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La biomasse en Région wallonne et le bois "B"

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2017
  • N° : 103 (2017-2018) 1

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  • Question écrite du 11/12/2017
    • de BROGNIEZ Laetitia
    • à CRUCKE Jean-Luc, Ministre du Budget, des Finances, de l'Energie, du Climat et des Aéroports

    Le projet d'une centrale biomasse à Visé qui avait comme puissance 1500 MW semble être abandonné.

    Sur l'approvisionnement du bois et la continuité de celui-ci, je partage le point de vue de Monsieur le Ministre. Pourquoi brûler du bois sud-américain et des plaquettes norvégiennes alors qu'il existe des gisements disponibles sur le territoire wallon?

    J'ai été interpellée par plusieurs intercommunales qui à ce jour rencontrent des difficultés pour écouler le bois "B". Le marché de ce bois s'est complètement effondré et en deux ans, les prix sont devenus négatifs et impactent les budgets de celles-ci.

    Ce type de bois est un bois provenant des collectes d'encombrants et des recyparcs et est traité sur plusieurs chaines de traitement afin de fabriquer des plaquettes de bois à destination de l'industrie.

    Monsieur le Ministre est-il informé de la problématique liée au bois "B" ?

    Encouragera-t-il de nouveaux projets "biomasse" qui intégrerait ce type de bois ?

    A-t-il des contacts avec les intercommunales sur le sujet ? Qu'en ressort-il ?

    A-t-il connaissance de projets industriels pouvant consommer ce type de bois ?
  • Réponse du 15/01/2018
    • de CRUCKE Jean-Luc

    * Impact du projet de centrale

    La trajectoire de production d’électricité renouvelable prévue sous le précédent gouvernement prévoyait la construction d’une (ou plusieurs) centrale électrique à base de biomasse bois de grande capacité (>20 MW). Plusieurs projets ont été rentrés pour une puissance entre 100 et 200 MW. L’approvisionnement partiel en « bois B » faisait partie des plans d’approvisionnement de plusieurs porteurs de projet. Le gouvernement actuel a décidé de ne pas poursuivre l’appel à projets et de soutenir la filière wallonne de bois énergie en privilégiant, entre autres, la création de structures biomasse plus petite.


    * Marché du bois B

    D’après les acteurs du déchet (collecteurs, gestionnaires…), le marché du bois B est depuis 6 à 7 ans sujet à des variations cycliques. Des surstocks de bois B de près de 300.000t ont été observés vers 2012-2013. Ces surstocks semblent effectivement réapparaitre. La demande étant nettement inférieure à l’offre, le déséquilibre tire les prix vers le bas.

    Il reste cependant difficile de conclure à une surproduction structurelle qui justifierait la mise en service de plusieurs unités exploitant cette ressource. Ce point de vue est partagé par certains consommateurs actuels de bois B. Notons que leur point de vue est à relativiser, car ceux-ci ne souhaitent pas nécessairement l’apparition de nouveaux projets consommant du bois B, apportant alors une concurrence sur l’approvisionnement et le prix.

    D’après les informations recueillies et notre analyse, il semble que l’offre soit supérieure à la demande. Il est cependant difficile d’évaluer à combien se chiffre cette quantité en surplus.


    * Spécificités liées au bois « B »

    Brûler du bois B impose des contraintes supplémentaires par rapport à la combustion de bois vierge en termes de permis, de traitement des fumées et de contrôles. En effet, l’installation sera considérée comme une unité de co-incinération de déchets et non pas comme une unité de combustion. Les installations doivent être adaptées, tant pour le stockage que pour l’incinération et le traitement des fumées.

    Plusieurs raisons expliquent pourquoi les projets biomasse intégrant le bois B ne sont pas plus nombreux.

    - Tout d’abord, il y a la crainte sur la garantie d’approvisionnement de cette filière bois B. En effet, l’impossibilité de garantir un approvisionnement sur une période suffisante pour permettre un retour sur investissements est un frein important au développement de nouveaux projets. L’obligation de reprise sur les meubles, instaurée en France, qui détournerait le flux ou encore les discussions sur l’évolution des limites entre les classes de bois B et C constituent des exemples de craintes légitimes.
    - Si l’approvisionnement peut être contrôlé par un porteur de projet, il n’en reste pas moins que les fluctuations à attendre sur le prix de la ressource, si elle est mise sous pression, créent une incertitude.
    - De même, l’incertitude sur l’avenir des certificats verts n’encourage pas le montage de nouveaux projets de cogénération au bois B.
    - Autre frein évoqué : le déclassement du statut des cendres issues de la combustion de bois B et le coût de traitement prohibitif qui en découlerait.
    - Il y a la question du dimensionnement minimal de l’installation, nécessaire à sa rentabilité. En effet, la taille minimale pour profiter d’économies d’échelle pour un nouveau projet est évaluée entre 30.000 et 40.000 tonnes de bois B consommé par an.
    - La complexité de tels projets, tant sur le plan de l’exploitation (contraintes réglementaires des émissions, des cendres,…) que sur le plan de l’approvisionnement


