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Les fertilisants agricoles

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2017
  • N° : 628 (2016-2017) 1

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  • Question écrite du 22/03/2017
    • de PUGET André-Pierre
    • à DI ANTONIO Carlo, Ministre de l’Environnement, de l’Aménagement du Territoire, de la Mobilité et des Transports et du Bien-être animal

    L’Europe prépare un texte sur la libre circulation des fertilisants agricoles.

    Les composts, digestats et effluents d’élevage sortiraient, une fois traités, de la catégorie des déchets.

    Le but de l’Europe semble a priori noble puisqu’il s’appuie sur les principes de l’économie circulaire afin de se défaire des engrais minéraux conçus en dehors des frontières du continent.

    Vu sa position géographique entre des gros producteurs d’effluents d’élevage, la Wallonie pourrait, par contre, se voir pénalisée.

    En termes environnementaux, on craint notamment un impact sur la qualité des eaux.

    La Wallonie, assez isolée sur le dossier, fait en ce moment du lobbying au niveau européen.

    Qu’en est-il ?

    Quelles sont les revendications de Monsieur le Ministre ?

    A-t-il une chance de les voir aboutir ?
  • Réponse du 13/04/2017
    • de DI ANTONIO Carlo

    La proposition de règlement, soumise par la Commission européenne dans le cadre du plan d’action en faveur de l’économie circulaire, vise à harmoniser les règles de mise sur le marché intérieur de l'ensemble des fertilisants CE. Cela concerne les fertilisants inorganiques ou organiques, même s’ils contiennent des matières fertilisantes générées à partir de ce qui est aujourd’hui considéré comme déchets tels que certains composts, certains digestats, des effluents d’élevage transformés, des écumes de sucrerie.

    La proposition prévoit la libre circulation de tous les fertilisants couverts par le règlement, avec un marquage CE. Elle a notamment pour objectif d'établir des critères de « fin de vie de déchets » pour des matières constitutives de fertilisants actuellement soumises à la législation déchets.

    Sous couvert d’une motivation d’économie circulaire, certains éléments de cette proposition pourraient mettre à mal l’échange historique paille-fumier qui a lieu en Wallonie et qui est une réelle économie circulaire.

    Le projet de règlement préparé par la Direction générale « GROWTH » a été déposé le 17 mars 2016 auprès du Conseil et du Parlement européen en vue de son adoption selon la procédure législative ordinaire. Une fois le texte finalisé au niveau du Conseil de l’Union européenne, un trilogue débutera entre le Parlement, la Commission et la Présidence de l’Union.

    Au niveau belge, ce dossier est piloté par le SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement. Un expert du SPF représente la Belgique aux réunions du groupe de travail de la filière « compétitivité » du Conseil de l’Union européenne qui discute des aspects techniques. La Présidence y soumet des propositions de modifications du texte aux représentants des États membres.

    Le fédéral, au vu des domaines visés par la proposition, consulte les Régions dans le cadre du processus d’adoption en vue d’établir une position belge et organise une consultation des secteurs concernés.

    Au niveau wallon, la Direction de la Protection des Sols de la Direction Générale Opérationnelle Agriculture, Ressources naturelles et Environnement (DGO3) assure la coordination, en collaboration avec le Département des politiques européennes et des accords internationaux. Une coordination avec le cabinet du Ministre de l’agriculture est également assurée. À ce jour la Wallonie a transmis régulièrement au fédéral son point de vue sur les versions successives de la proposition.

    La position wallonne est basée sur les axes principaux suivants :
    - le principe qu’aucun déchet organique biodégradable ne soit intégré dans le règlement compte tenu de l’insuffisance des garanties apportées par la proposition au niveau de la protection de l’environnement ;
    - l’incertitude engendrée par la libre circulation prévue par le projet de règlement sur le maintien de possibilité de suivi de l’azote, qui entraîne une importante inquiétude quant au respect des dispositions de la directive nitrate et des obligations de résultat incombant à la Wallonie en vertu de la directive-cadre sur l’eau.

