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L'allocation "loyer"

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2017
  • N° : 22 (2017-2018) 1

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  • Question écrite du 05/10/2017
    • de MARTIN Nicolas
    • à DE BUE Valérie, Ministre des Pouvoirs locaux, du Logement et des Infrastructures sportives

    Dans le cadre de sa volonté souvent réaffirmée de réformer le logement social, Madame la Ministre a émis l'idée que les personnes qui ont droit à un logement social, mais qui sont sur liste d'attente, pourraient recevoir une allocation "loyer". Elle annonce vouloir "permettre une allocation qui compense la différence de loyer privé-public. Et donc qui permet d'être plus équitable entre les différents locataires".

    Par ces déclarations, Madame la Ministre réaffirme l'importance d'une offre de logements publics homogène et suffisante sur le territoire wallon. Et, dans le même temps, elle remet en cause l'obligation de création de logements sociaux, ce qui est assez paradoxal.

    La question qui se pose ici est tout d'abord celle du financement de cette mesure.

    En effet, quel mode de financement sera-t-il retenu ? L’augmentation des loyers des logements publics que Madame la Ministre annonce servira-t-elle à attribuer ces allocations ? Autrement dit, les locataires publics payeront-ils pour les locataires en attente ? Les moyens viendront-ils de la Région wallonne ou des sociétés de logement ? Comment va-t-elle procéder pour éviter les effets d'aubaine dans le chef des propriétaires? Ne serait-il pas plus judicieux de renforcer les moyens des AIS au lieu de distribuer des allocations sur un marché locatif privé non encadré par les pouvoirs publics ?

    D'autre part, sur quels critères Madame la Ministre propose-t-elle d'allouer cette allocation ? À la lire, la présence sur une liste d'attente serait le critère unique.
  • Réponse du 24/10/2017
    • de DE BUE Valérie

    Notre Déclaration de politique régionale prévoit effectivement qu’« Un mécanisme d’allocation-loyer sera mis en place afin de faciliter l’accès à un logement à loyer modéré pour les familles en attente d’un logement social ».

    L'honorable membre en conviendra aisément, le constat de l’inégalité de traitement entre deux candidats, ménages-candidats, familles-candidates au logement d’utilité publique ne manque pas d’interpeller.

    Il consiste en ceci que, à égalité parfaite de situation sociale, familiale, financière, etc., le ménage qui va intégrer un logement public bénéficiera d’une importante réduction du coût de son loyer par rapport au logement public (entre 250 euros et 500 euros dans les cas extrêmes), tandis que le ménage qui ne se voit pas (encore) attribuer de logement doit continuer de se loger dans le privé.

    Il est difficilement admissible que le droit à une aide publique, a fortiori sociale, ne soit pas ouvert de manière égale à des personnes se trouvant dans des situations identiques.

    C’est la raison pour laquelle, eu égard au manque de logements sociaux publics par rapport à une demande croissante, le Gouvernement a souhaité réfléchir aussi à la possibilité d’accorder une allocation loyer aux ménages les plus précarisés qui restent en attente d’une attribution.

    Si le principe semble simple à admettre, il se révèle toutefois extrêmement complexe lorsque l’on se penche sur sa mise en œuvre.

    De nombreux obstacles se dressent effectivement sur le chemin ; je n’en citerai que quelques-uns :
    1) Tout d’abord, l’obstacle financier. La Wallonie ne dispose actuellement pas des ressources budgétaires suffisantes pour alimenter un tel mécanisme d’allocation-loyer. Imaginons simplement que la moitié des candidats actuels en bénéficient (20.000 demandes) et que chacun reçoive un montant de 200 euros pour les aider à se loger dans le privé, il faudrait que la Région mette chaque année sur la table 48.000.000 euros. Ne devrait-elle pas plutôt subsidier à 50 % la création de 650 nouveaux logements publics par an ?
    2) Deuxième écueil, accorder une allocation loyer présente le risque de provoquer une tension à la hausse sur le montant moyen des loyers privés, ce qui amènerait l’effet contraire à celui attendu en renchérissant l’accès au logement locatif. Pour que ce mécanisme ait une chance de fonctionner, il faudrait à tout le moins l’encadrer dans un dispositif conventionnel qui reste encore à concevoir.
    3) Enfin, je voudrais rappeler que la décision du Gouvernement précédent de relever sensiblement les plafonds de revenus admissibles au logement public ne fera certainement qu’aggraver la situation par un effet « d’appel d’air ». En effet, près de 90 % de la population wallonne, hors conditions patrimoniales, et encore plus de 30 % si on en tient compte seraient maintenant en condition de déposer une candidature. Je n’ose pas imaginer l’impact de cette mesure sur le nombre de candidatures au logement public et, dès lors, sur le nombre de bénéficiaires potentiels d’une allocation loyer.

