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Les jeunes sans-abri

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2017
  • N° : 1027 (2016-2017) 1

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  • Question écrite du 14/06/2017
    • de KNAEPEN Philippe
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    La problématique des personnes sans-abri en Wallonie est inquiétante. La lutte contre la pauvreté et la précarité est une priorité, tant du point de vue local, régional ou fédéral qu’international. Il m’est revenu qu’un nombre interpellant de SDF de moins de 30 ans fréquentait les organismes d’aide sociale à Charleroi. Ces données étaient d’ailleurs reprises dans une question parlementaire précédente.

    À Charleroi, la population des jeunes (les moins de 30 ans) compose 31 % du public sans-abri fréquentant les services. Plus précisément, les 18-24 ans représentent 17 % des personnes sans-abri et les 25-29 ans 14 %. La catégorie des 18-24 ans est donc la catégorie la plus représentée au sein de ces services. Il a également été relevé que 83 enfants (moins de 18 ans) ont été hébergés au sein de l'abri de nuit le Triangle. Il s'agissait d'enfants accompagnés de leur famille.

    Si ces pourcentages sont un peu moins élevés pour le reste de la Wallonie, ils restent préoccupants. Des initiatives ont-elles été prises sur le plan régional pour lutter contre ce phénomène  ? Une concertation avec les acteurs sociaux locaux a-t-elle été envisagée afin d’engager une action de sensibilisation ou de lutte commune, a fortiori à plus large impact qu’une initiative locale  ? Monsieur le Ministre dispose-t-il de données chiffrées concernant la proportion de jeunes sans-abri dans les rues wallonnes sur les dix dernières années  ?

    Monsieur le Ministre indiquait qu’à Verviers, il était très rare qu’un jeune dorme en rue  ; les jeunes en situation précaire étant systématiquement hébergés sur des lits d’urgence, chez des amis ou dans leur famille. Comment expliquer cette différence  ? N’y a-t-il pas moyen d’appliquer ce modèle aux autres arrondissements  ? Quels sont les freins principaux à cette transposition  ? D’autres pistes de réflexion sont-elles à l’étude  ?
  • Réponse du 30/06/2017
    • de PREVOT Maxime

    Des initiatives ont été prises sur le plan régional pour lutter contre ce phénomène interpellant. Dans leurs missions de coordination, les Relais sociaux ont eu la possibilité d’analyser cette thématique préoccupante.

    Les coordinateurs généraux des Relais sociaux ont communiqué à mon Administration les éléments de réponse repris ci-dessous :

    1°solutions diverses apportées

    À Charleroi, au-delà d'une gestion urgente de ces jeunes, des projets d'insertion durable permettent de leur trouver un logement. C'est notamment le cas du projet Capteur logement qui reloge chaque année plusieurs jeunes et du projet relogement en période hivernale qui en accueille également plusieurs. Les Associations de Promotion du Logement portent également une attention particulière à ce public.

    De plus, des projets spécifiques dédiés à cette catégorie d'âge ont été mis en place ou vont l'être : c'est notamment le cas du projet Kot Tremplin de la Mado et Relogeas ou encore du futur projet de Solidarités Nouvelles dont l'objectif serait d’accueillir des jeunes en difficultés pour une durée de 3 ans (projet en construction).

    Dernièrement une table ronde, regroupant des travailleurs du secteur, a été organisée afin de faire le point. En parallèle, avec la collaboration de l’Observatoire de la Cohésion sociale du CPAS de Charleroi, il est prévu d’entamer une recherche qualitative autour de cette problématique pour mieux en comprendre les contours.