    Le contenu intégral de la position belge est extrêmement technique, les éléments majeurs sont les suivants :
    - la Wallonie est opposée à l’intégration de fertilisants à base de déchets organiques dans le règlement. Une réserve est donc émise dans la position belge ;
    - la Wallonie est préoccupée par l’absence de prise en compte des caractéristiques du sol récepteur dans le règlement et l’absence de déclaration des teneurs en éléments traces métalliques des fertilisants CE ;
    - la Belgique souhaite que la procédure d’adoption de critères « end-of-waste » se fasse conformément à la procédure prévue par la directive relative aux déchets, car elle offre plus de garanties ;
    - la Belgique interroge la Commission sur les possibilités de maintenir les systèmes de traçabilité prévus en vue de respecter les objectifs de la directive nitrates ;
    - la Belgique s’oppose à la possibilité de modifier le règlement via des actes délégués, car cela ne permet pas suffisamment la consultation des États membres ;
    - la Belgique souhaite qu’une base de données centrale des déclarations de conformité des fertilisants soit instaurée, afin de savoir quels fertilisants circulent sur son territoire et d’être en mesure d’organiser des contrôles.

    Cette position belge contient uniquement les commentaires et remarques faisant l’objet d’un consensus au niveau des différentes autorités compétentes, fédéral et Régions. Certains commentaires émis par la Wallonie ne sont pas repris dans la position belge, car ils ne sont pas soutenus par le fédéral et la Région flamande.

    À côté du travail au sein du Conseil de l’UE, le texte est en débat au sein du Parlement européen. C’est dans ce cadre qu’une information sur la situation wallonne a été transmise aux eurodéputés belges francophones et germanophones. Cette information fait partie de l’offre de service du Service public de Wallonie envers les eurodéputés afin de leur permettre d’apprécier au mieux les enjeux pour la Région wallonne et de prendre connaissance des positions que la Région ou la Belgique défendent par ailleurs dans d’autres instances européennes.

    La note informative transmise détaille les impacts potentiels sur les eaux et les sols wallons et suggère certaines adaptations des annexes de la proposition de règlement.

    Au niveau du Parlement européen, la proposition est discutée au niveau des commissions IMCO (marché interne et protection des consommateurs, compétente sur le fond), AGRICULTURE et ENVIRONNEMENT. Toutes trois ont publié un projet de rapport contenant des propositions d’amendements.

    La Wallonie a proposé aux eurodéputés quatre amendements en réaction aux amendements proposés par les commissions parlementaires de l’Agriculture et de l’Environnement.

    Les 4 amendements proposés par la Wallonie sont :
    * La suppression d’un amendement, proposé en Commission Agriculture du Parlement européen, qui modifie la définition des effluents d’élevage de la « directive nitrate » pour en retirer les effluents modifiés s’ils possèdent le marquage CE.
    * La suppression d’un amendement, proposé par la Commission Environnement, qui libère les producteurs de l’obligation de déclarer la teneur en azote des amendements organiques. Bien que cela ne soit pas leur but premier, les amendements du sol enrichissent de facto le sol en éléments nutritifs, et donc en azote. Si le contenu en azote n’est pas déclaré, il devient impossible pour la Wallonie de comptabiliser l’azote apporté par les amendements organiques sur son territoire, alors que c’est une obligation découlant de la directive nitrate.
    * La suppression de l’article 18 du règlement relatif au statut de fin de déchets. L’article ne respecte pas la procédure « fin du statut déchet » en vigueur, prévue par la directive cadre déchets 2008/98/CE qui offre davantage de sécurité aux états membres.
    * L’ajout de la composition en métaux lourds dans les obligations d’étiquetage des fertilisants CE afin de garantir une information au minimum équivalente à ce qui est actuellement demandé en Wallonie, de manière à protéger nos sols et in fine la santé des citoyens consommant les productions qui en sont issues.

    Ces amendements sont basés sur la position wallonne qui est globalement unanime, qu’elle soit exprimée par l’administration, les associations environnementalistes ou le secteur agricole.