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La taxe européenne

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2017
  • N° : 343 (2016-2017) 1

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  • Question écrite du 13/06/2017
    • de STOFFELS Edmund
    • à LACROIX Christophe, Ministre du Budget, de la Fonction publique, de la Simplification administrative et de l'Energie

    Dans la question écrite n° 54 du 7 février 2017 de Monsieur Mottard à Monsieur le Ministre-Président, on peut lire :
    « Pour l’ex-Premier Ministre italien Mario Monti, l’Union doit lever ses propres taxes, sur le CO2, l’électricité, les transactions financières, les bénéfices des entreprises, etc.
    Quant à Wolfgang Schäuble, il veut réformer le budget européen de façon à obliger les pays membres à opérer des réformes s’ils veulent pouvoir prétendre à un accès aux fonds.
    Une taxe européenne offre la chance d’une harmonisation des politiques sectorielles, bien que cela soit à charge du principe de la subsidiarité. »

    Dans la réponse de Monsieur le Ministre-Président on peut lire que « Le rapport, dit rapport Monti, fait partie intégrante de la réflexion lancée par les institutions européennes sur le prochain cadre financier pluriannuel et il complète également les conférences “Budget for results” lancées par l’ancienne commissaire au Budget, Madame Kristalina Georgieva.
    La Wallonie a toujours défendu un budget européen ambitieux et le recours aux nouvelles ressources propres, notamment la taxe sur les transactions financières. Celles-ci permettront d’envisager un budget européen basé, à l’avenir, sur une véritable stratégie européenne de croissance et d’investissements et non plus sur une addition de calculs “individuels” des États membres, et plus particulièrement des contributeurs nets. »

    Dont acte ! D’un côté, on plaide pour lever – à l’échelle européenne – une taxe sur le CO2, l’électricité, les transactions financières, les bénéfices des entreprises, etc. Dans la réponse, on parle d’une taxe européenne notamment sur les transactions financières, générant un budget européen propre. La convergence des points de vue n’est donc que partielle.

    Suivant le principe du non bis in idem, cela signifierait que les états ou les régions ne pourront plus lever une série de taxes, à moins qu’on les autorise à lever des centimes additionnels.

    Comment, dans un scénario d’une taxation européenne, Monsieur le Ministre voit-il l’évolution des taxations fédérale et régionale ?

    Et qui dit taxation, dit aussi responsabilité pour les efforts à entreprendre dans les domaines visés.

    Comment voit-il dans ce cas la répartition des efforts politiques en matière de réduction des gaz à effet de serre?
  • Réponse du 04/07/2017
    • de LACROIX Christophe

    1) La mise en place d’une taxe européenne

    Tout d’abord, la question porte sur la mise en place d’une taxation au niveau européen afin d’obtenir un financement direct de l’action européenne. Sur ce volet, on peut se reporter à la réponse du Ministre-Président. En effet, celui-ci n’exclut aucune source mentionnant « notamment » la taxe sur les transactions financières. Néanmoins, dans un scénario de taxation européenne et dans le respect du principe de subsidiarité, il semblerait cohérent que la taxation nouvelle mise en place au niveau européen soit plus pertinente ou plus efficace à ce niveau qu’aux niveaux nationaux, ou dans le cas de la Belgique, régionaux.


    2) Une taxe carbone

    Ce n’est pas le cas d’une taxe carbone qui a déjà été mise en place avec succès dans plusieurs pays européens. Rappelons encore que c’est à défaut d’obtenir un accord sur la mise en œuvre d’une telle taxe au niveau européen qu’a été mis en place le système européen d’échange de quotas d’émissions. Les deux systèmes peuvent néanmoins coexister, la taxe permettant notamment d'impliquer les très nombreux petits émetteurs diffus, difficiles à soumettre au système des quotas.

    De plus, une taxe carbone est d’une nature différente. En effet, une telle taxe que l’on peut qualifier de pigouvienne est avant tout destinée à internaliser le coût social des activités économiques, notamment en ce qui concerne la pollution. Elle vise à intégrer au marché les externalités négatives produites par les modes de consommations pollueurs en envoyant un signal-prix aux agents économiques et en améliorant la compétitivité de produits équivalents moins polluants.

