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La pollution liée à l'essence 95 E10

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2017
  • N° : 609 (2016-2017) 1

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  • Question écrite du 21/03/2017
    • de TROTTA Graziana
    • à DI ANTONIO Carlo, Ministre de l’Environnement, de l’Aménagement du Territoire, de la Mobilité et des Transports et du Bien-être animal

    Alors que depuis le 1er janvier dernier l'essence 95 E10 (carburant qui peut contenir jusqu'à maximum 10 % de bioéthanol) a remplacé l'essence 95 dans les stations-services, des critiques voient le jour sur l'impact potentiellement négatif pour la mécanique des véhicules, mais aussi pour l'environnement.

    Certains professionnels, journalistes spécialisés, mais aussi importateurs de véhicules (notamment des motos) déconseillent le recours à l'E10, car cela engendrerait des dégâts, et ce, sur des véhicules qui sont repris sur la liste des véhicules compatibles établie par la FEBIAC.

    Sur le plan environnemental, « France Nature Environnement » (la fédération française des associations pour la protection de la nature et de l'environnement) estime que l'E10 a un bilan carbone négatif et serait plus polluante que l'essence 95 qu'elle remplace. Concrètement, l'E10 entraînerait selon la fédération française une hausse de la consommation des véhicules (au minimum 1 à 2 %) et une hausse du rejet de CO2 de 10 à 20 %.

    De quelles données scientifiques dispose Monsieur le Ministre sur l'empreinte environnementale de l'E10 ?

    A-t-il demandé à son cabinet et à son administration d'étudier cette question ?

    A-t-il pris, ou va-t-il prendre l'initiative de porter ce point à l'ordre du jour d'une conférence interministérielle ?

    Certains avancent que le remplacement de l'essence 95 par l'E10 s'est justifié économiquement (débouché pour l'agriculture) et non environnementalement. Que répond Monsieur le Ministre à cette affirmation ?
  • Réponse du 12/04/2017
    • de DI ANTONIO Carlo

    Depuis le 1er janvier de cette année, les pompes belges fournissent en effet de l’essence 95 E10 au lieu de l’essence 95 E5. L’objectif de cette mesure est de contribuer à atteindre les 10 % d’énergies renouvelables dans le secteur des transports d’ici 2020, et par conséquent réduire l’utilisation des énergies fossiles et les émissions de gaz à effet de serre (CO2). Cette disposition permet la mise en œuvre de la Directive européenne 2009/28/CE (DER) relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables qui prévoit une part minimale de 10 % de sources d’énergie renouvelables dans les transports.

    Les problèmes de compatibilité technique de certains véhicules avec cette nouvelle essence sont réels pour certains véhicules. Les personnes concernées sont dès lors invitées à faire le plein avec de l’essence Super 98.

    Étant donné que le pouvoir calorifique de la 95 E10 est légèrement inférieur à celui de la 95 E5, pour une quantité d’énergie consommée, le volume de carburant nécessaire sera légèrement supérieur.

    Toutefois, l’étude GLOBIOM réalisée en 2016 par un consortium de quatre consultants à la demande de la Commission européenne a évalué les émissions de CO2 liée au changement d’affectation des sols, à savoir de terres qui stockaient du carbone (prairies, forêts,…) à des terres cultivées.

    Le changement d’affectation peut être :
    direct, lorsque les cultures pour agrocarburants sont mises en place sur des espaces naturels ;
    indirect (ILUC pour « Indirect Land Use Change »), lorsque des terres agricoles déjà existantes sont converties en cultures pour agrocarburants.

    Ce sont en particulier ces changements d’affectation indirects, complexes à évaluer, qui ont été estimés comme importants, surtout en cas de production de biodiesel à partir d’huile de palme et de soja, et conduisant à un bilan CO2 défavorable comparativement au diesel fossile. Pour ce qui concerne le bioéthanol, les résultats sont nettement moins alarmants. Bien qu’il faille rester vigilant au regard de cette problématique complexe, il convient de rester critique au regard de messages globaux, parfois simplistes, véhiculés par certains détracteurs des biocarburants.

    Il faut remarquer que la Directive 2009/28 précitée définit en outre des critères de durabilité contraignants, en particulier la réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 35 % des biocarburants en comparaison avec les carburants fossiles, et à partir de 2017 cette valeur est portée à 50 %. Bon nombre de producteurs européens de bioéthanol atteignent déjà ce seuil de 50 %.

    Si le type de biocarburant (bioethanol vs biodisesel) et le végétal duquel il est issu importe, le type de production a aussi un impact important sur le bilan carbone. À titre d’exemple, l’usine Biowanze, qui produit à partir de blé et de betteraves du bioéthanol (capacité de production = 300 000 litres/an), ainsi que divers coproduits, grâce à un procédé de production fortement intégré, permet d’atteindre une réduction des émissions de gaz à effet de serre de près de 70 %, sur un site présentant une autosuffisance énergétique.

    Biowanze et les autres unités de production actuelles installées en Belgique (Gand et Alost) disposent d’une capacité totale de l’ordre de 500 millions de litres par an, ce qui est largement suffisant pour répondre à nos besoins qui s’élèvent à environ 160 millions de litres par an dans le cadre des objectifs contraignants européens.

    Pour ce qui concerne les émissions de polluants atmosphériques, il est un fait que, comparativement à l’essence fossile, le bioéthanol émet en plus grande quantité certaines molécules nuisibles pour l’environnement et la santé, en particulier des aldéhydes. Étant donné que comparativement à l’essence 95 E5, la 95 E10 contient une fraction plus importante de bioéthanol, les émissions de ces composés seront plus importantes.

    Vu le moindre impact du bioéthanol comparativement au biodiesel sur les changements d’affectation des sols, vu l’importante capacité de production de bioéthanol dans ou à proximité de notre région, effectuée dans le respect des exigences en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 35 % des biocarburants en comparaison avec les carburants fossiles, comme imposés par la réglementation européenne (chiffre calculé de la semence jusqu’à l’incorporation et qui est validé par des organismes de certification extérieurs), on peut estimer que le bilan carbone du bioéthanol fourni dans nos pompes reste positif et concilie, à l’espace de la Wallonie, environnement et économie. Il ne paraît dès lors pas opportun de porter ce point à l’ordre du jour d’une conférence interministérielle.