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La production de gaz à effet de serre sur le cheptel bovin.

  • Session : 2005-2006
  • Année : 2005
  • N° : 2 (2005-2006) 1

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  • Question écrite du 26/09/2005
    • de KUBLA Serge
    • à LUTGEN Benoit, Ministre de l'Agriculture, de la Ruralité, de l'Environnement et du Tourisme

    Une récente étude menée par la Commission européenne et publiée par Eurostat indique que l'agriculture est responsable, à concurrence de 10 %, de la production de gaz à effet de serre dans le monde.

    Les émissions de méthane (CH4) d'origine agricole proviennent principalement de l'élevage (notamment bovins, porcins, ovins, caprins et chevaux), en particulier des ruminants. En effet, dans un tiers environ des pays signataires du protocole de Kyoto, plus de 50 % des émissions totales de méthane sont imputables à la production animale. La proportion a dépassé 75 % en Islande et en Nouvelle Zélande. Même lorsque la production de ruminants, avec la fermentation entérique qui l'accompagne, n'est pas la source principale des émissions totales de méthane, elle reste encore une cause importante des émissions de CH4 imputables au secteur agricole.

    Je souhaiterais savoir si la Région wallonne possède des chiffres quant à la production de méthane par les cheptels bovins et ovins wallons.

    Par ailleurs, quelles sont les mesures prises, ou envisagées, dans le cadre du protocole de Kyoto pour maîtriser cette production de gaz à effet de serre.

    Certains pays ont investi en matière de recherche agronomique pour produire une alimentation animale plus digeste et moins productrice de méthane chez les bovidés. Monsieur le Ministre peut-il me dire si ce genre d'action est menée en Région wallonne, qui compte un important cheptel bovin ?

  • Réponse du 24/10/2005
    • de LUTGEN Benoît

    Quantification de la production de méthane par le cheptel wallon des bovins et des ovins

    Sur le plan national, selon diverses données (convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques - Première communication nationale belge), les sources principales de méthane sont (dans l'ordre de leur importance) l'agriculture, la mise en décharge des déchets et les pertes pendant la distribution du gaz naturel.

    Selon ces estimations, les émissions de CH4 en Belgique en 1994 (K tonnes/an) étaient les suivantes :

    - agriculture 389,2
    - déchets 184,2
    - énergie 58,7
    - industrie 3,2

    Total 635,3

    Le secteur agricole, et plus particulièrement l'élevage, contribue à plus ou moins 60% des émissions de méthane en Belgique.

    Il faut surtout distinguer deux sources : la fermentation entérique (rumination et flatulence) et l'utilisation d'engrais d'origine animale.

    Les fermentations entériques sont responsables d'environ 63% des émissions de méthane d'origine agricole en Belgique, dont une large part est due aux ruminants (les bovins principalement). A titre d'exemple, les facteurs d'émission de méthane par la fermentation entérique sont de 75 à 84 kg de méthane par animal et par an pour les vaches laitières et de 0,75 kg de méthane par animal et par an pour un porc à l'engrais.

    Le stockage des effluents d'élevage constitue également une source de méthane, le lisier plus que le fumier. Ainsi le lisier de vache laitière émet, par animal et par an, 30 kg de méthane alors que le fumier de vache laitière n'en libère que 2,9 kg.

    Par ailleurs, dans le cadre général des modalités d'application du Protocole de Kyoto, la Région wallonne doit dresser un inventaire exhaustif des politiques et mesures régionales actuelles ou futures qui ont, ou auront, des impacts significatifs sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

    Un premier inventaire a été réalisé dans le cadre du « plan d'action de la Région wallonne en matière de changement climatique » adopté par le Gouvernement wallon en date du 18 juillet 2001.

    En matière d'émission de méthane d'origine agricole, ce plan donne les informations suivantes :

    « La moitié des émissions de CH4 en Région wallonne est produite par le secteur agricole (essentiellement lors de la digestion de l'alimentation du bétail et, dans une moindre mesure, par la gestion des excrétions animales, …). Les émissions en provenance de l'agriculture pourraient être réduites par une gestion adéquate des lisiers et fumiers produits par les élevages et par une adaptation de l'alimentation du bétail, mesure qui pourrait néanmoins ne se concevoir que dans le cadre d'élevages intensifs qui pourraient ne pas correspondre aux objectifs de la politique agricole régionale ».

    A l'approche de la première période d'engagement du Protocole de Kyoto (2008-2012), la Région doit mener à bien au cours de cette année une actualisation de l'inventaire susmentionné. Ces travaux sont coordonnés par la DGNRE (DPA-cellule air) ; le point focal pour cette action au sein de la DGA est la Division de la gestion de l'espace rural.