    À Verviers, hors Plan grand froid, le dispositif d’urgence sociale (D.U.S.) a mis en place un système de quotas (possibilité de loger 3 nuits par semaine). Les maisons d'accueil sont libres d'accepter ou de refuser les situations qui ont dépassé le nombre de 3 nuits. Ce quota est levé si la personne fait preuve d'une certaine mobilisation. Les usagers connaissent le fonctionnement et le D.U.S. n'est pas amené à refuser d’hébergement puisque la grande majorité ne l'interpelle pas au-delà du quota préalablement expliqué. Souvent, les personnes qui se mobilisent rentrent très vite en maison d’accueil. Le D.U.S. évalue tous les mardis en réunion d’équipe la prolongation ou l’arrêt des quotas. Rien n’est définitivement acquis, l’intérêt étant d’avancer avec la personne.

    La « non-saturation » peut s'expliquer par des échanges réguliers entre les différents centres d’hébergement (Maison Marie-Louise, L'Accueil et le D.U.S.).

    Le dispositif mis en place sur Verviers est donc adapté à la réalité de terrain. L’accueil d’urgence répond à la demande quel que soit l’âge, sachant qu’actuellement les compétences territoriales du D.U.S. sont limitées et qu'ils sont peu confrontés à l’appel d’air comme pour les grandes villes qui ont un abri de nuit classique accueillant le « tout venant ».

    À Mons, les mineurs ne sont pas admis dans les accueils de jour et de nuit pour adultes et sont accompagnés vers les services d’aide à la jeunesse et les maisons d’accueil pour familles.
    Pour les 18-24, il est apparu nécessaire d’adopter une approche différente, d’intervenir avant l’ancrage en rue de ces jeunes de différentes façons :
    - un travail d’insertion intensifié ;
    - une collaboration étroite avec les maisons de quartier (PCS) ;
    - la présentation des maisons d’accueil : les équipes qui viennent à l’accueil de jour, les éventuels hébergés visitent les maisons, un lien est donc établi avant toute proposition ;
    - l’atelier « organisation vie quotidienne » : participation à des ateliers pour la gestion de leur futur logement ;
    - le projet de création d’une plate-forme réunissant les intervenants jeunesse sur le territoire mieux préparer la sortie des institutions ;
    - une vigilance accrue en rue ;
    - un cadrage plus important : plus revendicateurs et consommateurs de stupéfiants que les plus âgés, leur encadrement est intensifié.

    Le housing first est également un moyen pour aider le jeune à rebondir en le sécurisant.

    Depuis mai 2015, le Relais social urbain de Tournai (RSUT) pilote en co-intervention avec des représentants du secteur de l’aide à la jeunesse un groupe de réflexion intitulé « jeunes en errance – parents en errance ».

    Ce groupe est composé paritairement de représentants du secteur de l’aide à la jeunesse (SAJ, SPJ, AMO, SAAE, SAIE , COO, CAAJ) et de représentants du secteur de l’action sociale (maisons d’accueil, CPAS, CHWAPI, éducateurs de rue, CPAS, SNCB, CITADELLE, Braséro, maison médicale, relais santé).

    Ces professionnels, issus de secteurs différents, ont décidé d’unir leurs réflexions, leurs actions dans une dynamique de co-construction. En effet, nombreux sont les professionnels du réseau qui rencontrent des jeunes en situation d’errance. Précarisés, hors de tout milieu qu’il soit familial, scolaire ou festif, ils déclarent dormir dans des voitures, dans des squats organisés ou sauvages, fréquentent ponctuellement les structures d’accueil de nuit ou de jour, refusent les « accroches sociales », sont multi-consommateurs, « désaffiliés », « borderline », accrochent à des personnes de passage. La plupart ont eu un parcours dans l’Aide à la jeunesse. Face à celle-ci, ils font part soit d’un sentiment de « trop plein », soit d’un sentiment d’avoir été « lâchés trop vite » une fois leur majorité atteinte.

    Tous constatent que les contacts ne sont pas aisés : ils cultivent une méfiance envers les intervenants, se livrent difficilement ou dans des lieux « inadéquats » ; les cadres institutionnels sont mis à l’épreuve. Ces jeunes sont incapables de se projeter, ils sont en permanence dans «  l’immédiateté », le « tout et tout de suite », sans formuler de réelle demande.

