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La lutte contre le suicide en Wallonie

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2017
  • N° : 1146 (2016-2017) 1

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  • Question écrite du 30/06/2017
    • de LEGASSE Dimitri
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    La Wallonie a une triste place dans le classement des pays européens en matière de suicide. Le taux de suicide y est deux fois plus élevé que les chiffres européens : 20,48 par an pour 100.000 habitants contre 11,8 à l’échelle européenne.

    J’avais déjà eu l’occasion d'interroger Monsieur le Ministre à ce sujet en 2015 et la publication des derniers chiffres par Solidaris et le centre de prévention «Un pass dans l’impasse» est l’occasion de revenir sur ce sujet douloureux.

    Comment peut-on expliquer que le taux de suicide soit si élevé en Belgique et encore plus en Wallonie ?

    L’ASBL«Un pass dans l’impasse» est-elle toujours reconnue comme «Centre de référence infosuicide» ?

    Quelles sont les dernières conclusions en matière de lutte contre le suicide de l’Observatoire wallon de la santé ?
  • Réponse du 12/07/2017
    • de PREVOT Maxime

    Les chiffres cités ne proviennent pas de Solidaris, mais de l'Observatoire Wallon de la Santé, c'est-à-dire de l'AViQ. Des données plus complètes et d’autres liées à la santé mentale des Wallons sont d'ailleurs disponibles dans la récente publication de l’Observatoire, les « Indicateurs de Santé mentale en Wallonie ».

    On y trouve toutes les informations et conclusions détaillées de l'Observatoire sur le suicide. Les principaux constats sont très préoccupants puisque, comme le mentionne l'honorable membre, le taux de mortalité par suicide en Wallonie est non seulement plus élevé qu'en Flandre, mais également un des plus élevés d’Europe. Pourtant, le taux en Wallonie a baissé entre 1987 et 2013, surtout chez les hommes où il est passé de 42 à 31 décès pour 100.000 habitants. Chez les femmes, la diminution est moins spectaculaire passant de 14 à 11 décès pour 100.000 habitants. Néanmoins, comme cette tendance à la baisse se retrouve dans l'ensemble de l'Union européenne, le taux en Wallonie reste toujours très élevé par rapport aux autres pays.

    Le taux de suicide est particulièrement difficile à expliquer, car de nombreux facteurs (sociaux, psychologiques, culturels et sociaux) peuvent interagir. Parmi les facteurs de risque, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) cite « les troubles mentaux (dépression, troubles de la personnalité, dépendance à l’alcool ou schizophrénie, par exemple), certaines maladies physiques comme les troubles neurologiques, le cancer et l’infection à VIH. » Enfin, notons que, toujours selon l'OMS, le taux de suicide est particulièrement élevé dans les groupes victimes de discrimination.

    Certaines études relèvent une corrélation entre taux de chômage et taux de suicide. The Lancet Psychiatry a ainsi publié en 2015 une étude de Carlos Nordt sur les données de 63 pays. Les chercheurs ont montré une augmentation du risque de suicide en cas de chômage dans toutes les régions du monde. Ce lien avait déjà été mis en évidence par d'autres études (1).

    Cette relation peut contribuer à expliquer que le taux de suicide soit plus élevé en Wallonie qu'en Flandre puisqu'en 2016, le taux de chômage était de 4,9 % en Flandre et de 10,6 % en Wallonie selon le site http://statbel.fgov.be/fr/statistiques/chiffres/travailvie/emploi/relatifs/).

    Mais il est important de ne pas se focaliser sur une seule cause et les chiffres sont à prendre avec précaution : les causes du suicide sont en effet multifactorielles et toutes les populations ne réagissent pas de la même manière à la même cause. Ainsi, la Grèce qui a le taux de chômage le plus élevé dans l’Union européenne (23 %) a un des taux de suicide les plus bas en Europe (4,3 pour 100.000 habitants). En Belgique, par contre, le taux de chômage (7,6 %) est sous la moyenne de l’Union européenne (9,6 %) alors que le taux de suicide est nettement plus élevé (20,5 pour 100.000) que la moyenne européenne (14,1 pour 100.000) (2).

