeuvrant dans cette matière ?

    Quels accords a-t-il pu passer avec ce même collègue pour unir ses compétences en matière d’action sociale et celles du numérique afin d’enrayer la fracture numérique des citoyens wallons ? Il est essentiel que la médecine reste accessible au plus grand nombre, sans devenir un système de division et de création de classes sociales.

    Un développement et une synergie sont-ils organisés avec le "Haelth living lab" de Liège ?

    b) Quant à l’e-santé palliatif à la pénurie de médecins généralistes :

    Il avait développé l’idée selon laquelle, à l’instar de la France, le système de l’e-santé et l’admission au titre de remboursement de certaines technologies y afférentes par le Fédéral pourraient aider à combler la pénurie de généralistes dont souffre la Wallonie.

    Sur ce point, serait-il enclin à soutenir au Fédéral, l’établissement de cabine médicale ?

    Comment, au niveau strictement wallon va-t-il combler les changements de mentalité nécessaire à cette pratique de la médecine ?

    Quelles synergies met-il en place avec sa collègue Éliane Tillieux pour obtenir de nouvelles formations permettant au personnel en place de se recycler/d’ouvrir de nouveaux métiers ?

    c) Quant au calendrier

    À quel rythme les négociations avec le fédéral s’opèrent-elles ?

    Quel calendrier peut-il proposer à ses collègues wallons Marcourt et Tillieux pour ordonnancer un système législatif cohérent en phase avec ces projets ?
  • Réponse du 30/03/2017
    • de PREVOT Maxime

    Cette question porte sur un sujet important et pour lequel j’ai été de nombreuses fois interpellé.

    Le premier thème abordé est la nécessité d’un cadre juridique clair ainsi qu’un cadre éthique.

    Pour répondre la première question, la Wallonie a défini un cadre juridique par le décret du 16 octobre 2015 visant la reconnaissance d’une plate-forme d’échanges de données de santé électronique et son financement.

    Ce cadre fonde les orientations wallonnes, à savoir que ce sont les prestataires de soins qui détiennent, collectent, conservent les données de santé de leurs patients, dans le strict respect de la liberté thérapeutique et des droits du patient. Il ne peut dès lors être question de mettre les données des patients à disposition de tous, sans garde-fous.

    Le Réseau Santé Wallon (RSW) est l’opérateur reconnu par la Wallonie comme plate-forme. Il est associé à tous les réflexions et travaux en la matière. Étant créé à l’initiative de cercles de médecins généralistes et hospitaliers, il est de nature à donner toutes les garanties aux prestataires de soins et aux patients.

    En ce qui concerne les synergies avec mon Collègue Jean-Claude MARCOURT, il s’agit du volet e-Santé du Plan numérique wallon. Comme déjà indiqué dans plusieurs réponses à des questions dont la réponse du 15 février dernier à une question écrite de Monsieur Jean-Paul WAHL, le volet e-Santé du Plan numérique wallon prévoit de définir un plan stratégique e-Santé wallon et de concentrer les moyens sur des projets innovants. Pour ce faire, une plate-forme avec un Comité d’avis et de pilotage, est en voie de création. Elle aura pour mission concrète de définir son scope, de définir les notions et concepts relatifs à l’e-Santé qui soient communs à toutes les parties prenantes, de servir de lieu de discussion, de relayer les informations qui descendent du Plan e-santé fédéral et organiser une veille stratégique ainsi que réfléchir à la structuration du secteur. Le Comité sera aussi chargé d’être une plate-forme où les professionnels de la santé rencontreront le monde économique et industriel de façon à ce que ce monde économique et industriel réponde à des besoins de santé et de prise en charge de la population et, au besoin, de définir les priorités parmi ceux-ci. Concrètement, un Groupe de travail a été mis en place à mon initiative et ses missions sont les suivantes :
    - la mise en place d’une cartographie de l'écosystème e-Santé wallon ;
    - la préparation d’une vision e-Santé ;
    - l’exploration des pistes en matière de valorisation des entreprises wallonnes.

