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La prise en charge des jeunes souffrant de troubles de santé mentale

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2018
  • N° : 210 (2017-2018) 1

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  • Question écrite du 24/01/2018
    • de BONNI Véronique
    • à GREOLI Alda, Ministre de l’Action sociale, de la Santé, de l’Egalité des chances, de la Fonction publique et de la Simplification administrative

    Selon certains professionnels du secteur de la santé mentale, de 10 à 20 % des jeunes adultes hospitalisés en psychiatrie n'auraient rien à y faire. Des chiffres qui effrayent et s'expliquent par différentes raisons.

    D'emblée, le manque de moyens pour les soins psychologiques ambulatoires est pointé du doigt. Peu de praticiens sont remboursés par l'INAMI et les consultations privées coûtent cher. Les personnes en demande d'aide se tournent donc rapidement vers les hôpitaux.

    On retrouve également dans ces hôpitaux des jeunes présentant un double diagnostic, soit des jeunes qui n'ont pas suffisamment de handicap ou de pathologie mentale pour être pris en charge, mais qui semblent, en l'état, incapables de s'intégrer à la société...

    Finalement, il semble que peu de jeunes souffrent au départ de pathologies psychiatriques pures. Il s'agit parfois de jeunes qui rencontrent des difficultés, liées à un événement particulier (rupture sentimentale, échec scolaire...) et pour qui on a peu de réponses thérapeutiques à donner. Ces hospitalisations peuvent de surcroît durer longtemps, faute de relais extérieur.

    Ces hospitalisations ne sont pas sans risque. En effet, si on ne parvient pas à accorder à ces jeunes une prise en charge adaptée, on ouvre la porte à d'autres troubles. Par ailleurs, il y a un risque de surmédication puisque, pour se prémunir de tout incident, à l'hôpital, on commence par donner généralement des traitements lourds qu'on diminuera par la suite.

    Quelle réponse peut-on donner à ces jeunes en difficulté, certes, mais sans trouble psychiatrique qui sont pourtant hospitalisés ?

    Existe-t-il des structures résidentielles à caractère thérapeutique sur du long terme pouvant accueillir des jeunes ?

    L'offre d'habitations protégées est-elle suffisante ?

    D'autres initiatives, hors hospitalières, pour venir en aide à ces jeunes sont-elles soutenues ?
  • Réponse du 13/02/2018
    • de GREOLI Alda

    Comme l'honorable membre le souligne dans sa question, des jeunes sont parfois hospitalisés en psychiatrie alors qu'ils ne présentent pas de troubles psychiatriques graves, mais plutôt une accumulation de problèmes, psychiques, scolaires, sociaux, familiaux, couplés parfois avec une déficience intellectuelle. Ces hospitalisations peuvent être inutilement longues, faute d'autres solutions de prise en charge dans le milieu de vie. Il ne faut toutefois pas en faire une généralité.

    Pour répondre à ces cas particuliers et pour favoriser les prises en charge dans le milieu de vie, la nouvelle politique en santé mentale pour les enfants et adolescents a été élaborée et validée en 2015 lors d'une Conférence interministérielle réunissant les différents ministres de la Santé. Cette nouvelle politique a mis en place des réseaux pour favoriser la prise en charge des jeunes dans leur milieu de vie, en impliquant les secteurs concernés.

    Dans le cadre de cette nouvelle politique, une offre spécifique se met en place à l'échelon national. Elle se veut plus en phase avec les besoins de ces jeunes, enfants, adolescents ou jeunes adultes, et de leur entourage. Cette offre comprend notamment les équipes mobiles qui peuvent répondre à des besoins complexes sans couper le jeune de son milieu de vie. Ces équipes couvrent maintenant tout le territoire wallon. Elles sont de deux types : soit une équipe de crise qui intervient de façon intensive, mais brève, soit une équipe qui agit dans la durée, mais de façon moins intensive. Dans les deux cas, ces équipes interviennent pour des jeunes jusqu'à l’âge de 23 ans.

    Ces équipes mobiles, soutenues par le Gouvernement fédéral, constituent un premier outil pour aider les différents milieux à accueillir un jeune présentant des troubles complexes, que ce soit dans sa famille ou dans une institution d'hébergement.

    Pour aider à l'implémentation de la nouvelle politique, mon cabinet et l’Agence collaborent activement à la « plateforme intrafrancophone » qui regroupe les différents secteurs concernés du côté francophone, tels que la santé mentale, le handicap, l'Aide à la jeunesse, l'ONE, la petite enfance, l'enseignement ou encore les droits de l'enfant.

    Actuellement, la plateforme se penche sur la situation catastrophique des jeunes exclus de l'aide classique, dits « incasables », car aucun secteur seul ne peut répondre à leurs besoins. En plus d'être atteints de différents troubles, ces jeunes sont confrontés à de graves troubles de l’attachement qui sont liés aux différentes exclusions qu'ils ont vécues (parfois plusieurs dizaines), exclusions d'un milieu familial, d'une école ou d'une institution d'aide et de soins. Il est nécessaire de répondre à ce problème d'attachement, mais aussi d'offrir une réponse dans la durée avec des référents stables sur le long terme.

    C'est pour ces jeunes que j'ai renforcé les subventions allouées à l’ASBL l’Entre-Temps, une structure spécialisée dans la prise en charge de ces jeunes refusés par l'aide classique et présentant des troubles relevant des trois secteurs : santé mentale, handicap et aide à la jeunesse. Cette ASBL est d'ailleurs agréée par l'AViQ du côté du handicap, reconnue par l'Aide à la jeunesse et également agréée par la COCOF. En outre, elle reçoit une subvention facultative depuis plusieurs années.

    J'ai donc octroyé à l'ASBL une subvention supplémentaire de 200.000 euros, qui provient de la santé mentale et du handicap. Les missions de ce projet consistent à offrir un suivi spécifique dans le milieu de vie, couplé à un accueil de jour, si nécessaire pendant plusieurs mois et à un accueil de nuit exceptionnel de quelques jours en cas de crise.

    Une autre alternative pour les grands adolescents qui ne peuvent rester dans leur milieu familial ni être autonomes est d’être accueillis dans une initiative d'habitation protégée (IHP). Mais seule une IHP de 10 places a été conçue pour ce public particulier. La possibilité d'étendre cette offre est actuellement au point mort, car, si la compétence relative aux IHP a bien été transférée à la Région, la création de nouvelles places est liée à la reconversion de lits hospitaliers et aux transferts des moyens liés à cette reconversion. Or, jusqu'à présent, le Gouvernement fédéral n'a pas répondu pour discuter de ces reconversions.

    L'honorable membre comprendra que les situations sont complexes et nécessitent des réponses souples, capables de s'adapter aux différentes situations et aux différents secteurs. Il n'est pas toujours nécessaire de créer une énième structure spécialisée. Il ressort de différents groupes de travail de professionnels, comme ceux menés au sein des réseaux évoqués plus haut et ceux menés de longue date par les « Jardins pour tous », qu’il importe de pouvoir prendre en charge les situations complexes en conjuguant les actions de plusieurs services venant de secteurs différents, que ce soit pour prévoir des moments de répit, de mise au point de l’éventuel traitement médicamenteux, d’intervision entre services autour d’une même situation, de prise en charge à plusieurs. Des financements mixtes sont indispensables, mais complexes vu les réglementations propres à chaque secteur.