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La problématique des limiteurs de débit pour la distribution de l'eau

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2018
  • N° : 711 (2017-2018) 1

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  • Question écrite du 06/02/2018
    • de TROTTA Graziana
    • à DI ANTONIO Carlo, Ministre de l'Environnement, de la Transition écologique, de l'Aménagement du Territoire, des Travaux publics, de la Mobilité, des Transports, du Bien-être animal et des Zonings

    Pour renforcer la protection des consommateurs, le précédent Gouvernement wallon a prévu par arrêté du 31 août 2016 une procédure plus stricte pour la poste des limiteurs de débit d'eau de distribution.

    L'arrêté prévoit qu'un limiteur de débit peut être posé à certaines conditions. En cas de persistance du défaut de paiement, le débiteur est prévenu par courrier du risque de limitation de débit dans un minimum de trente jours calendrier à compter de la date du courrier. Concomitamment, le distributeur prévient par écrit le CPAS.

    Sans engagement raisonnable du débiteur ou du CPAS quant à l'apurement de la dette, le distributeur peut poursuivre la procédure de pose d'un limiteur de débit en informant le débiteur.

    Imposer au distributeur d'informer le CPAS avant la pose d'un limiteur « permet que cette mesure vise surtout les mauvais payeurs et non les personnes qui ont de réelles difficultés de payement du fait de revenus insuffisants ou de circonstances particulières » (réponse à la question n°767 du 2 mai 2017).

    Selon l'ASBL Vivre Ensemble Education, « si l’objectif annoncé de la mesure était la lutte contre les « mauvais payeurs », elle a aussi un effet réel sur l’accroissement de la précarité de personnes déjà fragilisées » (https://vivre-ensemble.be/IMG/pdf/2017-15_eau.pdf). Et d'ajouter que « la question de l’efficacité de la mesure fait apparaître une conclusion paradoxale, voire schizophrénique, qu’on pourrait résumer de la sorte : d’un côté, la menace du limiteur est efficace pour un public négligent qui a les moyens de payer ses factures ; de l’autre, l’aggravation de la précarité de familles déjà en situation de pauvreté est également une réalité. Dans le premier cas de figure, le limiteur est posé pour un maximum de deux semaines ; dans le second, il arrive qu’il reste des mois, voire, dans certains cas extrêmes, des années ».

    Sur le sujet, le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté défend une interdiction absolue de coupure ou de pose de limiteur de débit. Pour sa part, le Médiateur « considère que la pose d’un limiteur de débit d’eau est contraire à la dignité humaine et aux droits fondamentaux. Il comprend que dans l’esprit des pouvoirs publics, poser un limiteur d’eau est un acte moins douloureux qu’une coupure d’eau. Cependant, cela nécessite une décision de justice, alors que la pose du limiteur d’eau ne l’impose pas. De plus, cet acte aboutit à des effets pervers dans la mesure où les personnes précarisées s’endettent davantage en achetant, à titre d’exemple, des bouteilles d’eau. » (le Médiateur de la Wallonie et de la Fédération Wallonie-Bruxelles • Rapport annuel 2016, pp. 239-240.).

    Eu égard à cette problématique, quel est, aujourd'hui, le constat de Monsieur le Ministre sur l'impact de l'arrêté sur la pose des limiteurs de débit et par rapport à l'objectif poursuivi ?

    Aquawal devait réaliser une étude pour analyser les caractéristiques des ménages ayant fait l'objet d'une menace de pose ou d'une pose effective de limiteurs de débit, ainsi que pour comparer ces profils à celui des ménages aidés par le Fonds social de l'eau et des ménages dépensant plus de 2 % de leurs revenus en facture d'eau. L'étude devait également analyser la durée moyenne de pose de limiteurs.

    Monsieur le Ministre peut-il me faire part des principales conclusions de cette étude ? Quelles suites lui réserve-t-il ? Va-t-il prendre de nouvelles mesures pour améliorer le dispositif, et éviter de mettre des gens en difficulté encore plus en difficulté ?

    Conformément à la recommandation du Médiateur, va-t-il examiner la possibilité de donner au juge, garant du respect des droits fondamentaux, la (seule ?) compétence de décider de la pose d’un limiteur de débit d’eau ?

    Enfin, Monsieur le Ministre peut-il m'indiquer le nombre de limiteurs de débit placés chaque année au cours des 5 dernières années ?
  • Réponse du 26/02/2018
    • de DI ANTONIO Carlo

    L’étude d’Aquawal sur les limiteurs a montré que la possibilité de disposer d’une contrainte vis-à-vis de l’usager mauvais payeur s’avère efficace, puisqu’environ deux tiers des courriers indiquant que le débit risque d’être limité en cas de persistance du défaut de paiement aboutissent à un paiement intégral des sommes non-recouvertes jusqu’alors. De plus, lorsqu’un limiteur est placé, il est dans 50 % des cas retiré endéans les deux semaines puisque la créance a alors été honorée.

    Étant donné l’efficacité de ce dispositif vis-à-vis des mauvais payeurs, ce système doit être maintenu.

    Toutefois, il faut faire en sorte que ces dispositifs ne soient plus placés chez des personnes en réelle précarité. Plusieurs pistes doivent être privilégiées en collaboration avec les CPAS et les distributeurs d’eau :
    L’incitation des personnes à recourir à leur droit à l’aide du Fonds social (FSE). En effet, de nombreuses personnes ont une appréhension de se rendre au CPAS ou ont des difficultés à réaliser les démarches adéquates. C’est un point qu’il faudra absolument améliorer à l’avenir, les personnes ne répondent souvent pas aux demandes d’information des CPAS.

    Une utilisation accrue du Fonds social pour éviter que des limiteurs soient posés ou restent posés chez des personnes en précarité.

    Une stimulation de l’utilisation du fonds des améliorations techniques (FAT) pour améliorer la maitrise des consommations par les ménages précarisés.

    Dans cette problématique de la pose des limiteurs de débit, une intervention accrue des CPAS dans l’examen des situations individuelles est indispensable et permettrait de faire la part entre l’utilisation nécessaire du limiteur pour contraindre les clients réellement mauvais payeurs au règlement des sommes dues et la temporisation ou la recherche d’autres solutions, dont le recours au FSE, pour le public réellement précarisé.

    Concernant la recommandation du médiateur, le recours systématique à l’autorisation judiciaire se justifie entièrement pour toute coupure d’eau, mais pas pour la pose d’un limiteur de débit. Cela se soldera par une aggravation de la situation financière individuelle des usagers concernés, qu’il soit mauvais payeurs ou réellement précarisés, et cela aura inévitablement un impact sur la collectivité qui devra payer pour les mauvais payeurs, avec une augmentation du Coût-Vérité de Distribution et donc de la facture d’eau.

    Enfin, concernant le nombre de limiteurs de débit posés. Ceux-ci étaient en 2014 et 2015, de +/- 2.200. En 2016, suite à une modification introduite dans le Code de l’eau, ce nombre est descendu à 1.500. Les chiffres de 2017 ne sont pas encore disponibles.