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La problématique des créations de logement et des domiciliations

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2017
  • N° : 414 (2017-2018) 1

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  • Question écrite du 29/11/2017
    • de MOUYARD Gilles
    • à DI ANTONIO Carlo, Ministre de l'Environnement, de la Transition écologique, de l'Aménagement du Territoire, des Travaux publics, de la Mobilité, des Transports, du Bien-être animal et des Zonings

    Depuis 1994, la législation exige un permis d’urbanisme pour la création d’un nouveau logement, et ce, même en l’absence de travaux de transformation. Par conséquent, un logement est infractionnel s’il n’a pas, après 1994, fait l’objet d’un permis pour sa création (ou si la preuve de son existence ou de son occupation avant 1994 ne peut être rapportée avec suffisance).

    L’arrêté royal du 16 juillet 1992 relatif aux registres de la population et au registre des étrangers a introduit la notion de domiciliation provisoire pour les logements qui contreviennent, notamment, à cette législation urbanistique. Cette notion a ensuite été supprimée de l’arrêté royal et inscrite dans la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population, aux cartes d’identité, aux cartes d’étranger et aux documents de séjour.

    Ces deux législations paraissent s’entrechoquer au moment de domicilier une personne dans un logement qui n’existe pas.

    D’une part, en étant obligé de domicilier quelqu’un dans un logement qui n’est pas en règle par rapport à la législation sur l’urbanisme, n’induit-on pas un sentiment d’impunité auprès de la population ou, pire, n’admet-on pas implicitement l’existence de ce logement ? Le constat de l’existence d’un logement avant 1994 ne devrait-il pas s’opérer uniquement, ou au moins principalement, sur base de l’existence ou non d’un numéro de police ? Dans la négative, ne rend-on pas un mauvais service aux personnes en les laissant s’établir dans un logement non conforme alors que celui-ci pourrait ne pas recevoir de régularisation et, le cas échéant, nécessiter une expulsion de ses occupants, avec, de surcroit, éventuellement une obligation de relogement par la commune ?

    D’autre part, n’est-il pas injuste qu’un propriétaire qui sollicite une autorisation pour la création d’un nouveau logement puisse se la voir refusée alors qu’un propriétaire qui fait fi de la législation urbanistique et crée donc un logement infractionnel, est quant à lui assuré de pouvoir y domicilier quelqu’un ?

    Enfin, et cette sous-question s’adresse plus particulièrement au Ministre de l’Aménagement du territoire, quels sont les moyens de preuve admis pour démontrer de manière incontestable l’existence d’un logement avant 1994 ? Certaines situations ne devraient-elles pas être exclues ?

    Prenons, d’une part, le cas d’un logement qui semble bien avoir été créé avant 1994, peut-on remonter aussi loin dans le temps que les preuves le permettent pour démontrer l’existence du logement ou y a-t-il une date/durée à partir de laquelle ces éléments de preuve ne peuvent plus faire foi ?

    D’autre part, lorsqu’un second logement a été créé dans une habitation avant 1994 et qu’il a ensuite été occupé plusieurs années par le même ménage que le reste de l’habitation (sans que cela ne nécessite de travaux soumis à permis), la réoccupation de ce second logement par un ménage distinct, après 1994 et sans nécessité de travaux soumis à permis, nécessite-t-il l’obtention d’une nouvelle autorisation pour création de logement?

    Une situation existant légalement antérieurement à 1994 (2 logements distincts), mais qui n’est, dans les faits, plus celle-là depuis quelques années (2 logements utilisés par un seul ménage) subit-elle un mécanisme de péremption ? Faudrait-il un permis pour « décréer un logement » ?
  • Réponse du 18/12/2017
    • de DI ANTONIO Carlo

    Je partage le constat de l'honorable membre de la délicate conciliation de ces législations aux objectifs différents.

    La police administrative relative à la domiciliation relève du Ministre de l’Intérieur au niveau fédéral, tandis que la police administrative du logement est une compétence de ma collègue la Ministre du Logement. À ce titre, j'invite l'honorable membre à les interroger dans le cadre de leurs compétences respectives.

