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Les logements sociaux et la mixité sociale

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2017
  • N° : 46 (2017-2018) 1

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  • Question écrite du 11/10/2017
    • de MARTIN Nicolas
    • à DE BUE Valérie, Ministre des Pouvoirs locaux, du Logement et des Infrastructures sportives

    Madame la Ministre a récemment déclaré vouloir remettre en cause le principe des 10 % de logements publics par commune, au profit d'une logique liant l'offre à la demande, soit l'autorégulation du marché.

    Les constats sont les suivants : à ce jour, il manque près de 40.000 logements publics en Wallonie. Que nous répond-elle à cela aujourd'hui ? D'une part, elle remet clairement en cause l'accès à un logement de qualité pour les citoyens wallons les plus démunis.

    Elle nous annonce que certaines communes seraient dispensées de créer des logements sociaux, et pourraient à loisir rediriger les citoyens qui sont en demande vers des villes volontairement plus ouvertes à cette question. Cette vision du logement public est réellement interpellante et amène deux réflexions.

    La première est, selon son schéma, que la demande de logements étant supérieure à l'offre, les loyers ne vont cesser d'augmenter.

    La seconde réflexion réside dans une injustice flagrante en termes de répartition territoriale de la construction de nouveaux logements publics et de la prise en charge de l'accompagnement social des locataires.

    En agissant de la sorte, elle induit non seulement la remise en question de la mixité sociale, mais aussi l'obligation pour les communes volontaristes dans la création de logements publics d'affecter une partie significative de leur budget à l'accompagnement social nécessaire au maintien de logements publics sur leur territoire, sans compter l'impact que cela représente pour leurs recettes fiscales.

    Peut-elle nous indiquer de quelle manière elle compte garantir cette mixité sociale dans l'ensemble des communes de Wallonie et permettre aux citoyens qui le souhaitent d'accéder à un logement social de qualité dans une répartition territoriale juste et adaptée aux attentes des locataires et non à une politique dirigiste du Gouvernement destinée à favoriser les communes les plus riches ?
  • Réponse du 30/11/2017
    • de DE BUE Valérie

    En réponse à l’honorable membre, je voudrais préciser, voire nuancer, certaines assertions qui risquent, sans cela, de biaiser la compréhension des phénomènes dont nous parlons.

    L'honorable membre fait allusion à des choix d’implantation des logements d’utilité publique liée à la demande. Et c’est vrai qu’il faut impérativement tenir compte des besoins manifestés par la population, notamment par celles et ceux qui sont le plus en difficulté.

    Cette préoccupation légitime doit toutefois être objectivée, car il est certain que la répartition actuelle des candidats-locataires est autant liée à l’existence d’un parc locatif dans certaines zones qu’aux besoins objectifs des personnes.

    En outre, ce souci de rencontrer les besoins de la population n’est que l’un des critères que je souhaite prendre en compte pour implanter de manière optimale les nouveaux logements publics. À titre d’exemple, je pense qu’il est important de se préoccuper aussi de la localisation des bassins d’emploi, de l’existence de services, de la mobilité, etc.

    Ensuite, je fais malheureusement le même constat que l'honorable membre face à la croissance importante et alarmante du nombre de candidats-locataires, plus de 23 % en huit ans.

    À ce sujet, j’aimerais toutefois préciser que je ne puis assumer le déficit structurel d’investissement dans la création de logements publics de tous les responsables qui se sont succédé depuis plus de trente ans.

    Je crains en outre que le relèvement des plafonds de revenus admissibles au logement public qu’avait fait approuver la précédente majorité n’aggrave encore la situation. En effet, près de 90 % de la population wallonne, hors conditions patrimoniales, et encore plus de 30 % si on en tient compte seraient maintenant en condition de déposer une candidature !

    Face à ce constat, loin de remettre en cause l’accès à un logement de qualité pour les plus démunis, c’est justement vers eux que devront se concentrer les efforts. Avec 7 % de logements publics en Wallonie, il n’est pas, il n’est plus admissible que des personnes qui en ont moins besoin se voient attribuer des logements au détriment de familles et de ménages plus en difficulté.

    Cette vision généraliste du logement public ne s’accommode que d’une situation où les bailleurs publics couvrent un pourcentage nettement plus important du parc immobilier Or ce n’est pas la réalité dont j’ai hérité.