    À ce jour, 5 réunions de travail regroupant mon Cabinet, les représentants du Réseau Santé Wallon et l’Agence du Numérique ont eu lieu. La cartographie réalisée par l’Agence du Numérique a été présentée lors de la dernière réunion. La prochaine réunion sera consacrée à l’élargissement du Groupe de travail. C’est une étape importante, car elle permettra la mise sur pied de la plateforme et de son Comité d’avis et de pilotage, qui regroupera des experts du monde de la santé d’une part et du monde économique et industriel. Et bien évidemment, à ce moment, mon collègue Jean-Claude MARCOURT sera associé aux travaux. Le Département du Développement technologique de la DGO6, qui a été mis au courant de l’évolution du dossier, sera également associé aux travaux à ce moment. Le Comité d’avis aura par ailleurs un rôle important puisqu’il permettra la rencontre entre le monde économique et industriel qui a des idées et des moyens et le monde de la santé et de l’aide aux personnes qui a une connaissance réelle des besoins de la population. Cela permettra d’ajuster au mieux l’offre à la demande issue des besoins réels et concrets des patients et des bénéficiaires d’aide.

    Faire coïncider au mieux l’offre aux besoins est en lien avec l’éthique, deuxième sujet du thème abordé par l'honorable membre.

    Et je souhaite attirer l’attention sur le fait que ces développements, contacts et mises en relation doivent se faire dans la confiance entre les uns et les autres. La confiance est la pierre angulaire dans la relation de soins et d’aide. Elle ne se décrète pas, mais se construit, d’où la mise en place progressive de la plate-forme, en procédant par phase avec un cercle de parties prenantes qui s’élargit au fur et à mesure de la mise en confiance respective des différentes parties prenantes.

    Aujourd’hui, nous constatons de la part du monde de la santé et de l’aide aux personnes une certaine méfiance. Les nombreuses prises de position des représentants du secteur de la santé, tant dans la presse généraliste que de la presse spécialisée, témoignent d’un certain manque de confiance, voire même d’une méfiance importante. Je prends pour exemple, l’article publié en décembre dernier dans la revue Santé Conjuguée de la Fédération des Maisons Médicales, intitulé « Plate-Forme eHealth : risques et opportunités ». Dans cet article, il est indiqué notamment que de nombreuses questions restent sans réponse à ce jour. Cet article aborde le thème de l’utilisation des données sous le titre « Big Brother et Big Data ? » Je peux également citer la prise de position du Président d’un syndicat de médecins en janvier dernier, appelant ses confrères à rester vigilants quant à l'utilisation des données de santé par voie électronique, et ce, sans refuser le progrès que cette évolution génère.

    Et donc, si le cadre juridique de la Région wallonne a été fixé par le décret du 16 octobre 2015 susmentionné, le cadre éthique doit encore être précisé ou des assurances doivent être données en matière d’éthique. Tout récemment, un des grands juristes belges spécialisés en santé rappelait que l’éthique interdit de profiter de la détresse, la peur et la faiblesse de quelqu'un pour s'enrichir à ses dépens. À ce sujet, je me réfère également à la conclusion d’une réponse que je donnais à une question orale que me posait l'honorable membre et où je disais « ni résistance au changement, ni fascination technologique, mais usage responsable et pragmatique ». La plate-forme en création contribuera à cet usage responsable et pragmatique des développements techniques.

    Le sujet de la fracture numérique a déjà été abordé dans certaines questions qui m’ont été posées. Comme je l’avais précisé, il est important de travailler dans une vision d’e-inclusion et il faut veiller à ne pas se retrouver confronté à un paradoxe de l’isolement, avec des malades parfaitement suivis et surveillés à distance, mais isolés socialement. L’accès au numérique et aux nouvelles technologies par les patients sera un critère à prendre en compte dans l’aide aux choix d’investissement que pourra apporter la plate-forme en création.

    Toujours en matière d’accès au numérique et également pour une totale information, j’ai relayé notamment auprès de l’Agence du Numérique, une demande d’améliorer la couverture 4G sur l’ensemble du territoire de la Wallonie. C’est une demande qui avait été entre autres formulée lors d’un débat que mon Cabinet a eu avec l’Inter-cercles de médecine générale Namur Dinant Luxembourg consacré à l’avenir de la médecine générale et la e-Santé.

    Quant aux relations avec le Living Lab de Liège, elles ont débuté dans le cadre de la Silver Economy et d’un partenariat entre les Administrations compétentes, l’AViQ et la DGO6. Pour l’AViQ, il s’agit de mettre à disposition des acteurs économiques la vision et le développement des perspectives à court, moyen et long terme afin que les innovations répondent aux besoins dans le contexte du moment.

