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Le manque d'investissements belges dénoncé par la Commission européenne

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2017
  • N° : 299 (2016-2017) 1

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  • Question écrite du 16/05/2017
    • de STOFFELS Edmund
    • à LACROIX Christophe, Ministre du Budget, de la Fonction publique, de la Simplification administrative et de l'Energie

    Suite à la réponse du Ministre-Président, je me permets d'adresser la question suivante à Monsieur le Ministre.

    La Commission européenne demande aux pouvoirs publics belges d'investir dans les infrastructures de transport et d'énergie notamment. Tout en respectant les règles du pacte budgétaire. La Région wallonne est indirectement visée aussi.

    "Un faible niveau d'investissement public limite la croissance de la productivité", note la Commission. Cela nous concerne comme cela concerne les communes à propos desquelles nous exerçons un pouvoir de tutelle.

    Parmi les reproches faits à la Belgique, et donc à la Wallonie, la Commission souligne donc le manque d'investissements publics.

    L'augmentation des prix de l'électricité et des services, en partie influencée par des décisions administratives, a largement contribué à pousser l'inflation à un niveau structurellement plus élevé que dans les pays voisins. C’est moins de notre ressort.

    La Commission épingle aussi le manque d'avancées en matière de réglementation d'industries de réseau, de services, qui restent "protégés de la concurrence".

    La Commission continue de critiquer le système fiscal belge dans son ensemble: "Le grand nombre d'exemptions, de distorsions économiques et de mauvais incitants fiscaux créent des inefficacités et conduisent à des taux d'impôt légaux élevés."

    La fiscalité belge n'est par ailleurs pas assez "verte", répète la Commission. La Belgique manque "d'une vision à long terme en matière de politique climatique". En effet, la ministre fédérale a trop longtemps tardé à vraiment lancer le débat sur un vrai pacte énergétique. Nous voilà en retard et nous devrons travailler dans l’urgence. Y arriverons-nous ?

    La Belgique risque de manquer ses objectifs pour 2020 en matière de réduction de la pauvreté, et ce, malgré les plans de cohésion sociale mis sur pied par la Région wallonne.

    L'exécutif européen souligne positivement la réforme de la loi de 1996 sur la compétitivité, qui a effacé le handicap salarial belge face à ses voisins. C'est le seul "progrès substantiel" enregistré. Oui, mais à quel prix !? Oublie-t-on le fait que la facture est payée par le consommateur, ce qui affaiblit la demande interne au grand regret des politiques économiques que nous pouvons mettre en place ?

    La Commission retient aussi quelques avancées en matière de formation professionnelle et d'activation des chômeurs. L’UE considère donc les exclusions comme une avancée !

    Relever l'âge légal de la pension et limiter les aides publiques aux prépensions "a encouragé les travailleurs les plus âgés à rester au travail ou à y retourner", note la Commission, sans trop se soucier de l’impact sur le taux d’emploi.

    À lire toutes ces belles recommandations, on se pose la question de savoir pour qui ils se prennent. La Belgique, et donc la Wallonie, est-elle un pays sous tutelle de l’UE ? Quelles contradictions entre, d’une part, l’austérité que l’UE impose à ses membres et, d’autre part, un appel à l’investissement !
  • Réponse du 06/06/2017
    • de LACROIX Christophe

    D’une manière générale, nous sommes bien d’accord pour pointer un certain manque de cohérence dans les recommandations de la Commission. C’est le cas pour les investissements publics, notamment.

    La Commission européenne suit des lignes directrices qui sont fréquemment en opposition avec le cadre politique de ce Gouvernement, cela n’est pas nouveau. Il faut concéder qu’une partie des problèmes soulevés dans les recommandations doit être traitée : la lutte contre la pauvreté, l’inflation qui reste importante, ou les prix trop élevés de certains biens et services tels que les télécoms, peu concurrentiels. Néanmoins, nous avons, et nous maintenons toute une série d’objections essentielles au point de vue de la Commission.

    Dans ses recommandations relatives au Programme national de réforme 2017 de la Belgique, la Commission répète encore une fois que, tout en atteignant à moyen terme l’équilibre budgétaire, il nous faut également, je cite, « améliorer la répartition des dépenses publiques dans le but de dégager des marges pour les investissements dans les infrastructures, y compris les infrastructures de transport ».

