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Le développement de la technologie "blockchain" sur le coût de l'énergie

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2018
  • N° : 144 (2017-2018) 1

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  • Question écrite du 24/01/2018
    • de DOCK Magali
    • à CRUCKE Jean-Luc, Ministre du Budget, des Finances, de l'Energie, du Climat et des Aéroports

    La technologie du « Blockchain » est en pleine expansion comme le montre la flambée actuelle du Bitcoin qui en est une de ses expressions. Les risques de bulles sur cette cryptomonnaie sont très élevés, mais même en cas d’éclatement, tous s’accordent à dire que la technologie du « Blockchain » à un grand avenir devant elle.

    Celle-ci est un protocole informatique qui s'apparente à une gigantesque base de données publique, sécurisée et partagée. Les blocs de transactions codés et authentifiés s'ajoutent les uns aux autres par ordre chronologique, formant une chaîne de blocs.

    En bref, c'est un livre de comptes tenu par tous, qui est infalsifiable, car pour modifier une information, il faudrait la changer en même temps chez tout le monde. Un problème majeur cependant est que tout ce processus requiert énormément de dépenses énergétiques.

    Aujourd'hui, l'électricité nécessaire pour la validation d'une transaction en bitcoin correspondrait à la consommation hebdomadaire d'un foyer américain, et la consommation énergétique annuelle liée au Bitcoin équivaut à celle du Nigéria (186 millions d’habitants). En effet, il existe une corrélation mécanique qui est directement liée à l'activité de minage propre au protocole "proof of work" sur lequel reposent des applications du « Blockchain », comme le Bitcoin. Ce n’est pas le cas de toutes les utilisations de cette technologie, mais ce n’est pas à négliger.

    Comment la Wallonie peut-elle anticiper ces évolutions dues à la technologie du « Blockchain » au niveau de sa consommation énergétique ? Une réflexion se construit-elle sur le sujet au niveau wallon ou/et fédéral ou/et européen ?
  • Réponse du 13/02/2018
    • de CRUCKE Jean-Luc

    L’émergence des « blockchains » est devenue une réalité croissante ces dernières années, elle ne constitue le plus souvent qu’une des faces visibles d’une réalité plus large : la digitalisation. La digitalisation de tous les secteurs d’activités, même les plus anodins, va générer un besoin énergétique accru pour gérer les bases de données nécessaires à ces activités.

    L’Agence internationale de l’Énergie a publié en 2017 une étude très intéressante sur le sujet : « Digitalization and Energy ». Actuellement, la demande énergétique de la gestion de bases de données représente, au niveau mondial, une consommation de 200 TWh annuels. Cette tendance ne devrait pas particulièrement croître d’ici à 2020, mais pourrait exploser au-delà avec quelques secteurs à très haut risque comme les véhicules autonomes connectés ou la gestion des maisons intelligentes.

    Les cryptomonnaies représentent un autre de ces secteurs à risque. La consommation énergétique liée à la gestion de celles-ci est en constante évolution et s’est fortement accrue avec les nombreuses spéculations liées à celles-ci. Ainsi, l’usage des cryptomonnaies, qui est quotidiennement évalué, est-il passé d’une consommation estimée à 15 TWh annuels à 46 TWh annuels ces six derniers mois. Cette estimation représente 0,2 % de la consommation énergétique mondiale annuelle. À titre de comparaison, la production nette d’électricité en Belgique était environ de 80TWh en 2016. Si le recours aux cryptomonnaies devait suivre une tendance similaire à celles des données internet sur une période de 10 ans, la consommation énergétique pourrait être multipliée par 20 d’ici 2030.

    Cette croissance de la digitalisation impliquera une réforme complète du paysage des data centers qui devront s’adapter à la complexité croissante générée par les opérations informatiques liées. Ainsi, ces data centers auront tendance, selon l’AIE, à se centraliser en devenant de plus en plus gros.

    La question de l’impact énergétique de la digitalisation ne sera pas si simple à gérer à un niveau purement local, qu’il soit régional, national ou même européen. Il dépendra essentiellement du ou des sites physiques où se situeront les serveurs permettant les transactions. En effet, même si la virtualité du service ou de la monnaie et leur dématérialisation sont importantes, la gestion n’en restera pas moins centralisée au niveau des mégaserveurs procédant aux opérations informatiques.

    À ce titre, un article du quotidien anglais « The Independent » daté de décembre dernier met-il en lumière une réelle problématique liée à cette digitalisation : l’impact climatique. « The Independent » relève ainsi qu’un des sites de gestion de crypromonnaies les plus importants au monde se situe en Chine et est alimenté par des centrales au charbon.

    La croissance de la digitalisation, comme celle de la gestion de la chaleur et du froid et du transport deviendront un enjeu futur majeur. Nous sommes convaincus que ces services pourront, au niveau local, offrir de réels bénéfices dans la gestion de la flexibilité énergétique. Une étude récemment clôturée sous l’impulsion de l’IWEPS et de mes services tend d’ailleurs à le confirmer dans un des scénarii développés. Mais il semble également acquis qu’une des plus grandes menaces liées à cette digitalisation extrême sera l’enjeu géopolitique qu’elle constituera de par la centralisation de sa gestion et de l’impact énergétique et, potentiellement, climatique qu’elle engendrera.

    Nous sommes donc conscients que les nouvelles technologies dont le « blockchain » fait partie engendreront une augmentation de la consommation énergétique et nous en tenons compte notamment lors de l’élaboration des plans énergétiques de demain tant au niveau régional que fédéral.