    Les parents en errance, quant à eux, semblent se montrer moins réfractaires aux contacts avec les professionnels. Néanmoins, ils ne sont pas toujours en capacité de « bouger », et ce en raison de nombreux paramètres : pas de motivation, sentiment d’être « jugés » en permanence, mauvaises expériences précédentes, ayant vécu eux-mêmes des placements durant leur propre enfance, assuétudes, etc. Cela complexifie leur accompagnement (rendez-vous manqués, etc.). Les différents obstacles (extérieurs et/ou intérieurs) auxquels ils se confrontent au quotidien représentent autant de freins dans les contacts avec leurs enfants.

    En 2016, le groupe a proposé différentes recommandations ayant pour finalité de permettre aux professionnels de « bien » ou « mieux » travailler ensemble.

    Parmi celles-ci « l’importance de se connaître » est un point clé. Une meilleure connaissance « intersectorielle » peut permettre de s’ajuster et d’élaborer une culture d’intervention commune, respectueuse des réalités de chacun et, in fine, des usagers.

    Le groupe a organisé les « Rencontres interprofessionnelles autour des jeunes et des parents en errance » du 28 avril au 5 mai 2017.

    Cet évènement a visé à :
    - permettre de se rendre compte « concrètement » de l’offre de service et la « personnaliser »,
    - prendre conscience des réalités de terrain et en discuter,
    - développer des contacts entre les structures d’aide et d’accompagnement fréquentées par des jeunes et/ou des parents en situation d’errance,
    - proposer aux travailleurs des institutions partenaires de se rencontrer et d’échanger autour de leurs missions, de leurs expériences, mais également de rencontrer des professionnels d’autres secteurs,
    - développer le réseau institutionnel,
    - renforcer les collaborations avec des professionnels de différents secteurs qui rencontrent le même type de public ou encore le même type de problématiques.

    Il convient de souligner que l’organisation d’un tel évènement a également rempli un objectif « préventif » : mieux se connaitre pour mieux accompagner voir « prévenir » le phénomène de l’errance. Cet évènement sera réitéré en 2018.

    À La Louvière, les familles sont rapidement orientées vers un service adéquat et passent donc un minimum de nuitées au sein de l'abri de nuit.

    L'objectif vise surtout à limiter la durée des contacts avec un public plus abimé fréquentant le même dispositif; ce qui peut dans certaines situations constituer une sorte de traumatisme.

    En raison de la difficulté de trouver un hébergement adéquat pour ces familles, le Dispositif d'Urgence Sociale du C.P.A.S. assure l'hébergement de ces familles au sein des logements destinés habituellement à accueillir les personnes en situation de crise et d'urgence sociale. Il faut compter sur un délai de plus d'1 mois pour espérer trouver une place dans une maison d'accueil adaptée à l'accueil des familles.

    Les jeunes sans-abri de 18 à 24 ans posent quelques difficultés lors de leur prise en charge. Certains sont polyconsommateurs en matière d'assuétudes, d'autres assez agressifs et non demandeurs de solutions. Ils se regroupent en petites communautés de 7 à 10 personnes et semblent faire le tour des abris de nuit wallons. Certains sont extrêmement fragilisés et tributaires des décisions de leaders souvent assez manipulateurs. Ces jeunes vivent au jour le jour et cherchent surtout la satisfaction immédiate des besoins du moment. Ils sont assez revendicatifs tout en étant peu enclins à faire des efforts au niveau des pistes d'activation suggérées.

    La chargée de projets du Relais social a rencontré ces jeunes afin d'établir le sens de leur présence en rue. Il est capital de retirer le plus vite possible le jeune pour 2 raisons :
    - éviter qu'il entre en processus d'acculturation avec les sans-abri chroniques ;
    - lutter contre le processus temporel qui joue en défaveur de la personne livrée à l'errance en rue, car plus le temps passé dans la marginalisation sera long, plus la santé mentale sera touchée.

