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L'e-santé, un secteur wallon en développement

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2017
  • N° : 675 (2016-2017) 1

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  • Question écrite du 10/03/2017
    • de KAPOMPOLE Joëlle
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    Je fus très agréablement surprise de lire (http://geeko.lesoir.be/2016/12/28/une-premiere-24-applications-sante-seront-remboursees-par-letat-belge/) en décembre dernier cet article aux termes duquel la technologie intelligente et utile s’invite dans le secteur de la santé.

    Ce projet pilote va permettre notamment de prendre connaissance de son dossier médical via des smartphones, et donc de permettre une meilleure information de la patientèle.

    Plusieurs startups ont par ailleurs mis au point des applications pour permettre un suivi de patient à distance.

    En qualité de Ministre de l’Action sociale, il appartient à Monsieur le Ministre de veiller au bien-être citoyen. Dans ce contexte, comment peut-il généraliser auprès des populations victimes de la fracture numérique, l’accès à cet e-santé ?

    En ce sens et dans cette optique, quelles sont les synergies mises en place avec son collègue Jean-Claude Marcourt, en charge des technologies ?

    De plus, ces applications permettent certes un suivi efficace à distance, mais qu’en sera-t-il en cas de surconsommation ?

    Quelles politiques préventives peut-il mettre en œuvre pour éviter un tel phénomène ?

    Dans un article du Vif l'express (http://www.levif.be/actualite/sante/la-sous-et-surconsommation-medicale-sont-dangereuses-pour-la-sante/article-normal-596403.html) on peut lire que " Lutter contre la surconsommation permet de dégager des moyens pour contrecarrer la sous-consommation. Quand des soins nécessaires ne sont pas prestés, c'est en effet souvent pour des raisons financières. La surconsommation, quant à elle, se produit généralement quand elle est source de revenus pour certains acteurs ".

    Je l'interroge sur ce point, car je crains qu’à terme ces technologies orientent les hypocondriaques à surconsommer la médecine.
  • Réponse du 30/03/2017
    • de PREVOT Maxime

    Cette question relève d’un sujet important pour lequel j’ai été de nombreuses fois interpellé et qui est en lien direct avec la question écrite n° 674.

    La plus grande partie de la population dispose d’un smartphone actuellement et l’utilise quotidiennement. Il ne devrait donc a priori ne pas y avoir de problème d’accessibilité à l’équipement. En revanche, les coûts de communication sont régulièrement dénoncés comme les plus élevés en Europe, mais ce point relève de la compétence fédérale.

    La difficulté principale, me semble-t-il, réside davantage dans la compréhension par le commun des mortels de son dossier médical et là, aucune application ne remplace le médecin généraliste.

    Comme j’ai eu l’occasion de le souligner à de nombreuses reprises et je tiens à le dire à nouveau, le développement technologique doit être au service de l’humain et non le remplacer ou le mettre sur le côté. Le colloque singulier devra toujours être privilégié. C’est en lien avec les notions utilisées en santé publique de littératie (capacité d'un patient à trouver, à comprendre et à utiliser l'information de santé de base) et d’empowerment (permettre aux usagers des services de santé de décider pour eux-mêmes et de mobiliser les ressources qu’ils ont en eux) et elles sont essentielles pour la lutte contre la fracture numérique et d’une façon plus générale, contre les inégalités en santé.

    Un cadre juridique existe. Il est fédéral et est lié à la loi sur les droits du patient et son accès à ses données, à la loi sur la protection de la vie privée dont ses dispositions spécifiques en matière de données de santé et, enfin, aux dispositions légales en matière de secret professionnel. La loi sur les droits du patient fixe les conditions dans lesquelles le médecin donne l’accès à ses données au patient, dans le cadre de la relation thérapeutique et de la manière dont le patient peut appréhender ces données.

    S’agissant de smartphone, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, le Plan e-Santé 2013-2018, révisé en octobre 2015, prévoit le plan d’action 19 au sujet des applications mobiles en santé. L’objectif est de convenir entre toutes les entités un cadre pour le développement et l’utilisation de la mHealth. Le caractère EBM (Evidence Based Medecine) ne doit pas être perdu de vue, de même qu’un des principes fondamentaux en médecine qui est « primum non nocere » (d’abord ne pas nuire).

    Enfin, le cadre législatif fédéral devra plus que probablement être adapté compte tenu du Règlement européen (UE) 2016/679 sur la protection des données personnelles qui entrera en vigueur en 2018. La nouvelle législation européenne remplacera l’actuelle Directive sur la protection des données personnelles adoptée en 1995. Elle vise à créer un ensemble de règles uniformes à travers l'UE, adaptées à l'ère numérique, à améliorer la sécurité juridique et à renforcer la confiance des citoyens et entreprises dans le marché unique du numérique. Un consentement clair et positif au traitement des données, le droit à l'oubli et de lourdes amendes pour les entreprises enfreignant les règles sont quelques-unes des nouvelles fonctionnalités. Il est prévu d’en discuter au sein du groupe de travail e-Santé de la Conférence interministérielle de la Santé.

    Restent les applications qui permettent au patient de suivre son état de santé par l’enregistrement automatique de ses paramètres. Ici aussi, l’interprétation des paramètres appartient au prestataire de soins : qui peut mieux que le médecin ou l’infirmière leur donner sens, en tenant compte de l’état de santé du patient ?

    C’est aussi au médecin, à qui sont envoyés automatiquement les paramètres, d’organiser le suivi proche ou à distance avec le patient et le personnel paramédical pour éviter les dérives comportementales ou le recours excessif aux professionnels de la santé, à des services et structures. Il faudra être attentif à ne pas surcharger de travail le quotidien des médecins déjà fort occupés par ailleurs, par une explosion des informations qui lui seront envoyées.

    L’éducation du patient trouve donc à être mise en œuvre dans ce nouveau contexte avec les acteurs de terrain, tels les centres de promotion de la santé.

    Eviter la surconsommation des soins est un objectif important. C’est notamment l’objet de la prévention quaternaire qui se définit comme une « action menée pour identifier un patient ou une population à risque de surmédicalisation, le protéger d’interventions médicales invasives, et lui proposer des procédures de soins éthiquement et médicalement acceptables ». La Société Scientifique de Médecine générale que la Wallonie subventionne, publie à l’attention des parties prenantes une fiche explicative résumant leurs recherches de littérature sur l'inutilité, voire la toxicité de certains actes (overdiagnosis, overscreening, overtreatment, etc.). Celles-ci fournissent aux médecins généralistes des arguments à avancer aux patients afin de prendre en concertation des décisions éclairées.

    Quant à l’hypocondrie, il s’agit d’un trouble qui se caractérise par la peur et l’anxiété excessive concernant la santé et le corps de l’individu. D’après la littérature, 3 % de la population en souffrirait à des degrés divers. Tous les médias peuvent favoriser ce trouble : les émissions médicales à la télévision, la presse, internet, … Les applications spécifiques renforcent très certainement leurs rôles et seules des thérapies adaptées – par exemple les thérapies comportementales - peuvent enrayer ou réduire le trouble.

    La plate-forme qui sera créée dans le cadre du volet e-Santé du Plan numérique wallon et que je détaille dans ma réponse à la question écrite n° 674, contribuera à éviter le développement de nouvelles technologies ne répondant pas à des besoins réels de santé et d’aide et, partant, à éviter des consommations inappropriées de soins.

    Les synergies avec mon collègue Jean-Claude MARCOURT sont également décrites dans ma réponse à la question écrite n° 674.