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Les conséquences du cours de l'euro sur les investissements en Wallonie

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2017
  • N° : 54 (2016-2017) 1

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  • Question écrite du 14/09/2017
    • de ZRIHEN Olga
    • à JEHOLET Pierre-Yves, Ministre de l'Economie, de l’Industrie, de la Recherche, de l’Innovation, du Numérique, de l’Emploi et de la Formation

    Durant le mois d’août, l’euro a franchi la barre de 1,20 dollar pour la première fois depuis janvier 2015 (mardi 29 août, http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/08/30/l-euro-au-plus-haut-depuis-2015-face-au-dollar_5178517_3234.html#borjyW5UbVzdFX7E.99). L’appréciation de la monnaie unique est d’abord une bonne nouvelle : elle signifie que la zone euro va mieux ! Alors qu’il y a un an la menace populiste et le choc du Brexit obscurcissaient l’horizon, le risque politique s’est dissipé dans l’union monétaire.

    Cependant, les responsables de la Banque centrale européenne (BCE) sont inquiets. En effet, ils craignent une éventuelle surréaction de l'euro en cas de resserrement de la politique monétaire. En juin dernier, la hausse de l'euro et des rendements des obligations en zone euro, ont annulé de fait une partie des efforts de la BCE pour diminuer les coûts d'emprunt et affaiblir la devise européenne. Ce récent rebond est vu par les investisseurs comme étant la plus grande menace aux efforts de la BCE pour relancer l'inflation en zone euro, car cela rend les exportations européennes moins attractives et les importations plus chères. Cette remontée récente a également généré les premières inquiétudes en pesant sur certains secteurs très diversifiés à l’international, à l’image des valeurs industrielles ou technologiques.

    Par ailleurs, un des leviers d'ajustement de la politique monétaire est le programme de rachat d'actifs. La BCE peut décider de faire varier la durée et le rythme du plan de rachat de 2.300 milliards d'euros, programme qui doit être maintenu jusqu'en décembre.

    Certes, la remontée de l’euro a pris beaucoup d’observateurs par surprise. Néanmoins, elle reste largement inférieure à la valeur fondamentale mesurée par les parités de pouvoir d’achat (PPA) - la parité de pouvoir d’achat est un taux de conversion monétaire qui permet d’exprimer dans une unité commune les pouvoirs d’achat des différentes monnaies. Ce taux exprime le rapport entre la quantité d’unités monétaires nécessaire dans des pays différents pour se procurer le même « panier » de biens et de services. En prenant une perspective historique, l’euro a simplement rattrapé une partie de sa chute consécutive au contrechoc pétrolier qui avait vu le dollar progresser fortement.

    L’appréciation de l’euro pourrait-elle avoir des effets sur les investissements en Wallonie ? La hausse de cet été a-t-elle engendré des effets sur les exportations wallonnes ?

    Est-ce positif pour nos indicateurs économiques ?

    Une monnaie plus forte est-elle automatiquement synonyme de croissance plus solide pour notre Région ?
  • Réponse du 04/10/2017
    • de JEHOLET Pierre-Yves

    Dans nos économies modernes, la fluctuation du cours d’une devise contre une autre devise est un des principaux éléments d’ajustement de la compétitivité économique d’une nation.

    En l’occurrence, un dollar faible par rapport à un euro plus fort est de nature à supporter l’économie américaine en rendant ses exportations plus attractives pour les acheteurs européens et à diminuer ses importations de produits européens. À court terme, cette opération peut sembler intéressante pour redresser la balance des paiements d’une nation. Une dévaluation permet en effet de stimuler la demande extérieure en produits américains, de booster passagèrement la production locale et donc l’emploi local.

    À plus long terme, le désavantage certain de laisser « filer sa monnaie » pourrait, au contraire, conduire à faire fuir tous les capitaux investis en dollars. Avec pour conséquence que tout ce capital irait se réinvestir ailleurs, sans doute dans des pays plus stables monétairement ou à forte croissance. Pour contre balancer cette fuite de capitaux, les États-Unis devraient alors proposer des taux d’intérêt plus élevés pour attirer du capital. Avec un risque notoire d’inflation.

    Au-delà de la théorie, la question qui m’est posée aujourd’hui est de savoir si d’une part le cours actuel euro-dollar traduit une dévaluation significative de la monnaie américaine et d’autre part si ce cours a une influence négative sur les investissements américains vers l’Europe en général et donc la Wallonie en particulier ?

    Sur le premier élément, on constatera que sur une longue période (2000-2015), le dollar est resté finalement assez stable par rapport à l’euro. En 1999, à l’aube de la monnaie unique européenne, il fallait 1,16 dollar pour acheter un euro. En 2005, le rapport était de 1,17. Certes, on se souviendra de la forte chute du dollar en 2008 (avec un point culminant à 1,60 dollar/euro). Durant ces deux dernières années, et ce, pendant quelques mois, on a assisté à un léger raffermissement du dollar aux alentours de 1,04/euro.

    Mais globalement, au cours de six dernières années, le taux de change euro-dollar est resté assez identique et a oscillé entre 1,46 et 1,26. Avec un rapport de 1,19 USD/euro constaté ce 21 septembre 2017, on ne peut pas à proprement parler d’une dévaluation du dollar, mais plutôt d’un retour à la normale.

    Sur le second élément, pour les investissements étrangers, il y a lieu de s’intéresser, d’une part, au nombre de projets concernés par cette appréciation et, d’autre part, aux critères décisionnels exprimés par les entreprises.

    Parmi les projets d’investissement étrangers qui se sont localisés en Wallonie, on estime, pour la période 2000-2016, en moyenne la part du continent nord-américain à 15-20 % et la part des projets européens à environ 70-75 %.

    Il ressort d’études universitaires ou réalisées par des consultants en localisations industrielles que la décision d’implantation, pour la grande majorité des projets d’investissements, n’est pas directement influencée ou impactée par les rapports inter-devises.

    Pour certains de ces projets, l’appréciation peut, à rebours, influencer positivement le lieu d’implantation si l’entreprise achète ses matières premières ou vend ses biens en dollars. Mais généraliser le poids de ce facteur semble hasardeux et non fondé sur le long terme.

    Parmi les principaux facteurs décisionnels le plus souvent exprimés par les investisseurs étrangers (dont les Américains), on retiendra :
    — la localisation et la proximité du marché ;
    — la capacité R&D ;
    — la stabilité et la prévisibilité de l’environnement économique (avec, notamment, la sécurité énergétique et la certitude juridique) ;
    — la disponibilité et la flexibilité de la main d’œuvre ;
    — les infrastructures ;
    — les coûts énergétiques ;
    — les incentives (aides à l’investissement, à la R&D, à l’emploi et la formation, dispositifs fiscaux fédéraux).

    Ces facteurs décisionnels sont par ailleurs confirmés par Ernst & Young et son « baromètre de l’attractivité belge ». Pas de trace donc de la parité monétaire dans les critères déterminants exprimés par les investisseurs étrangers.

    Quant à l’impact de l’appréciation de l’euro de l’été dernier sur nos exportations, il est actuellement beaucoup trop tôt pour l’estimer.