    Un véritable travail de structuration s'impose afin de leur donner des clés réflexives sur le sens de la vie, les responsabilités, les devoirs et obligations. Il serait pertinent de leur expliquer le fonctionnement des institutions publiques. Une information s'impose aussi au niveau des services ressources pouvant les aider dans leur cheminement, du plus bas seuil aux premières sphères de l'activation. Il faudrait également développer une véritable politique préventive auprès des familles vivant dans la précarité vu qu'un enfant sur cinq est estimé en situation de pauvreté.

    Le Relais social de Namur est en train de contacter le réseau de l’Aide à la jeunesse afin de mieux connaître les dispositifs existants et de pouvoir réfléchir à la mise en place d’un accompagnement spécifique pour ces jeunes dès l’arrivée en rue. Par exemple, cette semaine, lors d’une concertation avec les travailleurs sociaux effectuant les zonages en rue, il a rencontré les travailleurs d’une AMO  et d’un SRJ afin d’évoquer le phénomène.

    De plus, depuis quelques mois, le Relais social et ses partenaires s’interrogent sur la question du non-recours et de l’absence de ressources financières pour une part importante du public (20 % du public fréquentant les services du RSUN). Grâce à la récolte de données, depuis peu individualisée, le constat a été posé qu’une part importante du public sans ressources financières était un public jeune (51 % ont moins de 34 ans). Avec les partenaires, le Relais social relève toutes les situations qui amènent ces jeunes, lorsqu’ils pourraient activer l’accès à des droits, à ne pas le faire (ou à ne pas recevoir l’aide). Ces éléments constitueront certainement des pistes de compréhension sur les causes et/ou les conséquences de la situation d’exclusion au logement pour ces jeunes.

    En termes de statistiques

    En 2016, les moins de 30 ans représentaient 39 % de l'ensemble des 217 sans-abri sur La Louvière : 26,26 % de la tranche 18-24 ans et 12,74 % de la tranche 25-29 ans. Cinq enfants accompagnés de leurs familles ont été hébergés à l'abri de nuit le Tremplin.

    À Charleroi, les derniers chiffres ne montrent pas de réelle augmentation.

    Sur l’arrondissement de Verviers, le nombre de sans-abris est moins élevé que sur les autres arrondissements. Les maisons d’accueil présentes sur le territoire ont une grande capacité d’accueil, cela permet de gérer les demandes.

    Pour la Maison Marie Louise à Verviers, 27 % des adultes ont entre 18 et 25 ans. Cela fait 10 % de plus qu’en 2015. Pour les 18-30 ans la MML totalise ± 40 % de personnes (Centre d'Accueil hommes et familles confondus).

    À Mons, il y a une représentation de 17,5 % de 18-24 ans parmi la population « sans abri ».

    Durant le Plan grand froid 2016-2017, à Tournai, 24 personnes de 18 à 24 ans et 24 personnes de 25 à 29 ans ont fréquenté l’hébergement d’urgence, sur 141 personnes. Il convient de souligner que ce public est en augmentation constante depuis 3 ans. Au niveau de l’accueil de jour bas seuil, les chiffres de fréquentation du public jeune sont tout aussi éloquents. Durant le PGF 2016-2017, sur une fréquentation globale de 161 personnes différentes, la tranche d’âge « 17-24 ans » représente 16 % tandis que la tranche d’âge « 25–34 ans » représente quant à elle 34 %. À l’instar de l’hébergement d’urgence, la présence du public jeune est en augmentation constante depuis 3 ans.

    Les Relais sociaux continuent de se pencher en Cocorel (Comité de coordination des relais sociaux) sur la problématique des jeunes en errance, ses origines et les moyens d’y remédier.