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L'accessibilité aux prêts hypothécaires en Wallonie

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2018
  • N° : 207 (2017-2018) 1

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  • Question écrite du 07/02/2018
    • de STOFFELS Edmund
    • à DE BUE Valérie, Ministre des Pouvoirs locaux, du Logement et des Infrastructures sportives

    L'accessibilité financière aux prêts hypothécaires a déjà fait l'objet de nombreux débats au sein de notre commission notamment suite à la recommandation de la Banque nationale de Belgique concernant les emprunts hypothécaires; elle envisage de conférer aux banques la possibilité de limiter un prêt hypothécaire à 80% de la valeur d'un bien immobilier. 

    Cette position est par ailleurs défendue par plusieurs banques implantées en Belgique.

    Si on contextualise, fin novembre, l'autorité bancaire européenne a publié les résultats de son exercice de transparence, qui permet de comparer la situation des banques belges avec celle des autres banques européennes. Il semblerait que les banques belges ont l'un des meilleurs niveaux de fonds propres en Europe et que l'encours des prêts à problèmes est aussi l'un des plus faibles des quelque 200 institutions passées au crible.

    Cette analyse contredit le discours souvent entendu du côté des banques. Et c'est avant tout la Banque nationale qui plaide pour resserrer les exigences de fonds propres sur les actifs à risques, dont les prêts hypothécaires. Cette attitude a un impact assez lourd sur l'investissement immobilier en Belgique et en Wallonie. Se pose alors la question au sujet de ce qui motive la BNB à prendre cette attitude.

    En effet, il semblerait que le niveau de fonds propres des banques belges soit parmi les plus élevés d'Europe avec un taux de 17,57 % (c'est la Suède qui est en tête avec 21,08 %). Argenta (24,31 %) et Axa Bank (19,66 %) sont en tête du classement belge.

    En termes de  "robustesse", les banques de détail purement belges (Belfius, KBC et Argenta) ont des meilleurs coefficients que les groupes internationaux (ING, Deutsche Bank et BNP Paribas). L'étude constate que "le pourcentage de prêts à problèmes, sur lesquels les débiteurs sont en retard de paiement est très réduit pour les banques belges".

    La mesure prônée par la Banque nationale est-elle donc indispensable ? N'est-ce pas opportun que Madame la Ministre évoque la question avec ses collègues au niveau fédéral afin qu'une attitude trop restrictive ne vienne pas freiner l'investissement immobilier, notamment dans le secteur du logement ?

    Son prédécesseur avait pris les devants et avait interpellé le Fédéral en comité de concertation.

    Ce dossier est toujours d'actualité et la BNB entend bien renforcer la résistance des banques belges aux éventuels problèmes relatifs aux crédits hypothécaires et aux chocs immobiliers. Une mesure qui ne visera pas individuellement les prêts avec une quotité empruntée élevée par rapport à la valeur nominale du bien, mais qui obligera les banques belges à augmenter leurs fonds propres d'environ 550 millions d'euros. C'est une mesure qui touchera avant tout les ménages qui, pour des raisons d'insécurité de revenus et de job, n'ont pas encore eu le temps ni l'occasion de se constituer une réserve suffisante et doivent forcément recourir à une quotité plus élevée.

    Il y aura un effet certain : dans la mesure où cette attitude va réduire le nombre de concurrents sur le marché du logement acquisitif privé, il y aura un effet en termes de coût immobilier. L'augmentation du coût se fera, mais se fera un peu moins vite, au détriment des ménages qui ne pourront pas accéder aux prêts et au logement qu'ils occupent eux-mêmes.

    En termes d'investissements créateurs d'activités et d'emplois, la proposition de la BNB, justifiant son attitude par des éléments de vulnérabilité (mis en avant par le Comité européen pour les risques systémiques), est même contre-productive dans la mesure où l'essentiel du prêt servira toujours à financer le changement de propriétaire plutôt que de financer des travaux.

    Selon un expert de ING : « Ce qui est certain nous confirme un expert, c'est que la mesure de la Banque nationale va mettre sous pression certains petits acteurs qui ont une politique agressive en matière de prêts hypothécaires. De quoi réduire la concurrence et ouvrir la voie à une remontée des taux ».

    Madame la Ministre a-t-elle eu des contacts avec le Fédéral à ce sujet ? Quelle est son analyse ? Quelle est la position qu'elle défend ?

    Dans l'hypothèse où la BNB parvient à s'imposer, quelles recommandations proposera-t-elle à la SWCS et au FLW en ce qui concerne les prêts hypothécaires sociaux ? Ce sera eux qui devront s'engouffrer dans la brèche et prêter là où le secteur privé s'abstiendra de prêter.
  • Réponse du 23/02/2018 | Annexe [PDF]
    • de DE BUE Valérie

    La BNB a émis au printemps la recommandation aux banques de prévoir un surplus de fonds propres pour les crédits hypothécaires à quotités élevées, c’est-à-dire supérieures à 80 % de la valeur vénale du bien.

    Au vu de la situation des quatre grandes banques Belges lors de la crise financière et des montants qui ont dû être injectés en urgence par l’État afin d’assurer la pérennité, voire même la survie de certaines d’entre elles, on ne peut lui faire le reproche de tenter d’éviter que cette situation se reproduise.

    Certains indicateurs tels que l’augmentation du taux d’endettement des ménages belges sont à un niveau qui, à la fin du premier semestre de 2017, dépassait la moyenne de la zone euro. Un emprunt sur cinq absorbe plus de la moitié du revenu disponible des ménages. Cette hausse du ratio d’endettement a été favorisée par une augmentation à la fois forte et persistante des crédits hypothécaires octroyés par les banques belges. Comme l’indique la BNB, « les banques belges continuent par ailleurs d’appliquer des critères d’octroi de crédit souples. Plus aucune amélioration n’a été observée en ce qui concerne la part des prêts les plus risqués dans les portefeuilles des banques au cours de 2016 et du premier semestre de 2017. Ces prêts plus risqués sont notamment caractérisés par une quotité importante, par un niveau élevé du rapport entre mensualités et revenu mensuel, par une longue maturité ou par une combinaison de ces vulnérabilités ».