    * Soutien à la production d’électricité

    Le système de soutien à la production d’électricité renouvelable au moyen de certificats verts actuellement en vigueur permet de contribuer à la rentabilité de ce type de projet. Une enveloppe pour les nouveaux projets de 140.250 certificats (soit 9,1M EUR au prix d’achat garanti) est prévue en 2017 pour les projets biomasse (tous types de bois). Aucun projet n’a été rentré. Actuellement, une enveloppe de 92.000 certificats verts est prévue pour cette filière en 2018 et des enveloppes de 62.000 certificats verts entre 2020 et 2024.


    * Retour des intercommunales

    Plusieurs projets sont ou ont été à l’étude par des intercommunales, en partenariat avec des industries : Ipalle (cogénération industrielle) ; IBW (chauffage urbain) ; idelux ; BEP (cogénération industrielle). Il est évident que ce surstock de bois B depuis quelques années suscite l’intérêt de plusieurs acteurs.

    Les intercommunales collectent une quantité importante de bois B dans les RecyParcs. Certains autres acteurs, comme le Bureau économique de la province de Namur (BEP), sont également actifs dans la production de plaquettes au départ de bois de classe B.

    Dans le cas du BEP, celui-ci gère lui-même son gisement et l’activité de revente de bois B. C’est-à-dire que le BEP dispose d’un broyeur et peut donc directement fournir des plaquettes issues de bois B. Celui-ci traite environ 35.000 tonnes de bois B brut par an. Cela lui permet de produire environ 30.000 t/an de plaquettes (une fois les ferrailles et le bois non conforme enlevés de la quantité brute récoltée). L’objectif du BEP est d’établir des partenariats sur le long terme. Ce qu’ils ont réussi à faire concernant 20.000 t/an de plaquettes, destinées à deux clients wallons. Les 10.000 tonnes résiduelles trouvent majoritairement preneurs à l’export, mais le prix est défavorable depuis quelques années.

    La situation est plus compliquée pour les intercommunales comme IBW qui ne possèdent pas l’équipement de production. Celles-ci doivent alors payer un repreneur pour le bois B et s’occuper de sa mise en plaquette. Le coût demandé par le sous-traitant pour prendre en charge ce bois B est assez élevé (les coûts évoqués varient de 50 à 80 euros/t), ce qui reviendrait presque au même coût à supporter par l’intercommunale pour évacuer ce bois B en incinération. C’est pourquoi dans certains cas, vu le manque de débouchés, ce bois B est dévié vers la catégorie « encombrant mixte combustible ».


    * Projets industriels existants
    Ces 6 installations sont certifiées par la CWaPE pour la production d’électricité à partir de bois B :
    * Recybois (Latour)
    * WoodEnergy / Valorbois (Thimister-Clermont)
    * Enerwood (Dison)
    * Renogen (Kaiserbaracke)
    * Moulin Schyns (Battice)
    * Gazenbois (Xylowatt, Tournai)

    Dans cette liste, RecyBois (consommant 50.000 t de bois B/an) et WoodEnergy, deux filiales du Groupe François, sont actives dans l’industrie du bois.

    L’entreprise Carmeuse utilise également du bois B pour ses fours à chaux (pas de production d’électricité).

    L’entreprise Xylowatt annonce l’utilisation future de bois B dans son unité de gazéification pour cogénération du CHU UCL Namur de Mont-Godinne.

    Un projet du groupe Kronospan (producteur de panneaux de bois) est également évoqué concernant une unité de cogénération alimentée au bois B et située au Grand-Duché du Luxembourg. Cette unité consommerait environ 300.000 t/an de bois B. Cependant, aucune confirmation sur la réalité de ce projet n’a pu être obtenue. Si ce chiffre de consommation se confirme, cela risque néanmoins de fortement drainer la ressource dans les pays limitrophes.


    * Conclusion

    Le bois B fait partie des sources renouvelables et constitue un gisement intéressant qu’il convient de mobiliser de manière raisonnée en vue d’atteindre nos objectifs climatiques et renouvelables. Nous veillerons dans les mois qui viennent à identifier les obstacles à la réalisation de projets en assurant la prise en compte de leurs bassins d’approvisionnement afin de prévenir toute forme de surconsommation. À priori nous pensons qu’il pourrait être judicieux pour la Wallonie de se doter de nouveaux outils énergétiques alimentés par du bois B.