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La coordination internationale et interrégionale en matière d'énergies renouvelables

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2018
  • N° : 141 (2017-2018) 1

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  • Question écrite du 23/01/2018
    • de STOFFELS Edmund
    • à CRUCKE Jean-Luc, Ministre du Budget, des Finances, de l'Energie, du Climat et des Aéroports

    J'ai entendu dans la presse que les négociateurs d'un Gouvernement fédéral en Allemagne prennent de la distance par rapport à l'accord de Paris. Dans l'affirmative, c'est une très mauvaise nouvelle pour la lutte contre le réchauffement climatique. Et c'est une nouvelle qui impactera nos politiques en la matière.

    Quelles sont donc les informations de Monsieur le Ministre à ce sujet ? Et le cas échéant, quelles seraient les conséquences sur notre politique climatique ?

    Par ailleurs, la directive européenne ne se montre pas assez réticente à l'utilisation du bois comme source d'énergie renouvelable. Si on utilise du bois, on enlève des arbres de l'écosystème. Il faut encourager l'éolien, le solaire, mais le bois comme source d'énergie pose problème. N'est-il pas indiqué que la Wallonie, en s'associant avec d'autres Régions, fasse remonter vers l'UE le questionnement relatif à un usage excessif de la filière bois-énergie,  que ce soit sur le plan des effets sur le climat, ou encore en termes d'impact en matière de ressources pour faire fonctionner la filière industrielle du bois ?

    En d'autres termes, il me semble qu'à l'occasion des COP successives,  on met toujours à l'avant-plan la coordination des efforts et des stratégies sur le plan international, mais qu'on « oublie » qu'entre ces dates, la coordination internationale et interrégionale doit aussi fonctionner – ne fusse qu'au niveau des Régions avec lesquelles nous avons des rapports privilégiés tels que la Grande Région ou d'autres.

    Monsieur le Ministre a-t-il l'impression qu'à ce niveau, la Wallonie se fait suffisamment entendre ? Ou doit-on, à ses yeux, intensifier les efforts en matière de diplomatie interrégionale afin de mieux peser sur les décisions et non-décisions de l'UE en matière d'énergies renouvelables et d'URE ?
  • Réponse du 15/02/2018
    • de CRUCKE Jean-Luc

    Suite à la question de l’honorable membre sur l’état des lieux et le soutien de la biomasse en Région wallonne et sur le courrier de scientifiques adressé aux députés européens, voici certaines informations susceptibles de préciser la situation.

    Les fuites qui se sont retrouvées dans la presse sur les négociations pour la formation gouvernement en Allemagne ne font nullement état à ce stade que l’Allemagne souhaiterait prendre de la distance par rapport à l’accord de Paris en tant que tel, ni même par apport à ses objectifs qui lui sont assignés au niveau européen. En revanche, il est vrai que l’Allemagne éprouve des difficultés pour atteindre les objectifs climatiques qu’elle s’est elle-même fixés à l’horizon 2020 et 2030 qui vont au-delà de ses objectifs européens. Par conséquent, les pourparlers internes laisseraient entendre que ces objectifs nationaux pourraient être revus à la baisse. Rappelons que la sortie du nucléaire à 2022 aura pour conséquence l’usage renforcé de lignite et charbon, ce qui contribue à cette difficulté en termes d’émissions de GES. Cela n’a donc pas de conséquence directe sur les objectifs européens actuels, mais pourrait le cas échéant en avoir dans le futur, lorsqu’il sera potentiellement question de revoir ces objectifs à la hausse.

    Il y a donc beaucoup de spéculations à ce stade par rapport à cette question.  Dans tous les cas de figure, cela ne modifie en rien la trajectoire que nous nous sommes fixée dans le cadre du pacte et que nous élaborerons de manière plus précise dans le cadre de notre feuille de route à 2030.

    Pour rappel, la proposition de révision de directive renouvelable est actuellement en négociation au niveau européen. Ce texte fixe notamment les objectifs à atteindre à l’horizon 2030 ; elle amende également le volet « bioénergies » pour mieux encadrer le secteur. Elle fixe des exigences en termes d’origine durable de l’ensemble de la biomasse (y compris la biomasse solide) et de niveaux de performance à atteindre en termes d’économie de CO2.

    Récemment, un collectif de scientifiques a exprimé le souhait que ce cadre aille encore plus loin, en excluant la possibilité d’utiliser des arbres entiers (bois ronds) pour produire de l’énergie. Leur crainte est que, sans cela, une utilisation déraisonnable des forêts apparaisse avec un impact négatif sur le cycle du carbone.

    Cela dit, la question divise, aussi dans le milieu scientifique.
    Reprenant des extraits du communiqué de presse du facilitateur bioénergie, voici les arguments qu’il nous semble important de mettre en avant à propos de cette problématique.

