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Le passage des terres agricoles dans le domaine public

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2017
  • N° : 185 (2017-2018) 1

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  • Question écrite du 08/12/2017
    • de ARENS Josy
    • à COLLIN René, Ministre de l'Agriculture, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité, du Tourisme, du Patrimoine et délégué à la Grande Région

    Lors des auditions sur le bail à ferme, un intervenant a présenté une piste alternative pour les pouvoirs locaux qui consiste à faire passer les terres agricoles du domaine privé dans le domaine public en faisant valoir un motif d’intérêt général.

    De la sorte, ces biens étant inaliénables, les pouvoirs publics peuvent orienter les locations des terres afin de mener certaines politiques, notamment en faveur de l’installation de jeunes agriculteurs.

    Suite à cette intervention, nous avons reçu un courrier de l’Union des Villes et Communes s’opposant à cette piste en s’appuyant notamment sur la jurisprudence et la doctrine majoritaire en la matière.

    Monsieur le Ministre a-t-il pu prendre connaissance de ces avis ?

    Quelle est la position de ses services sur le sujet ?

    Considère-t-il que le passage dans le domaine public est possible ? Dans l’affirmative dans quelles conditions ?
  • Réponse du 14/12/2017
    • de COLLIN René

    En effet, lors des auditions au sein de cette Commission sur le Bail à ferme, le principe repris à l’article 1712 du Code civil a été rappelé.

    En préambule, je tiens à indiquer que le domaine public constitue un régime d’exception régissant certains biens des personnes publiques. Effectivement, de l’appartenance d’un bien au domaine public en découle notamment l’application des règles d’inaliénabilité du bien ou d’imprescriptibilité, énoncées par le Code civil comme le signale l'honorable membre dans sa question.

    Pour qu'un bien soit considéré comme partie intégrante du domaine public de l’autorité publique, il faut que ce bien soit affecté à l'usage de tous. Cette notion d’affectation s’apprécie au cas par cas. Certains usages de terres agricoles peuvent permettre de faire entrer le bien dans le domaine public et d’autres pas. Cette notion doit donc être utilisée avec parcimonie.

    De plus, pour être complet, il est à noter que la jurisprudence de la Cour d’Arbitrage, concernant l’article 1712 du Code civil, a déjà considéré que « L’autorité publique (…) se distingue des bailleurs, personnes privées, en ce que l’intérêt général qu’elle a pour mission de défendre requiert et justifie qu’il puisse être mis fin aux conventions ainsi conclues. La précarité de la situation des concessionnaires et, le cas échéant, des locataires constitue dès lors une norme en rapport avec l’objectif poursuivi (…). » Étant donné qu’il s’agit d’un seul arrêt en matière de bail commercial, c’est uniquement la doctrine qui considère que la même interprétation peut être tenue dans le cadre du bail à ferme.

    En tenant compte de ce qui précède et de l’avis sur la question, des pouvoirs locaux et de l’Union des Villes et communes de Wallonie que j’ai eu l’occasion d’entendre sur le sujet lors d’une rencontre sur le bail à ferme, la possibilité décrite à l’article 1712 est sous utilisée et à mon sens méconnue dans ses utilisations potentielles par les autorités publiques, mais il faut être conscient qu’elle ne saurait s’appliquer à tous les cas de figure.