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Les finances des hôpitaux en Wallonie

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2017
  • N° : 120 (2017-2018) 1

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  • Question écrite du 27/11/2017
    • de MOUYARD Gilles
    • à GREOLI Alda, Ministre de l’Action sociale, de la Santé, de l’Egalité des chances, de la Fonction publique et de la Simplification administrative

    L’érosion des résultats financiers des hôpitaux se poursuit, tandis que pointe le défi majeur de la réorganisation en réseaux.

    En effet, certains hôpitaux font des bénéfices, tandis que d’autres peinent à maintenir la tête au-dessus de l’eau. Ainsi, 26 hôpitaux sur 88 (soit plus de 30 %) seraient déficitaires. Et se situeraient surtout en Wallonie. On recenserait même 12 hôpitaux dont le cash-flow est insuffisant. Autrement dit, ils se trouvent en quasi-cessation de paiement.

    Quelle est l'analyse de Madame la Ministre de la situation ? Pourrait-elle faire le point de manière chiffrée sur la situation des hôpitaux en Wallonie ? Confirme-t-elle les éléments repris dans mon questionnement ? Dans l’affirmative, quelles sont ses réponses aux difficultés rencontrées par les hôpitaux wallons ?
  • Réponse du 14/12/2017
    • de GREOLI Alda

    Ma réponse concerne les hôpitaux exploités en Wallonie à l’exclusion des hôpitaux universitaires qui relèvent de la compétence de la Fédération Wallonie Bruxelles. De plus, elle tient compte du fait que le financement de l’exploitation des hôpitaux relève presque exclusivement de la compétence du Fédéral dont essentiellement le budget des moyens financiers, les honoraires médicaux et leurs suppléments éventuels ainsi que les médicaments et les dispositifs médicaux.

    L’érosion de la situation financière des hôpitaux généraux a été annoncée par la Banque Belfius dans le cadre de son étude annuelle intitulée « Maha ». Toutes les données chiffrées de cette étude sont téléchargeables à partir des deux sites web suivants :
    * Téléchargement de la présentation de l’étude :
    https://www.belfius.be/publicsocial/FR/Media/MAHA%202017%20persconferentie%20FR_tcm_30-142132.pdf.
    * Téléchargement du communiqué de presse de 6 pages reprenant les chiffres essentiels de l’étude :
    https://www.belfius.be/publicsocial/FR/Media/MAHA%20FR%20communiqu%C3%A9%2004%2010%202017_tcm_30-142131.pdf.

    Mon analyse dans le cadre des compétences de la Région wallonne est la suivante.

    Les résultats de l’année 2016 confirment une tendance lourde ces dernières années. Globalement, les résultats courants des hôpitaux continuent à se dégrader. En ce qui concerne la Région wallonne, la moitié des hôpitaux sont aujourd’hui en déficit au niveau de leur résultat courant. Pour ceux qui présentent un bénéfice, les résultats se réduisent à peau de chagrin, ce qui constitue une préoccupation importante pour l’avenir.

    Je voudrais à cet égard d’abord souligner 3 éléments qui me semblent fondamentaux en ce qui concerne le secteur hospitalier.

    Le premier élément que je tiens à souligner est le fait que la Belgique est l’un des pays au monde où la population a l’un des taux de satisfaction les plus élevés de son système de santé. Cela est notamment dû au formidable dynamisme du secteur hospitalier, secteur qui s’est professionnalisé de façon considérable ces 15 dernières années, qui est en capacité de prendre des initiatives et d’offrir au patient des soins performants.

    Le deuxième élément que je souhaite souligner, c’est le fait que les systèmes de santé ne doivent pas uniquement être considérés comme un coût pour la collectivité, mais doivent également être considérés comme un facteur de développement, non seulement en raison des nombreux emplois de qualité et de proximité qui y sont généralement liés, mais également en raison des progrès médicaux et techniques, qui nous assurent aujourd’hui de pouvoir vivre en bonne santé plus longtemps. On l’oublie parfois, mais le maintien d’une couverture de santé forte n’est pas une dépense à perte, mais un investissement nécessaire au développement économique d’un pays et d’une région.

    Le troisième élément que je tiens à souligner, c’est l’importance du secteur de la santé au sens large dans le tissu économique de la Région wallonne. On connaît en particulier le poids du secteur hospitalier en termes d’emploi et de création de richesse. Il s’agit non seulement des nombreux emplois directs, de proximité et peu délocalisables, mais également des emplois indirects, par exemple ceux liés aux investissements, ou aux fournisseurs externes.