    Comme on peut le constater, nous avons pu identifier un certain nombre d’écueils, sur base des expériences flamande, française et wallonne.

    Nous ne partons pas de zéro non plus en la matière, en Wallonie.

    Depuis plusieurs années, est constatée une tendance des bailleurs privés à augmenter le nombre de logements dans un même immeuble, le nombre de grandes habitations, recherchées par les familles nombreuses, est en diminution et leur prix est orienté à la hausse.

    Dans ce cadre, et dans un premier temps, pour permettre aux grandes familles à revenus précaires ou modestes de disposer d’un logement répondant à leurs besoins et favoriser la prise en gestion ou la location de logements de trois chambres et plus par les AIS et les APL, la Région a décidé d’accorder une aide financière, sous la forme d’une réduction du montant du loyer à payer mensuellement par le locataire. Cette mesure a été adoptée par l’arrêté du Gouvernement le 23 décembre 2010. La Wallonie intervient sur cette base dans les loyers des logements pris en gestion ou loués par une agence immobilière sociale ou par une association de promotion du logement. Le montant de l’aide mensuelle est de 100, 120 ou 140 EUR selon que le logement dispose de 3, 4, ou 5 chambres et accueille un ménage comptant au moins trois enfants.
    Cette aide est octroyée pendant 9 ans pour tout nouveau mandat de gestion ou contrat de location conclu avec une AIS ou une APL à la condition qu’il dispose d’un label de conformité aux critères de salubrité délivré par le SPW. L’intervention est majorée de 30 EUR lorsque le bien est situé en zone de pression immobilière.

    En 2012, l’évaluation du dispositif a mis en exergue l’intérêt, à la fois, d’étendre la mesure aux ménages comptant 2 enfants, dont l’âge et/ou le sexe nécessite(nt) un logement de trois chambres et, d’autre part, d’indexer les montants de l’aide.

    Le 20 juin 2013, les débats politiques au sein de la majorité ont conduit le Gouvernement à adopter dans un second temps un nouvel arrêté qui élargit l’aide à tout nouveau logement pris en gestion ou en location par une AIS ou une APL conclu à dater du 18 juillet 2013.

    Cette mesure permet de réduire l’écart entre le loyer moyen d’un locataire logé par une SLSP (limité à 20 % des revenus du ménage dans 64 % des cas) et celui d’un OFS (limité à 35 % des revenus du ménage), les deux types de structures visant à améliorer le logement d’une même population.

    L’intervention dans le loyer est octroyée durant la durée du mandat de gestion ou contrat de location avec un maximum de 9 ans. Les logements faisant l’objet d’une reconduction du mandat ou du contrat sont néanmoins éligibles à l’ALLOC.

    Par ailleurs, l’accès à cette aide aux revenus moyens est applicable depuis l’entrée en vigueur le 1er janvier 2014 de l’AGW du 12 décembre 2013 autorisant les AIS à mettre à disposition 10 % des logements pris en gestion à des ménages à revenus moyens dans les communes à forte pression foncière et 5 % dans les autres communes.

    Depuis la mise en œuvre du dispositif en 2011 jusqu’au 30 septembre 2017, le Fonds du logement des familles nombreuses de Wallonie a accordé 1.298 interventions pour un montant de près de 1,5 million d’euros.

