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La lutte contre le radicalisme

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2017
  • N° : 145 (2017-2018) 1

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  • Question écrite du 13/12/2017
    • de MOTTARD Maurice
    • à DE BUE Valérie, Ministre des Pouvoirs locaux, du Logement et des Infrastructures sportives

    L'appel à projets 2018 « prévention de la radicalisation violente » devrait être validé. Deux millions d'euros de subsides devraient être attribués en vue de l'année prochaine.

    Cela devrait permettre aux communes qui le souhaitent de présenter des projets de lutte contre la radicalisation, et d'obtenir des budgets pour les mettre en place. Un Plan radicalisme avait déjà été initié par le Gouvernement précédent.

    Puis-je demander à Madame la Ministre de nous dresser un bref bilan des mesures mises en place par ses prédécesseurs ? Ont-ils porté les fruits que l’on attendait ?

    On prévoit de créer des plateformes de concertation pour réunir un groupe de personnes formées pour détecter les phases de radicalisation, échanger l'information et lutter contre ce phénomène.

    Différents acteurs communaux pourront participer à ces formations pour adhérer à la plateforme : les agents communaux, les assistants sociaux, les travailleurs des CPAS, ou encore les policiers, mais aussi des instituteurs, professeurs, ou infirmières !

    Qui prendra l’initiative de créer un tel cadre mettant en place des plateformes de formation et de concertation ?

    Qui accompagnera les plateformes sur un plan scientifique ?

    Y aura-t-il suffisamment de moyens pour permettre à toute commune candidate d’y adhérer ?
  • Réponse du 03/01/2018
    • de DE BUE Valérie

    Le Gouvernement wallon a décidé de consacrer annuellement 2 millions d’euros, à partir de 2016, à soutenir des projets spécifiques de prévention du radicalisme dans les communes qui mettent en œuvre un PCS, mais qui ne sont pas reconnues dans le cadre la politique des grandes villes (PGV).

    Au départ de ses compétences, la volonté du Gouvernement est de favoriser un climat de confiance et d’apporter des réponses durables à la détresse des familles et aux causes de la radicalisation, dans le respect des valeurs fondamentales du vivre ensemble.

    Un premier appel à projets a permis de subventionner 24 projets, dont celui de la commune de Dison, se déroulant du 1er décembre 2016 au 30 novembre 2017 pour un montant total de 1.358.890 euros.

    Des visites ont été organisées par la Direction interdépartementale de la Cohésion sociale (DiCS), sur une même méthodologie (guide d’entretien), de manière à pouvoir fournir un avis au Gouvernement wallon sur le déroulement des projets en cours, sans attendre leur clôture.

    Les 24 communes et partenaires concernés ont également rentré un rapport d’activités en date du 27 octobre 2017 à la DiCS, laquelle m’a fait parvenir son évaluation le 14 novembre dernier.

    Le nouvel appel à projets, s’inspirant des recommandations de cette évaluation, a été approuvé par le Gouvernement wallon en date du 7 décembre 2017. Les communes ont à nouveau l’opportunité de répondre à ce nouvel appel à projets pour le 19 janvier 2018.

    Lancé dans le cadre des Plans de cohésion sociale, celui-ci a pour objectif de prévenir la radicalisation violente en favorisant la cohésion sociale.

    Pour y répondre, les communes devront en effet disposer d’une plateforme de concertation pluridisciplinaire sur le territoire (supra)communal, réunissant des représentants de la/des commune(s) (en ce compris le coordinateur du projet radicalisme), du/des CPAS, de la Police (référent radicalisme et police de proximité) et tout partenaire jugé pertinent en lien avec la thématique de la prévention de la radicalisation violente (imams, maisons de jeunes, secteur de l’Aide à la jeunesse, écoles, centre régional d’intégration, …). Des représentants de certaines communautés peuvent aussi être associés à la réflexion. L’objectif de cette instance est notamment de : favoriser le contact entre services, l’échange de vues, la circulation de l’information ; dégager des solutions ou explications communes ; permettre l’identification précoce de la radicalisation. Si une CSIL a été créée sur le territoire communal ou supra-communal, celle-ci sera d’office la plateforme de concertation. Le fonctionnement de la plateforme devra être régi par un protocole de collaboration ou une charte qui permettront de régler les questions de secret professionnel et de déontologie. Ce document précisera les objectifs poursuivis, les coordonnées et mandats des membres, la fréquence des réunions et la manière dont les informations pourront être échangées. Un diagnostic devra également avoir été fait. Un modèle est d’ailleurs mis à disposition des communes concernées.

    Chaque commune dont le projet sera retenu pourra bénéficier d’un subside compte tenu des crédits disponibles et au regard des fonds nécessaires à sa mise en œuvre.

    J’en viens maintenant au bilan réalisé dans le cadre du premier appel à projets.

    D’emblée, il convient de souligner que l’appel à projets lancé en 2016 était une première pour la Wallonie et s’apparente dès lors à un projet-pilote, laboratoire d’expérimentation, nécessitant au final des ajustements.
    Si l’on excepte quelques cas isolés, la matière de la prévention du radicalisme était aussi relativement neuve pour les communes et leurs acteurs locaux, chargés de la rédaction d’un projet. Peu de communes ont pu s’appuyer sur un diagnostic local qui soit en lien direct avec la thématique.