    Le Living Lab a été présent, pour la première fois, au Salon Soins et Santé qui s’est déroulé à Namur Expo sous l’égide notamment de l’AViQ ces 9 et 10 mars, montrant de la sorte que le dialogue ainsi débuté, produit peu à peu des effets. À cette occasion, le Living Lab et l’AViQ ont convenu de se rencontrer plus avant afin d’identifier des modalités concrètes de partenariat et participer, par exemple, à l’objectif de la plate-forme dont je viens de parler, à savoir l’identification des besoins de part et d’autre afin de soutenir les innovations.

    Un premier projet de coaching a fait l’objet d’un soutien du Well en vue de renforcer son développement. Ce projet a été encouragé à soumettre l’initiative au Well et a pu bénéficier d’un encadrement et d’un financement complémentaire de 15.000 euros. Ce projet vise à former le personnel de soins des maisons de repos et maisons de repos et de soins via les TICs. Ce même projet a également été labellisé par l’Agence du numérique. Il s’agit d’un premier exemple concret bien entendu, mais je ne doute pas que d’autres suivront grâce à la collaboration entre les partenaires qui soutiennent le monde économique et le monde de la santé, en Wallonie.

    Enfin, pour une parfaite information, une réunion est prévue dans les jours qui viennent entre mon Cabinet et le Living Lab.

    Le deuxième sujet abordé est l’e-santé comme palliatif à la pénurie de médecins généralistes, il conviendrait tout d’abord de s’assurer que les consultations réalisées dans ce cadre seront bien financées et remboursées au patient par le Fédéral via l’INAMI. La compétence régionale en matière de 1re ligne de soins est une compétence d’organisation et non une compétence de financement qui se substituerait à celle du Fédéral de financement des prestations de santé.

    Il est clair que le soutien à l’installation de Cabinet de médecins généralistes nécessiterait également un accompagnement tant pour les prestataires de soins que pour les patients, ou encore le soutien des associations et autorités locales.

    La Wallonie soutient actuellement, comme le sait l'honorable membre, un programme de formation des médecins généralistes à l’informatique et au dossier informatisé du patient. Il s’agit d’un premier pas nécessitant pour certains plus de temps d’adaptation que pour d’autres, compte tenu de l’âge des médecins.

    Il est certain que, si nous avons un rajeunissement de la population médicale, le recours à l’e-santé et aux dispositifs innovants sera probablement plus naturel.

    Enfin, l’AViQ suit les travaux de la révision de la législation fédérale des métiers de santé, car ils auront un impact sur l’organisation des soins et, partant, sur l’organisation des services que nous agréons tant en matière de santé que de handicap. Je pense, par exemple, à la notion de délégations d’actes et de tâches entre prestataires.

    Pour les synergies avec ma collègue Éliane TILLIEUX, des mesures ont déjà adopté en matière de soins palliatifs, les Gouvernements francophones ayant conclu un protocole d’accord en matière de délivrance de formations continuées et certifiantes en matière de soins palliatifs, dans le cadre de l’enseignement de promotion sociale.

    D’une façon générale, la formation continuée des professionnels de santé et d’aide dans les institutions et services agréés est un sujet important dans la politique menée par la Wallonie. Des financements spécifiques leur sont consacrés dans les législations.

    Le dernier thème abordé concerne le calendrier des opérations.

    La Conférence Interministérielle Santé se réunit environ 2 à 3 fois par an. Le Groupe de travail e-santé se rencontre mensuellement et dispose d’un tableau de bord permettant de suivre l’atteinte des objectifs dont 90 % relèvent de la compétence fédérale, à ce stade.

    Le cadre législatif pour les développements en e-santé existe pour ce qui concerne la santé. Il s’agit du décret du 16 octobre 2015 visant la reconnaissance d’une plate-forme d’échanges de données de santé électronique et son financement. Il devra probablement être encore adapté pour le rendre également applicable au secteur de l’aide aux personnes.

    Comme déjà annoncé, un avant-projet d’accord de coopération-cadre est actuellement en négociation au sein du groupe de travail e-santé de la Conférence interministérielle Santé. Lorsque l’avant-projet sera abouti, il suivra son cours normal en matière de ratification par le Parlement de Wallonie.

    Je ne peux pas me prononcer en ce qui concerne le cadre législatif pour les compétences en matière d’économie et d’emploi. J’attire toutefois l’attention sur le fait que la santé est une matière communautaire dont la Région wallonne a reçu l’exercice de la compétence pour le territoire de langue française alors que l’économie et l’emploi sont des matières régionales qui couvrent le territoire de langue française et celui de langue allemande. Pour avoir un cadre législatif global couvrant ces trois matières, un accord de coopération sera plus que probablement nécessaire avec la Communauté germanophone.