    L’examen de la situation financière des hôpitaux doit être réalisé en tenant compte du contexte politique et institutionnel. La Ministre fédérale de la Santé annonce depuis un certain temps une réforme des hôpitaux, avec une nouvelle programmation, une nouvelle définition du rôle de l’hôpital et le souhait de renforcer l’efficience dans la gouvernance au sein du secteur hospitalier. Parallèlement, elle souhaite encourager, voire forcer, les hôpitaux à travailler en réseau. Pour ma part, je soutiens la meilleure collaboration et la meilleure répartition possible des tâches et fonctions entre les hôpitaux. De nombreux efforts ont déjà été réalisés en la matière ces 25 dernières années via des rapprochements et fusions entre hôpitaux. Toutefois, il est cependant possible aujourd’hui d’améliorer encore la situation.

    Un élément essentiel à prendre en compte est le fait que les collaborations et la mutualisation sont liées à la question intrinsèque des moyens disponibles. Actuellement, nous pouvons constater que la pression est mise sur la viabilité des systèmes de santé. L’allongement de la vie et l’évolution des modes de vie s’accompagnent d’une progression importante des maladies chroniques et complexes. Parallèlement, les évolutions technologiques et le développement d’une médecine de pointe toujours plus spécialisée comme la thérapie génique, la robotique, les médicaments novateurs, les nouvelles normes de qualité notamment en pharmacie, les développements des TIC en soins de santé, etc., présentent un coût important pour les systèmes de santé.

    Si sur le principe, nous soutenons la démarche de la Ministre fédérale de la Santé en ce qui concerne le travail en réseaux et la création de réseaux hospitaliers, la mise en réseau pour le réseau n’est toutefois pas un objectif en soi. Cette mise en réseau doit se concentrer sur ce qui fait sens et sur ce qui permet d’aller vers plus d’efficience c’est-à-dire la capacité d’atteindre des objectifs dont la qualité des soins et l’accessibilité, à un coût optimal. Dans ce cadre, il convient de veiller à ce que les réseaux soient co-construits entre les acteurs et qu’ils consentent librement au niveau d’intégration qu’ils souhaitent atteindre. Forcer les hôpitaux à une intégration totale de leurs activités sans le consentement des principales parties prenantes n’a pas de sens et risque à court et à moyen terme d’avoir des effets contre-productifs.

    Je tiens donc également à rappeler mon engagement pour la promotion de l’autonomie des acteurs, tant des acteurs associatifs que publics.

    La réforme des hôpitaux aura également un impact sur les compétences des entités fédérées. Dans ce cadre, il me semble donc fondamental que l’État fédéral et les entités fédérées de ce pays se fixent des objectifs clairs de la situation à laquelle nous souhaitons aboutir dans les 5 prochaines années. Les institutions sont mises sous pression. Il est dès lors indispensable de pouvoir fixer des perspectives non seulement sur le court terme, mais également sur le moyen et le long terme, et ce, également en matière de financement de l’exploitation.

    La Wallonie est prête à investir dans la réforme du paysage hospitalier. Mais cette réforme doit reposer sur une démarche saine, où l’on encourage les hôpitaux à collaborer entre eux, dans une approche rationnelle, sur une base volontaire. La juste répartition des tâches, et donc l’amélioration de l’efficience, ne pourra fonctionner efficacement que s’il existe une émulation positive dans la démarche. Cette démarche doit permettre aux hôpitaux d’identifier entre eux les problèmes principaux et de rechercher ensemble les solutions les plus efficaces. C’est cette approche de coconstruction que la Région wallonne privilégie dans le cadre de la mise en place des réseaux hospitaliers cliniques. La coconstruction ne sera efficace que si elle a lieu à 2 niveaux : au niveau institutionnel d’une part, entre l’état fédéral et les entités fédérées, et au niveau des opérateurs hospitaliers sur le terrain d’autre part. Il ne faut pas non plus négliger le temps nécessaire à cette mise en réseau. La question du degré d’intégration des hôpitaux au sein des réseaux est essentielle. L’objectif devrait être de favoriser les rapprochements entre institutions parfois concurrentes, dans une démarche volontariste, avec pour effet une meilleure répartition d’un certain nombre de missions, pour autant que cela fasse sens, mais dans le respect de l’autonomie des institutions, qu’il s’agisse de l’autonomie associative ou de l’autonomie communale.

    En conclusion, on ne peut qu’encourager le terrain à poursuivre ces collaborations entre hôpitaux afin de favoriser une juste répartition et, lorsque cela est possible, une meilleure concentration des tâches. Et il est possible, sur une base volontariste, de mieux collaborer pour améliorer l’efficience et, partant la situation financière, tout en conciliant la qualité des soins, la liberté de choix des patients, la liberté thérapeutique du corps médical, la capacité de gouvernance des gestionnaires et le respect des identités institutionnelles.