    Dès lors, nombre de projets s’inscrivaient principalement ou partiellement dans l’axe bien vivre ensemble plutôt que dans l’axe prévention du radicalisme. En même temps, les deux notions figuraient dans l’intitulé de l’appel à projets.

    À titre indicatif, suite aux visites de suivi, il apparaît que 61 % des projets développés font état d’une problématique de radicalisation ou d’un constat de repli identitaire de certaines communautés, sans pouvoir en mesurer l’ampleur.

    Concernant le démarrage des projets, la mise en œuvre des projets a souvent été retardée pour divers motifs : la subvention ayant été notifiée le 11 janvier 2017, une modification budgétaire a dû être opérée ; les procédures d’engagement de personnel ou de marchés publics ont pris du temps.

    En ce qui concerne la gestion des projets, on constate que 16 communes ont engagé spécifiquement du personnel dans le cadre de ce projet. Les personnes recrutées (24 personnes pour un total de 19,75 ETP) ne disposent pas toujours d’une expérience probante. Bien que la plupart des coordinateurs de projets aient assisté à la journée de sensibilisation organisée par la DiCS le 16 janvier 2017 et disposent d’une expertise en gestion de projet, à tout le moins ceux qui sont chefs de projet du PCS, il n’est pas avéré qu’ils disposent de connaissances suffisantes en matière de prévention du radicalisme. Certains se documentent en lisant des ouvrages et des articles sur le sujet, d’autres font remarquer qu’ils passent pas mal de temps à chercher des formations pertinentes et valorisables dans leurs pratiques de terrain. D’autres ne se forment pas ou envoient préférentiellement les travailleurs de terrain à des formations.

    Les partenaires associés au projet sont souvent ceux que l’on retrouve dans les PCS (AMO, SLSP,FOREm...). Des partenaires spécifiques en matière de radicalisation comme la police ou encore les imams ne sont pas toujours identifiés et/ou sollicités.

    Des personnes présentant un risque de radicalisation sont présentes sur le territoire de certaines communes, mais leur nombre n’est pas toujours connu. Les partenaires de terrain relaient avoir des difficultés à entrer en contact avec elles (soit car inconnues, soit parce que ne fréquentent pas les structures locales (maisons de jeunes, de quartier, …).

    Dans d’autres communes, les acteurs en charge du projet ont perçu des propos et des comportements plus radicaux au sein de la communauté musulmane (en lien avec la religion et ses codes). Ces éléments démontrent également la nécessité de mener des projets préventifs. De nombreux travailleurs de terrain indiquent ne pas être en capacité de détecter si quelqu’un est en cours de radicalisation alors que certaines formations pratiques sont orientées sur la détection des signes de radicalisation.

    Il apparaît que la plupart des actions sont des actions de sensibilisation généraliste et s’adressent souvent au « tout public ». Les actions d’accroche ou les actions plus concrètes ciblent le plus souvent les jeunes (12-17 ans). Le public adulte et les familles sont dans une moindre mesure impactés. Or, tout un travail d’écoute et de soutien de ces familles confrontées au risque de radicalisation d’un des leurs pourrait être mené.

    Les actions sont généralement réalisées au départ d’une conférence, d’une pièce de théâtre ou d’un documentaire, suivis d’un débat. On retrouve aussi des sensibilisations et/ou formations pour les professionnels de première ligne, ce qui pour les équipes a du sens dans un souci de cohérence (= parler tous de la même chose).

    Parmi les projets davantage centrés sur la prévention du radicalisme, il est avéré que la phase d’accroche des publics à risque, voire des familles, est indispensable pour développer des actions plus précises. Or, cette phase d’accroche – la nécessaire construction du lien de confiance – prend du temps. Certaines ASBL de terrain à Molenbeek, œuvrant dans le champ de la prévention du radicalisme, ont mis plusieurs années à construire cette relation de confiance avec certaines familles. Il ne faut dès lors pas s’étonner qu’il y ait aussi peu d’actions concrètes au cœur du sujet.

    Les quelques actions plus concrètes menées s’inscrivent dans le champ de la prévention primaire (= tout public). Des actions de prévention secondaire (= ciblant des publics spécifiques présentant un risque) semblent prématurées ou trop difficiles à mettre en place d’emblée.

    Pour terminer, il convient de rappeler que la radicalisation concerne tous les milieux sociaux, qu’elle est généralement rapide et s’effectue en dehors des circuits conventionnels. Malgré le développement de projets préventifs, on n’est donc pas à l’abri de cas de radicalisation. Ce n’est pas pour autant que les projets développés sont mauvais ou présentent des failles.

    C’est pour tenir compte de cette évaluation que le nouvel appel à projets met l’accent sur la présentation de projets qui viseront prioritairement des actions destinées à former les membres de la plateforme de concertation et les professionnels de 1re ligne susceptibles d’être en contact direct avec un public présentant un risque de radicalisation.

    Des projets complémentaires pourront également cibler, selon les besoins identifiés dans le diagnostic, des actions d’accroche (ex. travail de rue) ou plus spécifiques (ex. ateliers de réflexion visant à développer l’esprit critique face aux médias et aux réseaux sociaux pour résister aux tentatives d’endoctrinement) avec un public identifié comme présentant un risque de radicalisation et les familles concernées.