    Insistons d’abord sur un élément positif et de consensus : les scientifiques, auteurs de cette tribune, reconnaissent que l’utilisation du bois-énergie au départ de coproduits de l’industrie du bois et de résidus forestiers est vertueuse. Utiliser ce bois-énergie pour remplacer du combustible fossile permet de réduire les émissions de CO2. Parce que sa densité énergétique est inférieure à celle du charbon, le bois émet plus de CO2 pour la production d’une même quantité d’énergie. Toutefois, une différence majeure réside dans la réversibilité du relargage de carbone : avec le charbon, les émissions sont irréversibles alors qu’avec le bois, le CO2 émis lors de la combustion sera recapté par la suite à condition que la forêt soit gérée durablement. Les acteurs wallons de la filière s’inscrivent dans cette logique d’utilisation des coproduits et des résidus. Cela a d’ailleurs été confirmé dans le cadre de GT tenus en 2014 et 2015 et qui ont proposé au Gouvernement des « recommandations pour l’élaboration d’une stratégie wallonne ‘biomasse-énergie’ », approuvée par le GW en séance du 21 avril 2016. Il y est clairement stipulé que les grumes (malgré la tâche difficile de définir ce terme) ne peuvent être utilisés pour produire un combustible (plaquette ou pellet à des fins énergétiques).

    En page 65 : « Il est proposé d’exclure du régime de soutien par certificats verts l’utilisation de certains flux dans la filière énergétique. Cette liste négative ne doit constituer, en aucun cas, une interdiction de traitement.

    En matière de bois, le GT « Bois-Energie » propose de n’inscrire dans cette liste qu’un seul flux : les lots de bois (feuillus ou résineux) sain manufacturable (sciable, déroulable, tranchable) d’un diamètre supérieur à 10 cm (fin bout) sous écorce et de soumettre quelques flux à analyses complémentaires »

    En outre, le scénario catastrophe prédisant que, pour atteindre les objectifs énergétiques européens, les états membres et les industries vont se ruer sur les forêts afin d’y couper et brûler quantité d’arbres entiers est très peu probable pour plusieurs raisons.

    Premièrement, il ne serait économiquement pas viable d’acheter des bois de qualité afin de les réduire à l’état de combustible. La valorisation de ces bois en meubles, planches, etc. est bien plus intéressante qu’en énergie. En Belgique, le prix de vente en tant que bois d’œuvre est 3 à 8 fois supérieur. Il ne serait alors pas concurrentiel de payer ce prix élevé pour destiner ces bois à la production d’énergie.

    Deuxièmement, durant ces quinze dernières années en Europe, la part d’arbres récoltés en forêt directement destinés au bois-énergie est restée stable (+/- 20 %) alors que la consommation européenne de bioénergies a doublé sur cette même période. Une meilleure gestion des résidus et d’autres formes de bioénergies ont participé à ce résultat.

    Par ailleurs, la forêt européenne ne cesse de croître (+ 322.800 hectares chaque année).

    Qu’en est-il en Wallonie ?

    Chez nous, le bois-énergie est déjà indispensable dans notre mix énergétique renouvelable et est issu de coproduits de l’industrie du bois (nos pellets sont principalement produits au départ des sciures émises par l’activité des scieries), de bois non valorisables en sciage, tranchage et déroulage (bois trop petits, de dimension inadéquate, tordus, scolytés, présence d’entre écorces, défilement trop important, mauvaises qualités, etc.) ou encore de bois issus de l’entretien des bords de route ou d’espaces verts.

    À ce titre, la filière bois-énergie wallonne, basée principalement sur des ressources, transformations, et utilisations locales, est génératrice de richesses et d’emplois pour la Wallonie.

    Sur base de ces arguments, la Région wallonne et la Belgique ne se sont pas opposées à la proposition d’ajout de critères de durabilité pour la biomasse solide de la proposition de Directive renouvelable, car celle-ci offre les garanties nécessaires pour une gestion durable de la ressource bois à l’échelle européenne et internationale. Rappelons que pleinement incorporées dans le mix énergétique renouvelable, les bioénergies jouent un rôle central au côté des autres sources d’énergie renouvelable.

    Au vu des recommandations relatives à la stratégie bioénergies et particulièrement la liste négative telle que précitée, je ne verrais pas d’un mauvais œil de suivre le souhait du collectif de scientifiques en excluant la possibilité d’utiliser des arbres entiers (bois ronds) pour produire de l’énergie.

    Enfin, pour peser sur les décisions européennes, il faut que la Belgique prenne des positions et les relaie au niveau des instances de concertation européennes, notamment, les Energy Working Party et les Corepers. Pour ce faire, un processus de concertation intra belge a été mis en place et la Région wallonne assure le pilotage des négociations relatives à la proposition de Recast de la Directive renouvelable.

    Nous tenons également à souligner que la Région, par l’intermédiaire de la DGO4, prend part à de nombreuses collaborations interrégionales et internationales. Parmi celles-ci, on peut citer : la participation aux réunions de l’Agence internationale des énergies renouvelables (IRENA), la participation aux actions du Benelux, de la FEDARENE (la Wallonie en assure le rôle de trésorier), le pilotage du groupe de concertation belge relatif à la directive efficacité énergétique, une implication active dans des projets Interreg et LIFE.