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La déshumanisation de la chirurgie

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2017
  • N° : 874 (2016-2017) 1

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  • Question écrite du 12/05/2017
    • de KAPOMPOLE Joëlle
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    Dans le cadre de la limite des compétences de Monsieur le Ministre, je suis interpellée par un article de L’Écho faisant état d’un reportage-choc : « ils sauvent des vies, ils perdent leur humanité ».

    Il part d’une étude qui relève : « Ils ne savent plus vraiment qui on opère, ni de quoi, ni avec qui. La productivité s'invite sur le billard, comme dans une usine, et le pouvoir suprême passe des médecins aux administratifs, qui ne pensent qu'à rendre les intervenants interchangeables, qu'à quantifier les gestes techniques (anesthésie, ablation, réveil), à poser dans un laps de temps le plus court possible... »

    Et si l’hôpital public devenait le rempart de l’humanisation de la profession ?

    Quelle sera l’optique du Gouvernement pour sauver l’hôpital public ?

    L’hôpital public ne se montre-t-il pas comme un rempart contre le profit pour le profit, en laissant les soins, accessibles à tous, tout en étant efficaces et humains ?

    L’encadrement est une compétence wallonne, n’est-ce pas un moyen de garder l’hôpital à taille humaine ?
  • Réponse du 02/06/2017
    • de PREVOT Maxime

    L’article dont fait mention l'honorable membre fait référence à un documentaire réalisé dans un grand hôpital parisien. La France a développé un système hospitalier différent de la Belgique puisqu’il y a des hôpitaux à but lucratif. Selon les chiffres du Ministère français des Affaires sociales et de la Santé, il y a 1.030 établissements privés à but lucratif (98.545 lits) pour 931 établissements publics (258.158 lits) et 699 établissements privés à but non lucratif (58.137 lits).

    En ce qui concerne la situation en Belgique sur le plan de l’humanisation et partant, de la qualité des soins, il y a tout d’abord la loi fédérale du 22 août 2002 qui protège les droits fondamentaux du patient. Cette législation part du principe que les droits du patient vont de pair avec une relation de confiance entre le patient et le professionnel de santé. L’article 5 de cette loi consacre le droit de chaque patient à bénéficier d’une prestation de soins de qualité : « Le patient a droit, de la part du praticien professionnel, à des prestations de qualité répondant à ses besoins, et ce, dans le respect de sa dignité humaine et de son autonomie et sans qu'une distinction d'aucune sorte ne soit faite ». La Commission fédérale « Droits du patient » établie au sein du Service public fédéral Santé publique, évalue l’application de cette loi et donne des avis aux autorités en matière de droits du patient.

    Un patient qui s’estime lésé dans ses droits peut s’adresser au service de médiation de l’hôpital concerné, ou au service de médiation fédéral « Droits du patient » si le praticien exerce en dehors d’un hôpital.

    L’Organisation mondiale de la santé (OMS) relève que dans les pays industrialisés, près de la moitié des événements indésirables qui causent des préjudices aux patients hospitalités sont liés à des soins chirurgicaux. Au moins la moitié des problématiques liées aux soins chirurgicaux sont évitables.

    On constate que les principes de sécurité chirurgicale sont appliqués de manière peu, voire pas cohérente et non structurée, même dans les services les plus performants. C’est la raison pour laquelle, l’OMS recommande que les principaux éléments de sécurité fassent partie de la routine dans la salle d’opération, sous la forme de check-list. Il a été prouvé que l’adoption des check-lists réduit de plus d’un tiers les accidents et décès postopératoires, indépendamment des ressources disponibles. J'invite l'honorable membre à prendre connaissance de la communication de la PAQS sur ces points à l’adresse suivante : http://www.paqs.be/fr-BE/Documents/Activites/PAQS-20170207-Lancement-5-ans.aspx.

    En effet, en tant que Ministre de la Santé en Wallonie, plusieurs de mes compétences contribuent à protéger le patient contre une « déshumanisation » des soins et veillent à ce que chaque patient bénéficie de soins de qualité.

    Le mode de gouvernance choisi pour l’AViQ, de gestion paritaire entre les prestataires, dont les prestataires hospitaliers, d’une part, et les mutuelles comme représentants des patients, d’autre part, participe à cet objectif de qualité des soins avec l’efficience requise.

