/

La remise en cause du modèle de croissance économique par la transition énergétique

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2017
  • N° : 110 (2017-2018) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 13/12/2017
    • de STOFFELS Edmund
    • à CRUCKE Jean-Luc, Ministre du Budget, des Finances, de l'Energie, du Climat et des Aéroports

    Selon des chercheurs de l'UCL, la transition énergétique implique une remise en cause du modèle de croissance économique continue.

    Ce rapport «Transition énergétique et (dé)croissance économique » est très intéressant et interpellant à plusieurs égards.

    Selon cette étude, si l'on veut maintenir le niveau de vie actuel (donc la même quantité d'énergie disponible) en passant à du 100 % vert, il faudra donc passer par une réduction de la consommation.

    Le résumé mentionne notamment : « Les deux contributions visent avant tout à éveiller la prudence à l'égard d'un certain «optimisme technologique» suggérant que la transition énergétique pourrait se révéler sans douleur pour la croissance économique grâce au seul développement tous azimuts des énergies renouvelables.
    Le message implicite qui en découle est que pour favoriser une transition «en douceur», des changements de comportements à grande échelle sont nécessaires (par exemple, en matière de transport).
    Ce qui précède pose la question des conséquences de tels changements de comportements sur l'économie, et en particulier sur le PIB et la croissance. Une autre question concerne le rôle que les pouvoirs publics devraient jouer dans la stimulation de ces changements. A notre connaissance, il s'agit là de questions qui restent largement ouvertes. ».

    Ce genre d'analyse dans le contexte actuel où des décisions importantes doivent être prises en matière de politique énergétique doit nous interpeller dans la manière d'envisager « notre » transition énergétique.

    Quelle est l'analyse de Monsieur le Ministre, sa grille de lecture de cette étude par rapport à la politique énergétique de la Wallonie ?

    Il a annoncé vouloir « réformer » les aides en matière d'énergie renouvelable, de fixation de nouveaux quotas, de modifier le décret électricité… Pense-t-il que tout cela peut répondre aux problématiques soulevées ?
  • Réponse du 19/12/2017
    • de CRUCKE Jean-Luc

    L’étude faite par l’Université catholique de Louvain sur l’impact de la transition énergétique sur la croissance économique est relativement intéressante et vient nourrir, à sa façon, un débat en place depuis des années.

    La transition énergétique est devenue, au fil des années, un enjeu majeur tant au niveau politique, qu’économique, environnemental et humain. La crise économique de 2008 et la catastrophe de Fukushima en 2011 ont mis en lumière un phénomène jusqu’alors latent, à savoir la forte dépendance de l’Europe à ses importations énergétiques. La crise économique de 2008 a ainsi montré la faiblesse de notre économie alors que le cours du pétrole augmentait. Le constat a été implicitement renforcé suite à la catastrophe de Fukushima où la volonté de s’affranchir de l’énergie nucléaire a été considérablement renforcée.

    L’étude de « Backasting 2050 », menée par le Bureau fédéral du Plan, le VITO et l’ICEDD en conséquence de Fukushima, sans avoir eu d’impact politique notable, a mis en lumière la possibilité d’avoir une Belgique essentiellement renouvelable à l’horizon 2050 avec des secteurs majoritairement décarbonés.

    Nous sommes effectivement conscients que l’accroissement de la production d’électricité de sources renouvelables avec ses limitations technologiques, que la volonté de plus en plus marquée d’électrifier de nombreux secteurs (comme le transport ou la production de chaleur) et que la fin programmée par le fédéral des centrales nucléaires belges à l’horizon 2025 vont induire une équation extrêmement complexe qu’il conviendra de résoudre de manière intelligente en vue d’éviter toute dépréciation du niveau de vie de nos concitoyens tout en garantissant aux secteurs économiques un haut niveau de compétitivité.

    Pour rappel, la question est devenue extrêmement sensible au niveau européen et a entrainé une remise à plat des différents textes réglementaires en la matière sous l’impulsion de la Commission Juncker. Ces divers textes doivent permettre de répondre au mieux aux défis qui attendent l’Europe d’ici à 2030 et au-delà en proposant un cadre réglementaire qui permette de garantir à l’Europe son niveau de compétitivité en maximisant ses potentiels technologiques.

    Dans ce contexte, la Wallonie sera devant un défi immense par rapport à ses objectifs de décarbonation de l’économie au sens large. Notre configuration démographique, la disponibilité des ressources (dont les surfaces au sol), le niveau de vie que nous connaissons sont autant de paramètres qui influeront sur notre capacité à réduire drastiquement nos émissions de GES. Les perspectives de décarbonation du secteur électrique, même si elles restent ambitieuses, peuvent être appréhendées sans aucun problème. La décarbonation des secteurs de la chaleur et du transport sont par contre plus délicats et nécessiteront des changements importants. Le changement majeur est d’ordre technologique et économique, mais il convient de ne pas négliger le changement comportemental au sens le plus étendu du terme.
    Chacune de nos activités, chacun de nos gestes génère un impact sur l’environnement et plus spécifiquement sur le climat. Les biens que nous consommons, notre alimentation, les équipements que nous achetons et la distance parcourue pour les obtenir, nos déplacements sont autant de sphères qui ont un impact sur les émissions de GES.

    La diminution de nos émissions par ce biais doit être prise en compte dans les politiques énergétiques, même si elle est difficile à chiffrer. Si en matière technologique certaines révolutions sont possibles, en matière comportementale nous parlerons plutôt d’évolution. Il n’est pas question de bouleverser le système par un changement radical de nos habitudes, mais bien d’assurer une prise de conscience progressive pour une adaptation plus sur le long terme. La communication et la diffusion d’information sont à cet effet essentiel. Il fait partie de la politique à mener de continuer à sensibiliser. Par ailleurs, en tant que consommateurs, nous agissons comme des agents économiques. Le prix est dès lors un facteur déterminant sur les choix que nous porterons. C’est la raison pour laquelle nous estimons qu’une forme d’internalisation des externalités, ou pour le dire autrement l’application du pollueur-payeur, est un outil économique fondamental qui conduira progressivement à adapter l’ensemble de nos modes de consommation et notre comportement.

    Atteindre les objectifs de décarbonation de notre économie nécessitera d’articuler de nombreuses mesures, tant comportementales, qu’économiques et techniques. C’est également une des raisons pour lesquelles, en matière de Recherche et Innovation il nous semble important de consacrer des moyens à la recherche sociétale, également pour toucher et sensibiliser l’ensemble de la population, et certainement les plus vulnérables.

    Afin de mener au mieux la réflexion et de poser les premiers jalons de la transition énergétique en définissant des objectifs ambitieux à l’horizon 2050, moi-même et mes collègues des autres Régions et du Gouvernement fédéral finalisons le Pacte énergétique afin de dresser les grandes lignes qui guideront le proche avenir énergétique belge. Avec l’adoption avant 2020 du Plan national pour l’Énergie et le Climat, nous devrons répondre efficacement à cet enjeu en prenant des mesures résolument volontaires pour répondre au nouveau contexte énergétique régional, national et européen. C’est dans ce cadre et à l’aune des nouvelles dispositions en cours de négociations au niveau européen que nous devrons mener nos politiques futures.

    En conclusion, les défis sont importants, mais nous avons confiance qu’une combinaison ajustée entre comportemental et technologique nous permettra d’atteindre nos objectifs climatiques.