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La survie des insectes en Wallonie

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2017
  • N° : 157 (2017-2018) 1

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  • Question écrite du 27/11/2017
    • de MORREALE Christie
    • à COLLIN René, Ministre de l'Agriculture, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité, du Tourisme, du Patrimoine et délégué à la Grande Région

    Récemment, une étude allemande réalisée par la Société Entomologique Krefeld publiée dans la revue Plos One révélait que la quantité d’insectes recensés dans des réserves naturelles a chuté de 75 % en 27 ans (l’étude a commencé en 1989).

    L’étude allemande porte sur des comptages effectués dans diverses réserves naturelles et zones protégées. On pourrait donc craindre que la situation soit encore pire dans les zones urbanisées.

    Doit-on craindre un phénomène similaire en Wallonie ? Dispose-t-on d’une étude similaire sur cette problématique ?

    M. Verheggen, entomologiste à l’université de Liège regrette un manque d’investissement wallon dans le domaine : seuls deux groupes d’insectes seraient effectivement suivis depuis 1990, à savoir, les papillons de jour et les libellules. Les dernières données datant de 2012 montrent qu’à peu près 50 % des espèces sont en danger, en danger critique, voire éteintes. La situation semble similaire pour les coccinelles.

    Ne devrions-nous pas nous pencher plus en profondeur sur ce phénomène pour notre territoire ? Quel serait l’impact de ce phénomène sur la préservation de nos zones naturelles et de notre environnement en général ?

    Enfin, comment expliquer un tel déclin des insectes ? Comment parvenir à réduire ce déclin ?
  • Réponse du 11/12/2017
    • de COLLIN René

    La Wallonie ne dispose pas d’une étude telle que celle menée en Allemagne sur le suivi de la biomasse des insectes volants sur plus d’un quart de siècle (le CRA-W capture les insectes en continu dans deux stations, à Gembloux et à Libramont, respectivement, depuis 2006 et 2008, à des fins d’avertissements agricoles, mais la méthode (piège à succion à 12 mètres de hauteur) diffère de celle des Allemands (pièges d’interception sur un mètre de hauteur), si bien que les résultats ne pourront être comparés). Il est cependant très vraisemblable que pareil constat aurait pu être réalisé chez nous d’autant que la plupart des sites étudiés en Allemagne se situent en Rhénanie-Westphalie, un land jouxtant notre frontière. Divers indices suggèrent que la quantité d’insectes a chuté aussi de manière significative en Wallonie. Le plus évident d’entre eux est ce que chacun a certainement pu noter, à savoir la diminution du nombre d’insectes écrasés sur les pare-brises de voitures, mais d’autres peuvent être notés tel le déclin d’oiseaux insectivores comme les hirondelles.

    Certes, il serait indiqué d’approfondir cette question en Wallonie, en s'attachant au minimum, à suivre et estimer la biomasse globale sur un certain nombre de stations à travers notre territoire. Cependant, le monde des insectes étant très vaste (> 20.000 espèces en Wallonie) nous nous sommes focalisés sur quelques groupes indicateurs (papillons, libellules, abeilles, coccinelles) représentants de l'entomofaune.

    Selon l’étude allemande, c’est essentiellement l’intensification des pratiques agricoles au sens large dans les espaces autour des réserves échantillonnées, qui permet d’expliquer ces déclins à large échelle (l’affectation des sols n’a pas significativement changé autour des sites étudiés dans l’intervalle. De même, les paramètres climatiques qu’ils ont étudiés ne permettent pas d’expliquer les résultats. Ils n’excluent toutefois pas totalement certains effets des changements climatiques, telles des sécheresses prolongées). Ces conclusions ne surprennent pas les entomologistes de nos services qui confirment que les terres agricoles intensives sont devenues des « quasi-déserts écologiques » y compris la plupart des prairies, autrefois riches en fleurs et en insectes. Par ailleurs, de nombreuses autres études ont déjà documenté l’impact de ces pratiques sur l’entomofaune.

    Par ailleurs, diverses publications scientifiques ont démontré, en revanche, les bénéfices de la conversion vers l’agriculture biologique et des mesures « agri-environnementales » (surtout les prairies de haute valeur biologique et les bandes fleuries) sur la biodiversité en général et les insectes en particulier. Il a été montré par exemple que les chauves-souris chassent significativement plus au-dessus des prairies « bio », en rapport avec une biomasse d’insectes nettement plus élevée.

    Mon souhait est de développer l’agriculture biologique et les mesures prises à ce sujet. Cette option, qui intéresse de plus en plus d’agriculteurs, a déjà et aura certainement encore à l’avenir un impact positif sur notre entomofaune, la biodiversité et nos écosystèmes en général.