    Plus de 80 % des aides bénéficient aux ménages à revenus précaires. Les logements les plus concernés comprennent 3 chambres ; viennent ensuite les studios et les logements 1 chambre.

    Je vais proposer au gouvernement de pouvoir réfléchir sur base de cette expérience wallonne ; l’évaluer avec les acteurs de terrain, le FLW et commencer dans un premier temps à l’élargir à d’autres publics présents sur les listes d’attentes que nous pourrons identifier avec le concours de toutes les parties prenantes.

    Cette méthode permet de limiter les effets d’aubaine puisque nous restons dans le cadre de logements conventionnés AIS ou APL. Leur mécanisme de financement sera d’ailleurs revu, j’ai inscrit un point en ce sens au Gouvernement de ce jeudi.

    Les moyens de la Région sont comptés, l'honorable membre le sait. Nous avons inscrit un premier montant de 5 millions au budget 2018. Les travaux menés en cours d’année permettront d’identifier les moyens budgétaires nécessaires en fonction du développement progressif de ce mécanisme.

    Il ne s’agit nullement de déshabiller Paul pour habiller Jacques. Nous n’allons pas demander aux locataires sociaux en place de participer au financement de cette mesure et donc de payer pour les locataires en attente.

    Concernant enfin la réforme des loyers sociaux : pour rappel, afin de rétablir une plus grande équité entre locataires de logements publics, l’intention du Gouvernement est d’étudier la possibilité de fonder le calcul du loyer, davantage qu’aujourd’hui, sur les caractéristiques intrinsèques des logements : typologie (maison ou appartement), superficie, nombre de chambres, équipements ou éléments de confort, mais aussi sur performance énergétique.
    Mon prédécesseur, Monsieur FURLAN, déclarait d’ailleurs récemment à la presse que cette proposition avait du sens à long terme (La Dernière Heure, lundi 28 août 2017).

    En première analyse, il s’agirait de déterminer une valeur locative standardisée fondée sur des critères analogues à ceux qui sous-tendent la grille indicative des loyers privés, élaborée par la Wallonie sous le Gouvernement précédent. Celle-ci continuera bien évidemment à être évaluée et affinée.

    Cette option ne signifie pas, loin s’en faut, que l’objectif soit d’augmenter les loyers des logements publics. Le Gouvernement est pleinement conscient de l’importance du rôle social que doit continuer à jouer le secteur.

    C’est pourquoi, afin de tenir compte de la situation des ménages locataires, des réductions de prix significatives seront accordées sur la base de critères sociaux, en particulier les revenus des occupants, ainsi que le nombre de personnes à charge.

    L’intégration de la performance énergétique du logement dans la formule de calcul du loyer devrait en outre permettre de modérer celui-ci pour les ménages occupant les habitations les plus énergivores.
    En ce sens, la méthode de fixation du loyer a également pour objectif d’inciter les SLSP à améliorer leur parc sur ce point.

    Le Gouvernement sera attentif à ce que toute hausse du loyer, liée à l’amélioration de l’efficience énergétique d’un logement, soit compensée par la diminution concomitante des dépenses de charges.

    Le travail concret a été entamé récemment avec la SWL en vue de l’élaboration d’un premier modèle. Celui-ci fera l’objet de simulations, dans un premier temps, sur la base de logements et de ménages types, ensuite sur quelques sociétés tests, étendues enfin à l’ensemble des SLSP wallonnes. Il s’agit en effet de valider la pertinence du modèle, non seulement sur le plan théorique, mais aussi, de sa mise en pratique (disponibilité et exactitude des données, élaboration des outils informatiques, formation du personnel des SLSP, outils de communication aux locataires…).

    Les locataires seront informés préalablement et la nouvelle méthode de calcul du loyer connaîtra une application progressive pour ne pas déstabiliser le budget des ménages locataires actuels.

    Afin de recueillir les divers points de vue sur tous les aspects de ce projet, j’organiserai prochainement une concertation à ce sujet, notamment avec les SLSP, l’Association wallonne des Comités consultatifs de Locataires, ainsi que le Réseau wallon de Lutte contre la Pauvreté.