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L'infantilisation des seniors

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2017
  • N° : 827 (2016-2017) 1

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  • Question écrite du 02/05/2017
    • de KAPOMPOLE Joëlle
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    Le journal La Province du 11 avril 2017 développait un article relatif à la maltraitance de nos aînés.

    Une de mes collègues a d’ailleurs interrogé Monsieur le Ministre à ce sujet.

    J’aimerais revenir avec lui sur la question de l’infantilisation des seniors dans notre système sociétal actuel.

    En effet, outre les institutions, mais également le système des voyages organisés, mettent en institutionnalisation la vie quotidienne des aînés, sans leur permettre d’exprimer un libre arbitre.

    Certes, pour le gestionnaire d’une institution, il n’est pas simple de trouver équilibre entre normes sociales, normes d’encadrement, bien-être et satisfaction personnelle des résidents…

    Cependant, à force d’institutionnaliser, d’offrir de multiples services en « kit », on supprime le libre arbitre.

    Quelle est la place de l’aîné dans le cadre des négociations quant à l’accomplissement de projets tels que la « silver » économie ;

    Quelles mesures pourrait-il proposer pour valoriser le libre arbitre de nos aînés ?

    Dans les institutions publiques, quelles mesures pourraient être adoptées pour rendre efficientes les réunions et propositions des résidents d’institutions ?
  • Réponse du 12/05/2017
    • de PREVOT Maxime

    Comme souligné très justement, par l'honorable membre, notre société a tendance à infantiliser les personnes âgées. Cette affirmation est d’autant plus vraie pour les personnes âgées en situation de dépendance physique et/ou cognitive.

    Le phénomène de l’âgisme est de plus en plus étudié pour comprendre les conséquences de nos représentations et de nos stéréotypes sur nos attitudes et nos comportements envers nos aînés. Pourquoi avons-nous tendance à surprotéger et à décider à la place des séniors ?

    En 2010, M. BUTLER, gérontologue à l’Université du Québec, a réalisé une étude de grande ampleur pour mesurer et comprendre l’âgisme. Il en ressort que ce phénomène constitue la discrimination sociale la plus élevée, bien plus importante que le racisme ou le sexisme. L’âgisme consiste à stigmatiser une personne et à lui prêter des particularités en se basant uniquement sur son âge. Quelle en est l’origine ? Diverses études démontrent que les personnes les moins informées sur le vieillissement sont plus susceptibles d’entretenir des attitudes négatives envers les personnes âgées. Par exemple, la méconnaissance du grand public des maladies de type Alzheimer facilite la stigmatisation des personnes touchées et les capacités de ces personnes sont rarement mises en exergue. Enfin, du point de vue économique, la personne âgée est considérée dans nos sociétés occidentales comme un poids ou une charge sociale, dès lors connotée négativement et ce constat est d’autant plus vrai pour les personnes en situation de dépendance.

    Des études nous montrent encore que, plus les professionnels sont confrontés à des personnes âgées dépendantes, plus grand est le risque de procéder à de l’âgisme qui se traduit le plus souvent par « faire à la place de » ou « choisir pour » la personne.

    L'honorable membre souligne ainsi cette tendance générale à organiser des activités pour et à la place des séniors et à réaliser des activités de la vie journalière à leur place. Ce phénomène est-il une fatalité ? Comme toutes les discriminations, il est du devoir des instances publiques de les dénoncer et de les combattre en apportant des propositions de changements. Dès lors, même si le chemin est encore long, plusieurs dispositifs sont en place pour modifier notre regard sur la personne âgée, surtout quand celle-ci est en situation de dépendance.

    Au domicile tout d’abord, à travers le projet Interreg « Aide aux aidants de personnes âgées en perte d’autonomie », initié par l’AViQ en partenariat avec le Département français du Nord, l’Agence Régionale pour la Santé des Hauts-de-France et l’ULg, des coordinatrices d’aide et de soins à domicile sont sensibilisées à la question des représentations mentales du vieillissement et de leurs conséquences sur les pratiques professionnelles. Cette formation est organisée sur le modèle « Train the trainer » : les professionnels disposent d’outils pour sensibiliser à leur tour leurs équipes d’aides familiales et de gardes à domicile.

    J’ai aussi déjà mentionné les projets pilotes Wallonie Amies des Aînés qui consistent à développer la participation des séniors dans leur commune. La Wallonie compte aujourd’hui 6 communes pilotes Wallonie Amies des aînés (WADA) : Malmedy, Farciennes, Braine-l’Alleud, Vaux-sur-Sûre, Namur et Sprimont. Cette dynamique WADA, actuellement développée par l’UCL, vise notamment à intégrer les besoins spécifiques des Aînés dans l’ensemble des politiques publiques de la Ville : aménagement et travaux publics, gestion de l’espace public, sécurité, logement, environnement, soutien à la vie association et sportive locale, santé et prévention.

    Dans les établissements pour aînés, de plus en plus de Directions sont sensibles à la promotion de l’autonomie des résidents dans leur projet de vie. Des formations spécifiques sont proposées à destination des professionnels et de nouvelles pratiques voient ainsi le jour. Citons, à titre d’exemple, la mise en place d’un plan de soins personnalisé et anticipé où le résident et ses proches peuvent, avant même l’entrée en institution, faire part de leurs habitudes et de leurs besoins spécifiques afin que ceux-ci soient respectés tout au long de la vie de la personne en institution. La question du sens des activités est aussi remise en question. Quels sont les besoins des résidents ? Quelles étaient leurs réalités de vie avant l’entrée en institution ?

    Enfin, je me permets de présenter rapidement trois établissements en projets-pilotes inspirés du modèle suédois Tubbemodellen. Il s’agit du Centre Sainte-Barbe (à Andenne, MRS du secteur associatif), de la Résidence Régina (à Moresnet, MRS du secteur public) et de la Reine des Près à Marche-en-Famenne, MRS du secteur privé commercial). Ces projets sont développés sur la base des besoins des résidents, où la MR est le foyer, la continuité naturelle de l’ancien lieu de résidence. Le résident participe aux décisions de son institution. Divers comités sont créés : un « comité activités », un « comité pédagogique », un « comité budget », composés de professionnels et de résidents. Les décisions sont prises en commun et rapportées à l’ensemble des résidents par les résidents eux-mêmes. Le personnel ne porte pas de « blouse blanche » et valorise le libre arbitre et la prise d’initiative. Il apprend ainsi à ne plus aider, mais à accompagner la personne.