    Les estimations qui ont été réalisées jusqu'à présent quant à la production de méthane émis par le cheptel des bovins et des ovins en Région wallonne sont assez sommaires et imprécises. Il s'agit d'estimations basées sur l'effectif animal (statistiques agricoles) et sur des valeurs de la littérature concernant les émissions de méthane par catégorie d'animaux. Ces dernières sont d'origines étrangères et sont basées sur des mesures anciennes (notamment des études de l'INRA français en 1965 sur moutons et 1976 sur bovins).



    De telles mesures ne tiennent cependant pas compte des caractéristiques du cheptel bovin wallon. Les particularités du Blanc Bleu belge laissent penser que ces animaux produisent moins de méthane que d'autres races, particulièrement lorsque le rejet de méthane est exprimé par kg de viande produit par unité de SAU.

    Dans le cadre de cette problématique, la Région soutient actuellement le projet de recherche intitulé « Quantification de la production de méthane par le taurillon Blanc Bleu Belge culard (BBBc) » de l'Unité de zootechnie de la Faculté universitaire des sciences agronomiques de Gembloux, dont un des objectifs est de développer une méthodologie de mesure précise chez le taurillon BBBc des rejets de méthane consécutifs à la digestion dans le rumen. Les résultats définitifs de la recherche ne sont pas encore disponibles.

    Quelles sont les mesures prises ou envisagées, dans le cadre du protocole de Kyoto pour maîtriser la production de gaz à effet de serre et, plus précisément, quelles sont les actions menées en matière de recherche pour réduire la production de méthane chez les bovidés ?

    Les moyens de réduire les rejets de méthane provenant des ruminants peuvent s'articuler selon différentes voies :

    1° diminution de l'effectif des ruminants par unité de surface : les différentes mesures qui ont été prises dans le cadre de la Politique agricole commune( quotas laitiers, liaison au sol, quotas de primes vaches allaitantes,…) ont eu pour effet de diminuer le cheptel bovin en Wallonie. Depuis 1995, le cheptel a ainsi disparu. Les normes environnementales vont amener de nouvelles limitations à l'importance du cheptel wallon. Il faut cependant veiller à ne pas mettre en péril la rentabilité de notre agriculture ;

    2° augmentation de la productivité des animaux : la recherche et, surtout, le savoir-faire de nos éleveurs ont permis d'obtenir par sélection des animaux de plus en plus performants, ce qui a accéléré par ailleurs la diminution des animaux, particulièrement dans le secteur du lait. Ces progrès techniques sont constants ;

    3° réduction de la part des fourrages dans les régimes du ruminant : si la réduction de la part des fourrages dits grossiers ( produits en prairie) dans la ration alimentaire des bovins, réduit l'importance de la rumination, il y a des limites physiologiques et économiques à cette réduction. D'autre part, le bilan environnemental risque vite de se dégrader par l'emploi de fourrages dits nobles qui demandent plus d'intrants pour les produire ;

    4° défaunation partielle du rumen par la composition alimentaire : la modification de la population des microorganismes du rumen (défaunation partielle du rumen) à l'aide d'extraits de plantes a été étudiée pendant dans le cadre d'un projet de recherche subsidié par la Région wallonne et intitulé : « Le Blanc Bleu culard : un bovin économiquement intéressant qui réduit les émissions d'ammoniac et/ou de méthane». Ces recherches ont été réalisées par l'Unité de Zootechnie de la FUSAGx ;

    Selon les résultats du projet, trois plantes riches en saponine ainsi que l'huile de coco (riche en acide laurique et en acide myristique) sont capables de provoquer une forte diminution de la population des protozoaires ciliés du rumen chez le taurillon BBBc nourri à partir d'ensilage de maïs.

    L'utilisation de telles substances devrait permettre de réduire, en pratique, les pertes d'azote et les émissions de méthanes des ruminants (grâce aux effets sur les protozoaires et sur la concentration en ammoniaque dans le rumen).

    Ces effets doivent néanmoins être confirmés et quantifiés par la réalisation d'un bilan énergétique et azoté de la ration. L'impact économique de telles rations doit également être évalué ;

    5° usage d'antibiotiques ionophores, de probiotiques et d'inhibiteurs : cette possibilité est exclue. L'usage de ces produits est interdit et pose des problèmes de santé publique.

    Par ailleurs, concernant la réduction de l'émission de gaz à effet de serre provenant du stockage des excrétions animales (en l'occurrence d'origine porcine), la Région subsidie un projet de recherche consacré à la comparaison des émissions gazeuses lors de l'élevage de porcs charcutiers sur caillebotis et sur pente paillée (litière glissante), et à l'étude de l'impact d'une réduction des teneurs en protéines de l'aliment sur les émissions de gaz à effet de serre (ammoniac, dioxide d'azote, gaz carbonique et méthane).

    Ce projet est actuellement en cours de réalisation. Les recherches sont effectuées par le Service d'hygiène et de bioclimatologie de la Faculté de médecine vétérinaire de l'Université de Liège. Le dossier est suivi par la Division de la gestion de l'espace rural de la Direction générale de l'agriculture.