    Je pense néanmoins, tout comme le Gouvernement fédéral, que les recommandations émises doivent également être mesurées à la lumière de leur impact sur l’économie belge de manière générale.

    Le Premier Ministre Charles Michel s’est déjà longuement exprimé sur le sujet à l’époque et a cherché avec le Gouvernement fédéral une formule qui puisse garantir à la fois une meilleure stabilité du secteur bancaire par une meilleure approche du risque encouru sur l’ensemble du portefeuille hypothécaire détenu par la banque et un accès au crédit au plus grand nombre.

    La note de la BNB a donc déjà été revue sous cet angle afin de ne pas considérer le risque et le taux de couverture à assurer sur base d’une individualisation des dossiers, mais sur base du portefeuille global de la banque. Cette collectivisation de l’approche du risque bancaire nous apparaît tout à fait en phase avec l’objectif de stabilité financière et la garantie d’accès au crédit hypothécaire.

    En effet, au printemps la Banque Nationale a étudié différentes options et a opté parmi celles-ci pour une mesure à deux composantes :
    - La première est identique à la mesure qui existe depuis 2013 et est venue à expiration en mai 2017 et qui vise tous les prêts de manière identique. Cette composante linéaire correspond à un relèvement de cinq points de pourcentage de la pondération de risque calculée selon des modèles internes.
    - La seconde diffère fortement de la proposition : alors que la mesure soumise au printemps ciblait, via cette deuxième composante, les prêts présentant des quotités élevées (c’est-à-dire supérieures à 80 %), la nouvelle proposition vise, via la pondération de risque, le risque global (prenant en compte différentes variables) et s’applique au niveau du portefeuille des banques et non plus de manière individuelle (prêt par prêt).

    Nous sommes très attentifs avec mes collègues du Gouvernement à l’évolution de ce dossier. Mon Cabinet est évidemment en contact avec le Cabinet du Premier Ministre pour être tenu informé de l’évolution de ce dossier à la lumière des enjeux en termes de logement.

    Je n'apprendrai pas à l'honorable membre, que la Wallonie a elle-même compliqué l’accès à la propriété, notamment via le taux des droits d’enregistrement : La Wallonie détient le triste record d’être la Région de l’OCDE qui impose le plus l’acquisition d’un logement : près de 17 % du prix d’achat, en moyenne, est ponctionné en droits d’enregistrement (ou TVA pour le neuf), frais de constitution d’hypothèque, de notaire, etc : 35.000 euros de frais pour un achat de 200.000 euros (soit 17,5 %), 26.000 euros pour un achat de 150.000 (17,3 %)… En outre, ces frais sont uniquement à charge de l’acheteur à la différence d’autres pays.

    Voir graphique en annexe.

    Pour rappel, depuis cette étude, en Flandre, les droits d’enregistrement sont passés de 12,5 à 10 % et de 6 à 5 % (pour le taux réduit), la portabilité des droits a été adoptée et, à Bruxelles, des abattements sont prévus. La colonne Belgique ne concerne donc plus que la Wallonie !
    C’est la raison pour laquelle, le Gouvernement wallon, dans sa réforme fiscale, a introduit un abattement fiscal aux droits d’enregistrement qui permettra de faire économiser jusqu’à 2.500 euros par dossier. La portabilité de ces droits est également à l’étude. 

    Aussi, comme nous l’avons abordé en Commission du budget, nous étudions la proposition visant à introduire un prêt à taux « 0 » en vue de financer les frais d’acquisition de la première habitation destinée à la résidence principale du preneur. Plusieurs avis négatifs nous ont été remis, mais des pistes de solutions sont à l’étude.

    Concernant l’activité de la SWCS et du FLW, nous continuons à soutenir leur activité de crédit en faveur des ménages à revenu modeste et précaire tout en assurant une meilleure stabilité financière au mécanisme du prêt hypothécaire social. Nous avons également dû mettre en place un mécanisme permettant d’absorber le différentiel de taux auquel la SWCS doit faire face suite à la vague de remboursement « anticipé » de prêts par certains emprunteurs qui ont pu se refinancer à meilleurs taux auprès des banques privées. Nous avons également pu trouver les moyens pour assumer la facture 2017 sans reporter celle-ci sur 20 ans comme cela avait été fait précédemment. J’ai également pu en expliquer plus longuement la teneur en Commission dans le cadre du débat budgétaire.

    Nous étudions la situation du Fonds du Logement pour y apporter toute solution potentiellement utile dans le cadre de l’avenant à son Contrat de gestion que nous préparons.

    Les organismes de prêts wallons continuent actuellement à prêter au-delà de 100 % tout en conservant un taux de « sinistre » raisonnable. Ils se doivent néanmoins de redoubler de vigilance, car il faut bien être conscient que prêter au-delà de la valeur du bien est extrêmement risqué tant pour le prêteur que pour l’emprunteur qui se retrouve endetté à vie en cas de souci !

    J'informe enfin que nous évaluons actuellement les mécanismes réglementaires d’assurance contre la perte de revenus et de garantie régionale accordée sur une partie du montant des prêts octroyés par la Société wallonne du crédit social ou par le Fonds du logement des familles nombreuses de Wallonie en vue d’une éventuelle adaptation de ces derniers aux évolutions du contexte de prêts, objet de cette interpellation.