/

L'étude juridique et législative sur les risques potentiels de discrimination des législations relatives aux familles monoparentales

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2017
  • N° : 132 (2017-2018) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 30/11/2017
    • de COLLIGNON Christophe
    • à GREOLI Alda, Ministre de l’Action sociale, de la Santé, de l’Egalité des chances, de la Fonction publique et de la Simplification administrative

    Suite à la publication du rapport final de l’étude juridique et législative sur les risques potentiels de discrimination des législations relatives aux familles monoparentales, j’aimerais connaitre les enseignements que tire le rapport sur cette thématique ainsi que ceux qu’en tire Madame la Ministre.

    Comme elle le sait probablement, les familles monoparentales représentent une partie de notre société fortement sujette au risque de pauvreté.

    Que va inspirer ce rapport à Madame la Ministre dans son action ?
  • Réponse du 19/12/2017
    • de GREOLI Alda

    Le rapport final consolidé du screening juridique constitue un recensement très complet des mesures légales et réglementaires régionales, communautaires et fédérales analysées sous l’angle des discriminations potentielles qu’elles présentent à l’égard des familles monoparentales.
    Au terme de son analyse, l’équipe de recherche de l’Université de Namur a fait le constat que sur un plan strictement juridique, il n’y a quasiment pas de discriminations. Les différents législateurs ont adopté des normes en accord avec les principes d’égalité et de non-discrimination ainsi qu’avec les législations antidiscrimination.

    Les difficultés rencontrées et les inégalités ressenties par les familles monoparentales se situent généralement ailleurs que dans la norme elle-même. Par exemple, les difficultés d’accès à l’emploi ne résultent pas des dispositions juridiques relatives aux aides à l’emploi et à la formation, mais bien des problèmes de mobilité et de garde d’enfants.

    Dans les actuelles compétences du législateur wallon, l’étude a relevé une discrimination à l’égard des familles monoparentales dans le dispositif des titres-services. En effet, dans le dispositif actuel, toutes les familles monoparentales ne peuvent pas bénéficier de l’extension à 2.000 titres-services par an en raison de la formulation de l’article 3, §2, de l’arrêté royal du 12 décembre 2001 concernant les titres-services. Sont exclues du champ d’application de cette disposition, les familles monoparentales en situation d’hébergement partagé en raison d’un jugement ou d’un accord à l’amiable (le cas échéant, passé par acte notarié) et au sein desquelles le parent concerné n’a pas les enfants fiscalement à charge, n’est pas allocataire pour les allocations familiales et ne peut fournir d’attestation communale de composition de ménage. Par conséquent, il est proposé d’ajouter un point 4° à l’article 3, §2 afin de combler cette lacune.

    Dans les compétences du législateur fédéral, des recommandations sont formulées en matière d’interruptions de carrière et de crédit-temps.
    Son attention est attirée sur la nécessité d’examiner en profondeur, et le cas échéant de modifier, les différents dispositifs relatifs aux crédits-temps, aux congés thématiques et aux interruptions de carrière, tant dans le secteur privé que dans le secteur public, en portant une attention particulière :
    - aux différences de traitement selon la situation familiale du travailleur couplée à la proportion du congé (temps plein, mi-temps, 1/5ème temps) ;
    - aux différences de traitement selon la situation familiale du travailleur couplée à la catégorie professionnelle du travailleur concerné (secteur public ou secteur privé).

    A priori, les différences de traitement évoquées ci-avant ne semblent pas justifiées, ce qui conduit à une violation du principe d’égalité et à une discrimination à l’égard de certaines familles monoparentales.

    De manière générale, le manque de données genrées est constaté et déploré. Cette absence de données ventilées entre les hommes et les femmes dans de nombreux domaines a notamment empêché les chercheuses de tirer des conclusions pertinentes concernant le plan genre.

    Enfin, l’étude conclut à la nécessité d’une approche systémique dans les politiques à mener. Pour ce faire, le renforcement des capabilités (selon l’approche par les capabilités, dans une perspective de justice sociale, l’action politique doit viser à développer et à égaliser les capabilités des individus, c’est-à-dire leur liberté réelle de vivre la vie qu’ils ont des raisons de valoriser) est présenté comme un objectif fondamental à poursuivre dans l’action publique. Ce renforcement permettrait non seulement de prendre en compte la complexité de la situation des familles monoparentales, mais également de tenir compte des situations inégales où le genre tient encore une place prépondérante et où les femmes ne sont encore que trop souvent désavantagées.

    Dans ce cadre, l’attention est attirée sur la plus-value que représenterait un accès aisé et centralisé de l’information pertinente pour les familles monoparentales. Un véritable service pour le public des citoyens concernés serait une centralisation et une mise à disposition d’informations complètes et claires. Dès lors qu’un tel service serait mis en place, il conviendra de veiller à ce que chaque famille monoparentale en ait connaissance et puisse y avoir accès. Ainsi, s’il s’agit d’un portail internet, compte tenu de la fracture numérique, il conviendra de prévoir des points d’accès aisés dans différents endroits (CPAS, administrations communales, Espaces publics numériques…).

    Enfin, dans le prolongement de cette mise à disposition d’informations, un suivi et une observation de l’évolution des familles, en général, et des familles monoparentales, en particulier, ainsi que des dispositifs pertinents à leur égard et des répartitions de genre pourraient offrir un réel soutien aux décideurs politiques.

    Voilà donc en synthèse les points saillants de la recherche, qu’il me revient à présent de concrétiser en propositions

    Suite à ces constats, je souhaite mettre en œuvre les mesures suivantes :
    * Une centralisation et une mise à disposition d’informations complètes et claires à destination de l’ensemble des publics concernés : création d’un portail internet (le portail de l’action sociale pourrait aussi héberger cette information) avec points d’accès aisés dans différents endroits ouverts au public.
    * Une meilleure formation des acteurs de première ligne avec des personnes référentes dans les CPAS rendue possible dans le cadre de la Convention avec l’Union des villes et des communes. Des contacts ont été établis à cette fin avec le centre de formation de la Fédération des CPAS qui inclura cette thématique dans son programme 2018.
    * Une proposition de modification de la législation antidiscrimination, en concertation avec UNIA et le gouvernement fédéral. Le screening rappelle qu’en vertu de la législation antidiscrimination de 2007, une personne ne peut être discriminée sur la base, notamment, de son état civil, dont la composition familiale fait partie. « Il pourrait être utile de rajouter la situation familiale dans les critères prohibés de discrimination », relève l’étude.
    * Une proposition de modification décrétale en matière de Titres-Services. Le but est de mettre fin à la discrimination touchant spécifiquement les familles monoparentales qui ont opté pour la garde égalitaire.
    * La transmission du rapport au niveau fédéral en vue d’une harmonisation des interruptions de carrière et des crédits-temps.

    Enfin, je rappellerai que le nouveau modèle des allocations familiales prévoit des suppléments sociaux en faveur des familles monoparentales, afin de répondre de manière plus adaptée à la réalité de toutes les familles.