    Le produit de la taxe pigouvienne peut être intégré au budget général de la nation ou être alloué à un budget spécifique destiné à favoriser une croissance équitable. Parmi les possibilités :
    - redistribuer les ressources sous forme de réduction d’impôts pour les ménages,
    - soutenir les plus pauvres via les systèmes sociaux,
    - faciliter les ajustements de la transition,
    - investir dans des infrastructures bas carbone,
    - et encourager le changement technique et l’innovation.

    La neutralité en termes de revenus, au moyen de transferts et de diminution des autres taxes, est l’un des choix de politique économique possibles. Ces choix devront être faits en tenant compte des circonstances propres à chaque pays, tout en gardant à l’esprit les objectifs de développement et les engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris. La taxe carbone peut également avoir pour objectif de préparer progressivement la société à un épuisement des ressources d'énergies fossiles. À ce jour, une vingtaine de pays dans le monde utilisent la taxe carbone dans le cadre de leur politique de lutte contre le réchauffement climatique.

    Mais le débat peut être posé de manière plus ouverte en termes de tarification du carbone et c’est ce qu’a fait la Commission de Haut Niveau sur les Prix du Carbone, mise en place lors de le 22e Conférence des Parties de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CNUCC) à Marrakech, au Maroc, en 2016, et coprésidées par Joseph Stiglitz, lauréat du prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel, et Lord Nicholas Stern.

    L’objectif de la Commission est « d’explorer les options de tarification du carbone et les niveaux de prix du carbone susceptibles d’induire les changements de comportement – en particulier ceux qui déterminent les investissements dans les infrastructures, les technologies, et les outils de production – qui sont nécessaires pour atteindre l’objectif en température de l’Accord de Paris, d’une manière favorable à la croissance économique et au développement – comme l’expriment les Objectifs de Développement durable. » Leur rapport a été publié à la fin du mois de mai dernier.

    Ils aboutissent à la conclusion « qu’une tarification bien conçue du carbone est un élément indispensable d’une stratégie efficiente de réduction des émissions. Le but de la tarification du carbone est d’inciter aux changements qui sont nécessaires dans l’investissement, la production, ainsi que dans les modes de consommation, et d’induire les progrès techniques qui diminueront les coûts futurs de réduction des émissions. »

    Néanmoins, il y a plusieurs manières de tarifer le carbone :
    - Un prix explicite peut être mis en place sur les émissions de gaz à effet de serre par une taxe carbone ou un marché de quotas.
    - La tarification du carbone peut également être mise en œuvre au moyen de prix notionnels intégrés dans des outils de financement, et des incitations pour les investissements et les comportements bas-carbone. Par exemple, des crédits carbone attribués à des projets spécifiques, qui seraient basés sur le retour d’expérience du Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto, et sur le mécanisme établi dans l’article 6 de l’Accord de Paris, peuvent fournir le même type d’incitation en attribuant une valeur aux émissions de gaz à effet de serre évitées.
    - Une tarification explicite du carbone peut être utilement complétée par la prise en compte d’une valeur socio-économique dans les choix faits par le secteur public (shadow pricing), et d’un prix du carbone interne dans les décisions des entreprises.

    Une autre étape essentielle est la réduction des subventions aux combustibles fossiles puisqu’en pratique, ces subventions ont le même effet qu’un prix du carbone qui serait négatif.

    Enfin, pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, tous les pays devront mettre en œuvre des ensembles de mesures de politique climatique. Ces ensembles de mesures de politique économique incluent des politiques complémentaires à la tarification du carbone, capables de remédier aux défaillances des marchés au-delà de l’externalité que constituent les gaz à effet de serre. La forme que prendront ces politiques variera d’un pays à l’autre et devront tenir compte des circonstances locales et nationales.


    3) La répartition des efforts politiques en matière de réduction des gaz à effet de serre

    Compte tenu des éléments détaillés ci-dessous, on peut considérer qu’un mécanisme de taxation quel qu’il soit doit être mise en œuvre au niveau politique compétent. Dans le cas de la Belgique, la responsabilité de la mise en œuvre des politiques climatiques se trouve entre les mains des Régions. On en veut pour preuve la répartition de l’objectif climatique non-ETS belge entre les seules Régions, le fédéral étant chargé de la mise en œuvre de politiques et mesures en appuis aux efforts des régions. La mise en œuvre d’une taxe carbone devrait alors s’opérer au niveau régional, le cas échéant, les trois régions pourraient agir en coordination.