/

Le colloque "gendermainstreaming" du 10 novembre 2017

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2017
  • N° : 112 (2017-2018) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 22/11/2017
    • de RYCKMANS Hélène
    • à GREOLI Alda, Ministre de l’Action sociale, de la Santé, de l’Egalité des chances, de la Fonction publique et de la Simplification administrative

    Le vendredi 10 novembre, Madame la Ministre a organisé une matinée d’étude ayant pour objectif d’échanger de bonnes pratiques avec des experts européens ainsi que les représentants des différents autres niveaux de pouvoir du pays, qui mettent déjà en œuvre le gender mainstreaming.

    Ce colloque prend tout son sens lorsque l’on voit les résultats de l’étude du WEF (World Economic Forum), menée dans 144 pays et qui indique clairement que, après dix ans de progrès constants en matière de parité, les inégalités entre les hommes et les femmes se sont creusées en 2016.

    Notre pays régresse dans le classement (31e place en 2017, 24e en 2016, 20e en 2006) notamment à cause de deux éléments : d’une part, les différences autour de l’autonomisation politique des femmes (sous représentation des femmes ministres) et, d’autre part, les écarts salariaux. Nous nous classons 63e dans la sous-catégorie relative en matière de santé et d'espérance de vie. Par contre, le niveau d’éducation des femmes est meilleur.

    Comment Madame la Ministre explique-t-elle la régression de la Belgique dans ce classement mondial ? Quelle part y prendrait la Région ? Comment peut-elle agir, avec ses homologues, dans les différentes Régions pour inverser la tendance ?

    Peut-elle nous faire état des constats qu'elle a dressés à l’occasion de la matinée d’étude du 10 novembre ? Quelles pistes ont-elles été évoquées pour progresser dans la mise en œuvre du gendermainstreaming ? Celui-ci tarde, à mon sens, à produire ses effets.

    Quelles mesures en découleront pour la Wallonie? De quelle manière seront-elles mises en place et dans quels délais ? Quels enseignements Madame la Ministre en tire-t-elle pour la Wallonie ?

    Il me paraît important que le Gouvernement wallon se positionne de façon claire et ferme afin d’induire le nécessaire changement des mentalités et, donc, d'agir pour que des mesures fortes puissent diminuer effectivement les écarts, quels qu’ils soient, entre les femmes et les hommes.
  • Réponse du 07/12/2017
    • de GREOLI Alda

    La question de l’intégration de la dimension de genre dans les politiques wallonnes et du plan genre a été maintes fois abordée depuis l’adoption du décret de gender mainstreaming.

    L’article 5, §1er, du décret du 11 avril 2014 visant à la mise en œuvre des résolutions de la Conférence des Nations unies sur les femmes à Pékin de septembre 1995 et intégrant la dimension du genre dans l’ensemble des politiques régionales prévoit que « le Gouvernement transmet au Parlement wallon un rapport intermédiaire et un rapport de fin de législature sur la politique menée conformément aux objectifs de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes tenue à Pékin en septembre 1995. Ces rapports intègrent la politique spécifique d’égalité entre les femmes et les hommes ».

    En ce qui concerne la matinée d’études que nous avons organisée ce vendredi 10 novembre, elle intervenait une semaine après la diffusion du Global Gender Gap Index, établi annuellement par le Forum économique mondial (WEF), classement international dans lequel, comme le sait l'honorable membre, la Belgique a glissé malheureusement de la 24e place à la 31e sur un total de 144 États pris en considération. Cette détérioration de la place de la Belgique a donné toute sa légitimité à notre matinée d’études et d’échanges de bonnes pratiques à l’échelle belge et européenne.

    Des experts étrangers sont venus faire part de leurs expériences notamment au niveau de l’aménagement urbain, des politiques sportives, du gender budgeting, etc. à Bordeaux, Genève, Esch-sur-Alzette, Göteborg, etc. Leurs exemples concrets, des statistiques genrées éclairantes et quelques vidéos illustrant diverses réalisations, notamment en Suède, ont donné à l’assistance un panorama de ce que le gender mainstreaming peut améliorer dans le quotidien des femmes et des hommes.

    Nous avons aussi suivi les échanges du panel composé d’intervenants issus de l’Institut pour l’égalité entre les femmes et les hommes, la fédération Wallonie-Bruxelles, la Cocof et le Service public régional bruxellois. Il sera ainsi plus facile d’harmoniser nos pratiques et tirer les enseignements d’expériences menées à d’autres niveaux de pouvoir. Cela a aussi permis de relever que la Wallonie en la matière n’accuse aucun retard, au contraire.

    Je n’ai pas eu le temps de faire le point sur les 16 objectifs stratégiques du Plan wallon. Il appartient d’ailleurs à chacun des ministres compétents de le faire, au plus tard, lors du rapport final prévu en fin de législature.

    J’ai toutefois pu rappeler entre autres les avancées en matière d’accueil de la petite enfance, ce qui devrait contribuer à aider les femmes à mieux s’intégrer sur le marché de l’emploi et à réduire l’écart salarial que rappelle l'honorable membre.