    Quant à cette norme de 10% de logements publics dans chaque commune, voilà plus de 15 ans qu’elle ne fonctionne visiblement pas.

    Nonobstant la bonne ou la moins bonne volonté des communes, les moyens budgétaires en général et ceux dévolus à la politique du logement singulièrement, tant au niveau de la Wallonie que des sociétés de logement de service public, ne permettent qu’à quelques dizaines de villes et communes (sur 262 !) d’atteindre cet objectif et encore, en raison principalement d’un parc de logements publics hérités d’une longue histoire industrielle et post-industrielle.

    La Région elle-même n’est pas dupe de cette ambition puisqu’elle peine visiblement à sanctionner les communes n’atteignant pas leurs objectifs en la matière.

    Le dispositif actuel aboutit tout au plus à des saupoudrages d’opérations de petite taille, donc proportionnellement plus onéreuses, puisque chaque commune se sent obligée de rentrer son petit projet.

    On en arrive même à des situations absurdes où certaines communes proposent de créer des logements pour échapper à une éventuelle sanction, puis, consciemment ou non, font en sorte que ces projets ne se concrétisent jamais.

    Et dans certains cas, on peut les comprendre !

    Faut-il vraiment aller implanter de nouveaux logements publics dans des zones où chacun s’accorde à reconnaître que les perspectives d’emploi sont rares, voire nulles, qui sont mal desservies en termes de mobilité, qui n’offrent pas ou peu d’infrastructures publiques ou de services telles que des crèches, des écoles, etc. ?

    Imaginez-vous que l’on aille un jour concentrer 100 ou 150 logements publics dans une entité rurale isolée au seul prétexte de cette vision dogmatique des 10% ?
    Comment une règle aveugle pourrait-elle effectivement tenir compte des réalités locales ?

    Faut-il ajouter la relégation sociale des personnes aux difficultés matérielles qu’elles rencontrent déjà ?

    Franchement, je ne le pense pas.

    Aussi, je souhaite permettre l’objectivation des choix d’implantation en concevant et en mettant à la disposition des communes et de la Région un cadastre dynamique qui identifiera dans manière aussi objective que possible les localisations les plus pertinentes.

    Ce cadastre dynamique prendra la forme d’un schéma régional de développement du logement public et pourra notamment consolider de façon active diverses cartographies et bases de données jusqu’ici disparates et statiques.

    La transparence et l’objectivation des critères d’implantation permettront de prendre en considération les bassins d’emplois, la présence des infrastructures collectives et publiques, la mobilité, les services, l’adéquation entre l’offre et les besoins réels, etc.

    Il permettra dès lors de proposer du logement de qualité et à coût maîtrisé aux habitants dans des zones où ils pourront bénéficier des ressources nécessaires pour se développer et s’épanouir en toute dignité.

    Ceci n’implique évidemment en rien la concentration urbanistique des projets publics. Au contraire, je plaide pour leur intégration la plus complète possible dans le maillage bâti.

    Enfin, les projets publics-privés permettront, je l’espère, outre la contribution au financement, de réaliser des opérations urbanistiquement et architecturalement non stigmatisantes et avantageusement localisées.

    Ceci étant posé, il n’est naturellement pas question d’imposer à certaines communes uniquement de supporter toute la charge de l’investissement en matière de logement public : des mécanismes de mutualisation de cet effort et de solidarité territoriale devront être étudiés et concertés.

    J’entends par exemple poursuivre les développements entrepris par la majorité précédente relativement à la mise en œuvre d’un fonds d’investissement du logement public ; lequel, reposant sur le principe du droit de tirage, permettrait aux SLSP et aux communes d’activer les aides régionales selon les opportunités réelles du terrain et les critères objectivés que je viens d’évoquer.

    Dans l’intervalle, il va de soi que tous les projets en cours de montage ou de réalisation seront poursuivis et que les opérations déjà programmées et financées poursuivront leur développement. Je prendrai d’ailleurs sous peu les dispositions légales nécessaires à assurer cette continuité en phase transitoire.

    Enfin, et je tiens à assurer l'honorable membre tout ce dispositif sera concerté tant avec les communes qu’avec les sociétés de logement de service public et les opérateurs régionaux tels que la Société wallonne du Logement et la DGO4 du Service public de Wallonie.