    Pour la Commission, la rigueur budgétaire et l’accroissement des investissements publics sont donc des politiques compatibles. Il nous faudrait pour cela sacrifier encore davantage de services au public, de subventions, d’aides aux citoyens défavorisés, aux associations, aux entreprises.

    La Commission, et l’Union européenne devraient entendre et comprendre que nous ne pouvons pas demander sans cesse des efforts supplémentaires aux citoyens. Il nous faut investir davantage, nous en convenons. Mais plus au détriment de toutes les autres dépenses.

    Prétendre, comme le dit la Commission, qu’il est nécessaire de dégager des marges importantes avant d’investir, c’est par ailleurs nier les principes de macroéconomie les plus simples. Si l’OCDE, peu favorable aux politiques de gauche, se joint au FMI pour affirmer qu’il faut pouvoir relâcher la contrainte budgétaire, parce que les efforts les plus importants ont déjà été réalisés et qu’il est maintenant temps de soutenir la croissance qui reprend tout doucement, c’est parce qu’il s’agit d’un discours réellement audible.

    Le Bureau du Plan apporte également un éclairage important, en confirmant que les investissements stratégiques peuvent être partiellement autofinancés par la création de richesses et de recettes fiscales qu’ils engendrent à court, moyen et long terme. S’il faut rester prudent et sérieux avec les finances publiques, des pics d’investissements doivent pouvoir être autorisés lorsque cela s’avère nécessaire et que les moyens sont disponibles.

    Il ne s’agit pas non plus d’ouvrir les vannes, et de distribuer les fonds pour n’importe quel investissement. Nous visons des projets importants, stratégiques, générateurs de croissance et de bien-être.

    À ce sujet, je souligne encore une fois notre volonté de collaborer avec les autres Communautés et Régions, ainsi que le Fédéral, pour une concertation et une stratégie commune en matière d’investissements. Dès lors, nous ne pouvons que regretter les avancées unilatérales du Gouvernement fédéral vers un Pacte national d’investissements, qui restera purement et simplement lié à ses propres compétences s’il n’ouvre pas la discussion, comme nous le proposons.

    En ce qui concerne la fiscalité, l'honorable membre aborde deux points : son efficacité et son caractère écologique. Nous pouvons aller dans le sens de la Commission, qui dénonce le grand nombre d’exemptions et de distorsions, pour certains impôts, et notamment l’impôt des sociétés. Il est vrai, par exemple, qu’il serait préférable que les multinationales et les plus grandes entreprises bénéficient de moins d’exemptions afin de relever leur taux de taxation effective. Mais ce n’est sans doute pas le type d’inefficacités que la Commission vise dans son commentaire.

    En parlant de fiscalité et d’inefficacités, nous pourrions, nous aussi, adresser des recommandations à l’Europe. En fait-elle assez pour l’harmonisation fiscale ? Et contre la concurrence fiscale déloyale ? Contre l’évasion fiscale ? Son action également doit pouvoir être évaluée et analysée de manière critique.

    Quant au caractère écologique de la fiscalité : il reste des efforts à faire, mais nous y travaillons, dans le champ des compétences wallonnes. Cela concerne principalement le logement, notamment pour les rénovations, ainsi que les véhicules. Au-delà des mesures nouvelles ou en préparation, nous maintenons des dispositifs existants, ce qui n’est pas toujours le cas des autres Régions, comme la réduction d’impôts octroyée pour les dépenses liées à l’isolation de la toiture.

    Enfin, sur la question de l’énergie : comme le sait l'honorable membre, mes collègues et moi-même avons l’ambition d’aboutir à un Pacte énergétique pour la fin de cette année. Les stakeholders répondent actuellement à la consultation lancée début mai. Sur base de leur réponse, un premier texte sera transmis par CONCERE aux ministres pour septembre.

    Les discussions sur cette proposition devront aboutir pour octobre et une consultation publique sera lancée dans la foulée. Le timing est donc serré, mais les travaux avancent dans un climat constructif, ce qui me confirme dans l’espoir d’avoir un pacte énergétique pour fin 2017.