    J’ai aussi évoqué la mise en œuvre, depuis cet été, du test de genre (des formations seront organisées prochainement à cet effet). En obligeant chaque ministre à réaliser une analyse de l’impact de ses projets législatifs ou réglementaires sur la situation des femmes et des hommes en amont de toute décision, nous devrions arriver à prévenir et/ou corriger des risques d’inégalités.

    Mais j’ai surtout fait le point sur l’objectif stratégique relatif à la lutte contre la précarité des familles, notamment, monoparentales.

    Je n’aurai pas le temps d’écrire ici ce que j’ai détaillé pendant près d’une demi-heure, le 10 novembre dernier. Les résultats et recommandations du screening des législations potentiellement discriminatoires à l’égard des familles monoparentales, réalisé par l’Université de Namur, font 500 pages.

    Je n’en retiendrai donc, ici, que quelques éléments.

    En très résumé, sachant que, sur un plan strictement juridique, l’équipe de recherche fait le constat qu’il n’y a quasiment pas de discriminations. Ce qui est plutôt une bonne nouvelle. (Ainsi, au niveau wallon, l’étude épingle un seul problème à l’égard des familles monoparentales avec garde alternée qui ne reçoivent pas le même nombre de titres-services que les autres familles, « anomalie » que nous corrigerons : j’ai déjà pris contact avec mon collègue en charge de l’Emploi.) Pour le reste, les différents législateurs ont adopté des normes en accord avec les principes d’égalité et de non-discrimination.

    Les difficultés rencontrées et les inégalités ressenties par les familles monoparentales se situent généralement ailleurs que dans la norme elle-même. Ainsi, les difficultés d’accès à l’emploi ne résultent pas des dispositions juridiques relatives aux aides à l’emploi et à la formation, mais notamment de problèmes de mobilité et de garde d’enfants.

    L’absence de discriminations en droit n’évacue pas les difficultés de fait. Plus précisément, les chercheuses ont montré que les familles monoparentales wallonnes ont, au sein de la population, le taux de risque le plus élevé de pauvreté (54,6 %), déprivation matérielle (43,2 %), de difficultés à payer son logement (65 %), de renoncement à des soins de santé (44,3 %), etc.

    Ces difficultés sont encore plus grandes quand une femme est à la tête d’une famille monoparentale. L’étude met en évidence que « ce n’est pas la monoparentalité en tant que telle qui engendre la vulnérabilité des femmes ; la vulnérabilité des femmes préexiste, la monoparentalité “se limite” à la renforcer. »

    Suivant les recommandations du screening, je vais m’employer dans les mois à venir à mettre en œuvre notamment :

    - Une centralisation et une mise à disposition d’informations complètes et claires à destination de l’ensemble des publics concernés. Dès lors qu’un tel service serait mis en place, il conviendra de veiller à ce que chaque famille monoparentale en ait connaissance et puisse y avoir accès. Ainsi, s’il s’agit d’un portail internet, compte tenu de la fracture numérique, il conviendra de prévoir des points d’accès aisés dans différents endroits ouverts au public. Ce qui doit être fait en 2018.

    - Une meilleure formation des acteurs de première ligne avec des personnes référentes dans les CPAS, notamment, qui pourrait être possible dans le cadre de la Convention avec l’Union des villes et des communes, afin de tisser un réseau efficient d’information à l’égard du public cible dans toute la Wallonie. J’ai pris contact dans ce sens avec la Ministre en charge des Pouvoirs locaux.

    - Une modification de la législation antidiscrimination, en concertation avec UNIA et le fédéral. Le screening rappelle qu’en vertu de la législation antidiscrimination, une personne ne peut être discriminée sur la base, notamment, de son état civil. L’état civil inclut la composition familiale des ménages. En ce qui concerne les familles monoparentales, cela veut dire qu’elles ne peuvent être discriminées du fait qu’elles sont isolées avec un ou des enfants.

    Mais dans les faits, elles ne sont pas encore suffisamment protégées de discriminations relevées notamment en matière d’emploi et de logement. « Par souci de clarté, il pourrait être utile d’ajouter la situation familiale (ou composition de ménage) dans les critères prohibés de discrimination », relève l’étude. Cette modification constituerait un élément clé et novateur. Elle s’inscrira dans une proposition plus générale d’aménagements de cette législation que je souhaite déposer sur la table du Gouvernement wallon encore cette année.

    - La poursuite du Plan gender qui, en analysant (statistiques genrées à l’appui) et en luttant contre les inégalités de genre, vise l’empowerment des femmes, dans la société et sur le marché du travail.

    Depuis la Conférence des Nations Unies sur les femmes à Pékin, le gender mainstreaming est l’une des principales recommandations internationales pour réduire, entre autres, ce Gender Gap qui, comme moi, préoccupe l'honorable membre, et ce Gouvernement peut se féliciter d’avoir mis en place et de poursuivre le Premier plan wallon dans ce domaine.

    Enfin, pour être complète, sachant qu’en matière de santé et de genre, la Wallonie s’emploie principalement à lutter contre toutes les formes de violences via un dispositif qui, pour rappel, vient de faire l’objet d’une évaluation tout à fait positive de la part de l’ASBL Engender.