    La législation participe également à cet objectif. Les hôpitaux doivent répondre aux conditions minimales d’agrément fixées par la loi sur les hôpitaux et ses arrêtés d’exécution. Ces normes d’agrément s’appliquent à tous les hôpitaux, qu’ils soient publics ou privés, et concernent l’architecture, le fonctionnement et l’organisation des services hospitaliers (par exemple, la capacité de lits, l’équipement technique, le personnel médical, paramédical et soignant, et le niveau d’activité).

    L’AViQ inspecte ces hôpitaux en fonction du respect des normes d’agrément et prépare ainsi l'agrément des hôpitaux sans lequel ceux-ci ne peuvent offrir de soins. Tout ce qui est suivi et contrôlé a pour clef de voûte la qualité des soins et le respect des droits du patient.

    Je soutiens et finance également plusieurs organisations qui œuvrent dans le domaine de la qualité des soins dans les hôpitaux, dont notamment :
    - la PAQS (Plateforme pour l'Amélioration continue de la Qualité des soins et de la Sécurité des patients) à laquelle j’ai fait référence plus haut, qui est une ASBL réunissant les fédérations hospitalières, l’association des médecins directeurs, les mutuelles et les écoles de santé publique des trois universités, laquelle plate-forme a pour objectif de promouvoir, soutenir et organiser le développement et la mise en œuvre de démarches d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité dans les institutions de soins de santé en Wallonie et à Bruxelles ;
    - la Ligue des Usagers des Soins de Santé (LUSS) qui est la Fédération francophone des associations de patients et de proches et le porte-parole des usagers des services de santé. La LUSS assure une mission de soutien aux associations de patients et de proches, développe des projets, outils et activités pour mieux former et informer les patients, et relaye les préoccupations et les constats des patients, de par leur expérience du vécu, vers les autorités publiques en charge de la santé.

    Dans le programme d’activités 2017-2021 de la PAQS, citons les projets suivants, centrés autour du patient :
    - accompagnement des hôpitaux dans l’implémentation d’un modèle de « partenariat patient » permettant d’associer le patient à l’action des professionnels de santé. Ce modèle repose sur une logique de partage de savoirs complémentaires et de co-construction : les professionnels sont les experts de la maladie, les patients les experts du vivre avec la maladie ;
    - en collaboration avec la LUSS, la PAQS prévoit de développer des indicateurs en partant des thématiques prioritaires identifiées par les associations de patients et d’accompagner les institutions volontaires dans la planification d’actions d’amélioration des soins centrés sur le patient.

    Sur l’approche par secteur public/associatif qu'adopte l'honorable membre et sur laquelle elle m’interroge, je me réfère à la réponse à la question écrite n° 100, donnée la législature précédente par ma collègue compétente en santé à l’époque, Éliane TILLIEUX. Elle y répondait ceci : « Le système de santé belge et plus particulièrement la loi sur les hôpitaux ne fait aucune distinction entre le statut privé d'un hôpital ou son statut public. Les hôpitaux remplissent les mêmes fonctions de base, ils disposent du même mode de financement et leurs obligations normatives sont identiques. Il n'existe d'ailleurs en Belgique aucun hôpital privé « à but lucratif ». La loi sur les hôpitaux précise par ailleurs que tous les hôpitaux remplissent une mission d'intérêt général ». C’est donc la notion de service public fonctionnel qu’il convient de privilégier.

    Pour une parfaite information, il existe en Belgique une structure destinée aux médecins travaillant en hôpital et qui sont confrontés au risque d'épuisement professionnel : www.medecinsendifficulte.be. Elle vise les problèmes d’ordre psychosocial des médecins qui peuvent influencer la qualité des soins qu’ils dispensent. C’est un organisme indépendant destiné à tous les médecins ainsi qu’aux médecins en formation et à leur entourage, axé tant sur la prévention que sur l’offre d’un accompagnement accessible, discret et confidentiel. En outre, il s’agit d’un centre de connaissance et d’un point de contact central pour toutes les personnes intéressées. Cette structure réunit des informations relatives à cette problématique et les rend accessibles.