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Le droit à un logement décent établi par l'article 23 de la Constitution

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2017
  • N° : 556 (2016-2017) 1

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  • Question écrite du 15/05/2017
    • de STOFFELS Edmund
    • à DERMAGNE Pierre-Yves, Ministre des Pouvoirs locaux, de la Ville et du Logement

    L’article 23 de la Constitution accorde aux Belges une série de droits fondamentaux, dont celui à un logement décent.

    Dans les débats parlementaires, on évoque toujours cet article pour justifier un « standstill », interdisant de modifier l’accès à ces droits de façon défavorable pour le citoyen.

    Le projet de décret modifiant le Code wallon du Logement et de l’Habitat durable (Doc. 773 (2016-2017) N° 1 et 1bis) fait d’ailleurs l’objet de remarques du Conseil d’État dans ce sens.

    Il s’ensuit donc que ledit principe, traduit en droit positif, interdit de faire marche arrière quant aux droits du citoyen en matière de logement par exemple.

    A l’inverse, le même article 23 ne nous impose-t-il pas d’accorder une priorité aux thèmes qui y sont cités lorsque nous traduisons les principes en droit positif ?

    Parmi les compétences que la Constitution confie à la Région wallonne, certaines sont citées à l’article 23 de ladite Constitution et d’autres n’y sont pas citées.

    Le respect de la Constitution, que nous avons tous juré d’observer, ne nous impose-t-il pas de considérer les matières reprises à l’article 23 comme prioritaires, comparées aux autres qui n’y sont pas citées ?

    Ou en d’autres termes – et pour reprendre la compétence relative au logement – de tout mettre en œuvre pour garantir à tout citoyen un logement décent avant que des moyens soient investis dans des politiques n’étant pas reprises dans ledit article 23 ?

    À l’inverse, tant qu’il a des carences en matière de logement, peut-on légitimement prétendre de respecter la Constitution si l’on accorde des moyens à d’autres politiques non prioritaires en vertu de cet article ?

    Ou est-ce que l’article 23 de la Constitution constitue une espèce de vœux pieux dont on peut se servir comme argument quand cela convient et que l’on peut mettre dans le tiroir quand cela ne convient pas ?

    Monsieur le Ministre-Président serait-il disposé à soumettre la question à un constitutionnaliste, voir même à la Cour constitutionnelle ?
  • Réponse du 15/06/2017
    • de DERMAGNE Pierre-Yves

    En son article 23, la Constitution énonce le droit de chacun de mener une vie conforme à la dignité humaine. Cinq droits économiques, sociaux et culturels y sont consacrés dont le droit à un logement décent.

    L’article 23 de la Constitution ne précise cependant pas ce qu’impliquent ces droits dont seul le principe est exprimé, chaque législateur étant chargé de les garantir, conformément à l’alinéa 2 de cet article, en tenant compte des obligations correspondantes (Cour constitutionnelle, arrêt 133/2015 du 1er octobre 2015).

    Cela rend-il obligatoire pour l’État, en l’occurrence les Régions, de fournir un logement décent pour chaque individu ?

    Non, il n’existe en effet pas d’obligation de résultat dans le chef des autorités.

    Le droit à un logement décent appelle pourtant à l’intervention de l’autorité et dès lors se pose la question de s’assurer du respect effectif de ce droit constitutionnel.

    C’est en ce sens que le principe du « standstill » a trouvé à s’appliquer.

    Ainsi, Isabelle HACHEZ, professeur à l’Université Saint-Louis à Bruxelles explique ce principe et son application en matière de droit à un logement décent :

    « Nos organes de contrôle (principalement les juridictions comme la Cour constitutionnelle ou le Conseil d’État) s’accordent en effet pour considérer qu’à défaut de conférer un droit subjectif à leurs bénéficiaires, les droits sociaux engendrent un effet de standstill qui interdit au législateur de diminuer significativement le niveau de protection qu’il leur a d’ores et déjà accordée, sauf motif d’intérêt général.

    Ainsi, l’article 23 de la Constitution garantit le droit à un logement décent, mais pas question pour un sans-abri, sur cette seule base, d’exiger du juge un toit pour la nuit et pour la vie ; par contre, à supposer que le législateur investisse la marge de manœuvre que lui confère cet article de la Constitution en prévoyant une allocation logement au profit des plus défavorisés, il ne pourrait plus ultérieurement, sans justification objective et raisonnable, diminuer le niveau de protection du droit au logement auquel il a consenti ».

    Ce principe permet dès lors à nos juridictions, après avoir constaté l’existence d’un recul significatif, de vérifier s’il existe des motifs d’intérêt général à même de justifier ce recul (voir arrêt du C.E Cléon ANGELO n°215.309 du 23 septembre 2011).

    Lorsque l’honorable membre fait état de l’avis du Conseil d’État sur le projet de modification du CWLHD lequel rappelle le principe du standstill en matière d’aides aux particuliers instituées par ledit décret, il y a d’abord lieu de s’interroger sur la réelle présence d’un recul dans le projet de modification ; or, tel n’est pas le cas dans les modifications que je propose comme je l’ai exposé lors de la présentation en 3e lecture du projet de décret en session du 27 mars 2017.

    Pour conclure, je rejoins les inquiétudes de Monsieur STOFFELS sur l’importance à donner au droit à un logement décent pour tous et j’entends mettre à exécution les réformes envisagées en ce sens.