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La mise en oeuvre de la résolution du Parlement wallon du 18 juin 2017 visant à lutter contre les discriminations en matière de logement

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2018
  • N° : 184 (2017-2018) 1

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  • Question écrite du 22/01/2018
    • de HAZEE Stéphane
    • à DE BUE Valérie, Ministre des Pouvoirs locaux, du Logement et des Infrastructures sportives

    En date du 11 juillet 2017, j'avais adressé au prédécesseur de Madame la Ministre une question écrite au sujet de la résolution adoptée par le Parlement wallon, le 28 juin 2017, visant à lutter contre les discriminations en matière de logement. Son prédécesseur n'a toutefois pas eu l'occasion d'y répondre avant la chute du Gouvernement wallon et je la lui adresse par conséquent.

    Je souhaite, en effet, interroger Madame la Ministre quant à la mise en œuvre de cette résolution.

    La résolution nous rappelle, dans ses considérants, que l'ancienne DPR visait un Plan de lutte contre les discriminations en collaboration avec le Centre interfédéral pour l'égalité des chances, le SNP, le SNL et les SLSP.

    Madame la Ministre peut-elle m'informer de ce qu'ont donné ces collaborations ?

    Cette action à travers des clients-mystères annoncée par ses prédécesseurs a-t-elle été concertée avec les services de son administration ?

    Le lancement a-t-il concrètement été réalisé ? Une formation a-t-elle été prévue ?

    Comment les rôles ont-ils été prévus entre les agents clients-mystères et ceux qui dressent le constat d'infraction ?

    Quelle suite Madame la Ministre entend-elle donner à cette démarche ?
  • Réponse du 13/02/2018
    • de DE BUE Valérie

    II a été constaté sur le marché locatif privé l’existence de pratiques discriminatoires de la part de certains bailleurs qui écartent des candidats locataires en raison de leur couleur de peau, de leur statut d’allocataire social, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur âge, etc.

    Consacré par l’article 23 de la Constitution, le droit au logement ne peut tolérer ces traitements inéquitables qui touchent principalement les locataires les plus fragiles.

    La lutte contre les discriminations est consacrée par plusieurs instruments, dont la loi du 10 mai 2007.

    Sont visées aussi bien les discriminations directes, comme l’annonce locative stipulant « Pas de locataires CPAS » ou « Étrangers s’abstenir » que les discriminations indirectes.

    Les discriminations indirectes se produisent lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique, apparemment neutre, est susceptible d’entraîner, par rapport à d’autres personnes, un désavantage particulier pour des personnes caractérisées par l’un des critères protégés.

    Toute inégalité de traitement doit objectivement être justifiée par un but légitime et pour autant que les moyens de réaliser ce but soient appropriés et nécessaires.

    C’est pourquoi le projet de décret relatif au bail d’habitation que je viens de déposer dans cette enceinte précise le type de renseignements qui peut être demandé à un candidat locataire.

    Il est tout d’abord rappelé un principe fondamental, celui du libre choix du preneur par le bailleur.

    Le libre choix du bailleur ne peut cependant s’exercer sans limites et l’amener à discriminer d’éventuels potentiels locataires. Ainsi, le projet de décret dispose que le bailleur choisit le preneur librement, mais sans discrimination au sens du décret du 6 novembre 2008 relatif à la lutte contre certaines formes de discrimination.

    Plus précisément, en matière de logement, ce décret interdit toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la nationalité, une prétendue race, la couleur de peau, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, toute discrimination basée sur le sexe et les critères apparentés que sont la grossesse, l’accouchement et la maternité, ou encore le transsexualisme et le changement de sexe et toute discrimination directe ou indirecte fondée sur l’âge, l’orientation sexuelle, l’état civil, la naissance, la fortune, la conviction religieuse ou philosophique, la conviction politique, la langue, l’état de santé actuel ou futur, un handicap, une caractéristique physique ou génétique, l’origine sociale ou la conviction syndicale.

    À cette fin, sur base du travail réalisé en la matière par UNIA (Centre interfédéral pour l’égalité des chances) et sur base de la recommandation de la Commission de la protection de la vie privée aux bailleurs et agents immobiliers relative au traitement des données des candidats locataires (SE/08/128) n°1/2009 du 18 mars 2009, une liste des données pouvant être sollicitées par le propriétaire à un candidat-preneur en vue de procéder à la sélection et à la conclusion du contrat de bail est établie.

    Les justificatifs afférents aux ressources financières dont dispose le candidat preneur peuvent prendre la forme d’extrait de compte par exemple, ou encore de fiche de paie.

    Le bailleur peut également solliciter l’état civil des preneurs, s’ils sont mariés ou cohabitants légaux entre eux. La Commission de la vie privée, dans son avis 01/2009, précise que recueillir ces données n’est pas disproportionné vu les droits que l’article 215 du Code civil prévoit au profit du conjoint ou cohabitant légal (p. 10, point 51).

    Le bailleur peut également demander au candidat-preneur la preuve de paiement des trois derniers loyers à l’instar de ce qui est prévu par UNIA (centre interfédéral de lutte contre les discriminations et pour l’égalité des chances) dans son formulaire type de candidat-locataire mis en ligne et à disposition de l’Institut professionnel des agents immobiliers (IPI).

    Aucune autre donnée ne pourra être sollicitée et recueillie par le bailleur sauf si cette production est justifiée par des motifs sérieux et proportionnés avec la finalité poursuivie. À titre d’exemple, un propriétaire pourrait solliciter du preneur le numéro de la plaque d’immatriculation du véhicule si un garage est mis à sa disposition, que celui-ci est détenu en copropriété et fait l’objet d’une surveillance.

    En outre, il est également prévu que les opérateurs immobiliers publics (et notamment les Sociétés de logement de service public) puissent solliciter des informations complémentaires afin de leur permettre d’exercer leur mission de service public définie par le Code wallon du logement et de l’habitat durable.

    Bien qu’il soit prévu que cet article soit d’ordre public, cela n’empêchera nullement un candidat-preneur de fournir librement des informations ou documents complémentaires à ceux demandés par le bailleur. Un bailleur qui les examinerait ne contreviendrait pas à cet article.

    En ce qui concerne des opérations de type « client-mystère », il convient de relever l’avis du Conseil d’État sur le sujet. En effet, dans son avis n°61.228 portant sur l’avant-projet de décret adopté par le précédent Gouvernement en deuxième lecture, le Conseil d’État a indiqué que « les dispositions que peut prendre le Gouvernement sont nécessairement de nature à emporter des ingérences dans le droit au respect du domicile et dans le droit au respect de la vie privée et familiale, que garantissent respectivement les 15 et 22 de la Constitution. Il appartient au législateur de fixer lui-même les règles essentielles à respecter en la matière, et non pas de se limiter à charger le Gouvernement de définir des modalités particulières de contrôle du respect de l’article 1762ter en projet ».

    Aussi, étant donné ces inquiétudes soulevées par le Conseil d’État eu égard au respect de certains droits fondamentaux et le fait qu’aucun acteur n’ait été en mesure de développer un dispositif à la fois praticable et rencontrant toute la sécurité juridique requise, il est jugé préférable de ne pas instaurer ce type d’opérations à ce stade. Je suis toutefois ouverte pour poursuivre avec UNIA la réflexion sur l’instauration éventuelle de « contrôles-mystères » qui répondraient à toutes les exigences développées ci-devant.