/

Le taux de suicide en Wallonie

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2017
  • N° : 1130 (2016-2017) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 22/06/2017
    • de DURENNE Véronique
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    Il y a quelque temps j'interrogeais Monsieur le Ministre sur le taux de suicide en Wallonie qui s’avère être parmi le plus élevé d’Europe.

    Plusieurs études, notamment suisses et françaises, ont démontré le lien entre suicide et chômage.

    En effet, le fait d’être au chômage sur une durée plus ou moins longue a un impact sur la santé mentale d’une personne et peut mener celle-ci à réaliser cet acte désespéré et définitif.

    Dans l’optique du Plan de promotion de la santé en devenir, l’emploi sera-t-il une variable sur ce sujet ? Il s’agit d’une prévention «systémique», car un emploi pour tous aurait, de facto, et si l’on en croit ces études, un impact sur ce taux très élevé en Wallonie.

    Comment s’assurer que les efforts en matière de promotion des outils contre le suicide et de prévention en matière de suicide ne soient pas sapés par des inactions dans d’autres politiques publiques comme celle de l’emploi ?
  • Réponse du 07/07/2017
    • de PREVOT Maxime

    Une étude suisse confirme le lien que fait l'honorable membre entre taux de chômage et taux de suicide. Cette étude a été réalisée sur les données de 63 pays par Carlos Nordt et a été publiée dans The Lancet Psychiatry en 2015. Les chercheurs ont montré l'augmentation du risque de suicide en cas de chômage dans toutes les régions du monde. Ce lien avait déjà été mis en évidence par d'autres études - Carlos Nordt, Ingeborg Warnke,  Erich Seifritz, Wolfram Kawohl. Modelling suicide and unemployment: a longitudinal analysis covering 63 countries, 2000–11.The Lancet Psychiatry, Volume 2, No. 3, p239–245, March 2015. DOI: http://dx.doi.org/10.1016/S2215-0366(14)00118-7

    Cette relation peut contribuer à expliquer le taux élevé de suicide en Wallonie ainsi que la différence avec le taux de suicide moins élevé en Flandre, où le taux d'emploi est par contre plus élevé.

    Mais il est important de ne pas se focaliser sur une seule cause possible : les causes du suicide sont en effet multifactorielles et toutes les populations ne réagissent pas de la même manière à la même cause. Ainsi, la Grèce qui a le taux de chômage le plus élevé dans l’Union européenne (23 %) a un des taux de suicide les plus bas en Europe (4,3 pour 100.000 habitants). En Belgique, par contre, le taux de chômage (7,6 %) est sous la moyenne de l’Union européenne (9,6 %) alors que le taux de suicide est nettement plus élevé (20,5 pour 100.000) que la moyenne européenne (14,1 pour 100.000) - ces données proviennent du site Eurostat de l’Union européenne en ce qui concerne le chômage (http://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/7844079/3-31012017-CP-FR.pdf/61a771dd-d42e-4e94-801c-958a5644c69c) tandis que les données sur le suicide viennent de l’OMS (voir les chiffres et graphiques sur http://apps.who.int/gho/data/node.sdg.3-4-viz-2?lang=en).

    Le taux élevé de suicide en Wallonie est de toute manière une préoccupation majeure. Mes actions dans ce domaine se concentrent les aspects santé. L’honorable membre comprendra que la politique économique et de l’emploi relèvent de mes collègues. J'engage l'honorable membre, par exemple, à relayer ses questions concernant l’accompagnement des chômeurs à la Ministre de l’Emploi.

    La Wallonie a depuis longtemps développé une politique de santé mentale globale qui vise à couvrir l'ensemble du territoire pour atteindre toutes les personnes qui en auraient besoin. De manière générale, dans la prise en charge des détresses psychologiques, elle subventionne les services de santé mentale ainsi que les centres de téléaccueil. Ces derniers sont accessibles 24h sur 24 et 7 jours sur 7 à toute la population via le numéro gratuit 107.

    Plus spécifiquement en matière de prévention du suicide, la Wallonie soutient depuis 2008 l’ASBL Un pass dans l’impasse, qui offre un lieu d’écoute aux personnes directement ou indirectement confrontées à la problématique du suicide, quel que soit leur âge (enfant, adolescent et adulte). Cette ASBL a en outre obtenu une reconnaissance en 2013 comme Centre de Référence Info-Suicide (CRIS).

    Pour renforcer ces actions en matière de prévention et de prise en charge du suicide, à l'occasion de la fin de période de reconnaissance du CRIS, nous venons de lancer un nouvel appel à reconnaissance pour un centre de santé mentale spécifique suicide avec des missions élargies, vu les compétences en prévention héritées suite aux Accords de la Sainte-Emilie. L'objectif est d'avoir un centre de référence qui puisse, en plus de ses autres missions, émettre de manière claire et lisible des recommandations de bonnes pratiques tant en matière de prévention et de prise en charge d'une personne avec des tendances suicidaires qu'en matière d'actions des pouvoirs publics. Ces recommandations, qui devront bien entendu être adaptées au public ciblé, ne rentrent pas dans les missions actuelles du CRIS.

    Pour revenir à la prise en charge des troubles mentaux des personnes au chômage, les services de santé mentale semblent bien remplir leur rôle puisque plus de la moitié des nouveaux consultants entre 2012 et 2015 avaient comme principal revenu des allocations sociales et moins d'un quart vivaient de revenus professionnels. L'importante proportion d’allocataires sociaux dans ces services témoigne de l'accessibilité de ceux-ci pour les plus démunis. Cette prise en charge des troubles en santé mentale constitue en soi une action de prévention du suicide.

    Par ailleurs, je m'inscris dans la philosophie de la Réforme des soins en santé mentale, dite PSY107, qui consiste à offrir des soins accessibles dans la communauté de vie de la personne, soit en ambulatoire, soit via des équipes mobiles, en visant en priorité le rétablissement.

    En tant que Ministre de la Santé et de l’Action sociale, il m’importe donc de lutter contre les inégalités sociales en matière d'accessibilité aux soins en santé mentale et de veiller à une qualité de soins égale pour tous. Cette philosophie se retrouve dans mon Plan wallon de prévention et de promotion de la santé qui place la lutte contre les inégalités sociales de santé comme objectif stratégique transversal.

    Dans le cadre de ce plan, nous sommes en outre en train d’analyser l’opportunité de renforcer les actions spécifiques déjà mises en place en matière de prévention du suicide.