    La Wallonie a cependant développé depuis longtemps une politique de santé mentale, globale et intégrée, qui vise à couvrir tout le territoire pour pouvoir atteindre les personnes qui en auraient besoin. Ainsi, en matière de prise en charge des détresses psychologiques, elle subventionne les services de santé mentale accessibles sur l'ensemble du territoire wallon ainsi que les centres de téléaccueil accessibles à toute la population. En matière de suicide, ces centres de téléaccueil sont importants par l'écoute inconditionnelle qu'ils offrent 7 jours sur 7 et 24h sur 24, via un numéro d'appel gratuit, le 107. Environ 300 volontaires se relaient pour assurer cette écoute sur l'ensemble de la Wallonie.

    De manière plus spécifique, je soutiens le centre de prise en charge « Un pass dans l’impasse » qui offre un lieu d’écoute aux personnes directement ou indirectement confrontées au problème du suicide. En plus de ses missions d'accompagnement et de prise en charge des personnes, cette ASBL est également reconnue en tant que Centre de référence infosuicide (CRIS) jusqu’au 31 décembre 2017. Le CRIS a notamment pour mission l’observation des pratiques du secteur et la récolte d'informations sur la thématique du suicide. Ce centre aide aussi les professionnels via la promotion de formations, via des réunions de concertation et la diffusion de données spécialisées.

    En outre, un appel à reconnaissance d’un centre de référence spécifique en matière de suicide a été lancé le 26 juin 2017 au Moniteur belge. Cette procédure est reconduite tous les 4 ans. En plus des missions actuelles assurées par le CRIS, le centre aura une mission générale d'aide à la prévention du suicide. Dans ce cadre, il soutiendra l'action du Gouvernement, de ses services et de l’AViQ, en matière de prévention du suicide et il assistera les différents services d'aide et de soins, en ce compris à destination des personnes en situation de handicap, pour leur permettre d'intégrer cette mission spécifique parmi leurs autres activités en matière de prise en charge des troubles en santé mentale. En outre, il mettra à disposition des informations et des outils nécessaires à la prévention du suicide, en relation avec les acteurs de la promotion de la santé, pour les personnes concernées par le suicide (personnes avec des envies suicidaires ou proches) ; les professionnels de l'aide et du soin ; le Gouvernement, ses services et l'AViQ.

    Pour éviter un mélange des genres et pour ne pas entrer en concurrence avec les centres de prise en charge existants, le centre reconnu n'aura pas de mission de prise en charge ou d'accompagnement individuel. En dehors des professionnels, les personnes qui s'y adresseraient pour une demande d'aide seraient renvoyées aux services existants via le numéro 107 existant et via une liste de services répartis territorialement.

    Les causes du suicide étant multifactorielles, le Plan de prévention et de promotion de la santé est particulièrement important en matière de suicide, car le champ de ses actions s'étend de la prévention directe du suicide, à la promotion d'une bonne santé mentale ainsi qu'à la prévention des déterminants de la santé dont certains représentent un facteur de risque du suicide (comme la consommation excessive d'alcool et d'autres drogues).






    (1) Carlos Nordt, Ingeborg Warnke,  Erich Seifritz, Wolfram Kawohl. Modelling suicide and unemployment: a longitudinal analysis covering 63 countries, 2000–11.The Lancet Psychiatry, Volume 2, No. 3, p239–245, March 2015. DOI: http://dx.doi.org/10.1016/S2215-0366(14)00118-7

    (2) Ces données proviennent du site Eurostat de l’Union européenne en ce qui concerne le chômage (http://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/7844079/3-31012017-CP-FR.pdf/61a771dd-d42e-4e94-801c-958a5644c69c) tandis que les données sur le suicide viennent de l’OMS (voir les chiffres et graphiques sur http://apps.who.int/gho/data/node.sdg.3-4-viz-2?lang=en)