    En matière d’urbanisme, les dispositions ont été clarifiées dans le cadre de la réforme du code du développement territorial. Ainsi les travaux parlementaires précisent que : « la notion de création de logement est basée uniquement sur des critères urbanistiques et sert exclusivement à déterminer s’il est nécessaire de solliciter un permis d’urbanisme, indépendamment de toute autre législation » (Doc. Parl.. 307 (2015-2016) – N°342 – Amendement n°3 – justification, p.3).

    En ce qui concerne les logements en situation irrégulière du point de vue urbanistique, le décret du 16 novembre 2017 modifiant l'article D.IV.99 et le Livre VII du Code du Développement territorial en vue d'y insérer un article D.VII.1bis instaurant une présomption de conformité urbanistique pour certaines infractions ne s’applique pas aux actes et travaux consistant à créer un ou plusieurs logements après le 20 août 1994, ainsi qu’aux actes et travaux pouvant faire l’objet d’une incrimination en vertu d’une autre police administrative.

    Ce message très ferme aux propriétaires d’un logement créé en infraction au regard du droit de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme permet de rejeter tout sentiment d’impunité.

    Un permis d’urbanisme est requis pour tout logement en situation irrégulière et fera l’objet d’un examen circonstancié dans le cadre de son instruction, sous réserve du respect des dispositions du CoDT.

    La commune, en raison de ses différentes compétences, est le carrefour de multiples informations à travers ses différents services (urbanisme, logement, état civil,…). En outre, le conseil communal peut désigner des fonctionnaires et agents techniques comme agents constatateurs au sens du CoDT. À ce titre, la commune est la figure de proue de la lutte contre les logements en infraction urbanistique.

    En matière pénale, la charge de la preuve incombe à l’autorité publique. Lorsque l’autorité publique invoque une infraction, elle doit par conséquent en rapporter la preuve.

    Par contre, dans le cadre d’une demande de permis, le Conseil d’État (C.E., 222.658, 27 février 2013) renverse cette charge de la preuve. Dans ce cas, c’est au demandeur de permis qui se prévaut de l’existence légale du logement avant le 20 août 1994 d’en apporter la preuve. Par ailleurs, le Conseil d’État (C.E., 239.691, 27 octobre 2017) précise que « le devoir de minutie, émanation du principe de bonne administration, a pour conséquence que, de manière générale, l’autorité est tenue d’avoir égard à l’ensemble des informations qui lui ont été fournies par le demandeur de permis ». Les motifs justifiant la décision de l’autorité compétente doivent permettre au demandeur de comprendre la raison pour laquelle les renseignements qu’il a fournis n’ont pas été pris en considération.

    La preuve de l’existence du logement peut être rapportée par toute voie de droit : des factures relatives aux travaux d’aménagement du logement, une attestation de conformité d’un organisme agréé, les documents relatifs de l’installation des compteurs d’eau, d’électricité ou de gaz, des états des lieux (d’entrée/de sortie), une anamnèse de l’occupation du logement (par exemple au moyen de l’historique des domiciliations), de vieilles photographies, etc.

    Une recherche préalable de précédents permis d’urbanisme et des plans y annexés, peut éventuellement être utile (dans le cas de travaux de transformation soumis à permis avant le 20 août 1994).

    La foi due aux éléments probants n’est pas limitée dans le temps.

    L’article D.IV.4 du CoDT précise que : « Par créer un nouveau logement dans une construction existante au sens du 6°, il faut entendre créer, avec ou sans actes et travaux, un nouvel ensemble composé d’une ou de plusieurs pièces, répondant au minimum aux fonctions de base de l’habitat à savoir cuisine, salle de bain ou salle d’eau, wc, chambre, occupé à titre de résidence habituelle ou de kot et réservé en tout ou en partie à l’usage privatif et exclusif d’une ou de plusieurs personnes qui vivent ensemble, qu’elles soient unies ou non par un lien familial ».

    La notion de création de logements est ainsi définie de manière précise dans le cadre de la police administrative de l’urbanisme. Il ressort de cette définition que la création d’un logement n’implique pas nécessairement des actes et travaux.