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Les accords avec le Mercosur et leurs impacts sur les agriculteurs wallons

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2018
  • N° : 68 (2017-2018) 1

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  • Question écrite du 08/02/2018
    • de COURARD Philippe
    • à BORSUS Willy, Ministre-Président du Gouvernement wallon

    Les négociations entre l’Union européenne et les pays du Mercosur sont pour le moins tumultueuses.

    On le sait, le secteur agricole européen, déjà déstabilisé par une baisse de la consommation et une légère surproduction de viande en Europe, craint d’être submergé par des produits concurrents à moindres prix et des conditions d’élevage dissemblables. Utilisation du glyphosate, pas de respect de la traçabilité, des normes environnementales absentes, nourrissage aux hormones, etc. sont autant de problématiques formulées à propos des produits qui seront importés.

    Or, le parti de Monsieur le Ministre-Président, le MR, a à plusieurs reprises marqué son soutien au CETA lorsqu’il faisait l’objet de houleux débats. En effet, son homologue, Charles Michel, Premier Ministre, favorable à l’accord, regrettait que la Wallonie soit « le dernier endroit en Europe où l’on s’oppose à ce qui est sur la table ».

    Pierre-Yves Jeholet, au moment du vote de la motion pour le rejet du CETA obtenu par la majorité PS-cdH, avait dénoncé « un repli sur nous-mêmes et un isolement économique et diplomatique ».

    Inutile d’aller plus loin dans les déclarations. Je présume que Monsieur le Ministre Président ne remettra aucunement en question le soutien apporté par son parti au CETA, qui, s’il avait été voté, aurait conduit à la mort de milliers d’agriculteurs en Europe.

    Aujourd’hui, la problématique des accords avec le Mercosur se calque parfaitement sur celui du CETA : libre échange débridé, quasi-absence de normes environnementales et sanitaires…

    D’ailleurs, à propos des négociations avec le Mercosur, le Ministre Collin a récemment déclaré « tout ça peut complètement déréguler un marché où on est largement autosuffisant. Donc nous on reçoit en plein fouet ces éventuels quotas d’importation et donc on n’en veut pas, on ne veut pas être la variable d’ajustement de l’industrie automobile ou d’autres secteurs qui eux vont tirer un avantage certain des accords internationaux ».

    Je ne peux que soutenir de tels propos.

    Par conséquent, in fine, quelle est la position du Gouvernement sur cet accord de libre-échange entre les deux blocs ?

    Monsieur le Ministre-Président a-t-il mesuré les impacts potentiels sur le secteur agricole wallon ?

    Qu’en adviendra-t-il si l’accord est voté ? Qu’a prévu le Gouvernement pour pallier ces effets néfastes et largement prévisibles ?
  • Réponse du 01/03/2018
    • de BORSUS Willy

    Les négociations entre l’Union européenne et le Mercosur, lancées en 1999 et dont la conclusion a jusqu’à présent toujours buté sur les questions agricoles, sont aujourd’hui dans une phase décisive. D’intenses discussions ont en effet lieu entre les négociateurs européens et du Mercosur pour tenter de lever les obstacles à un accord politique avant le début de la campagne pour les élections générales au Brésil en mars.

    L’accord entre l’Union européenne et le Mercosur est un accord qui revêt une grande importance géostratégique et économique pour l’Union européenne. Ce serait le plus important accord commercial jamais conclu par l’Union européenne, le Mercosur représentant un marché de plus de 300 millions d’habitants. Cet accord offrirait aux entreprises européennes un gain de compétitivité par rapport aux concurrents américains et asiatiques. Pour la Wallonie, cet accord pourrait théoriquement procurer un certain nombre d’opportunités intéressantes. Cependant, quand on affine l’analyse, l’offre du Mercosur est généralement assez décevante.

    La Wallonie a ainsi toujours défendu la conclusion d’un accord ambitieux et complet, mais surtout respectueux et équilibré. Or, force est de constater qu’à ce stade, ce qui est sur la table ne rencontre pas l’équilibre que nous souhaitons. La Wallonie n’a cessé au cours des derniers mois de dénoncer l’impact négatif que cet accord pourrait avoir, en cas de concessions non justifiées, sur les filières bovines de production viandeuses et également de sucre. Les lignes tarifaires sensibles pour la Belgique ont été communiquées à la Commission européenne il y a plusieurs mois. La Wallonie a alerté le Premier Ministre du risque réel de mise en péril de l’une de ses filières de production déjà fortement éprouvée par la baisse de la consommation intérieure (-25 % de la consommation de viande bovine en Europe en huit ans selon certaines études). Le Premier Ministre s’est saisi de la question et a écrit au Président Juncker à la fin janvier, juste avant une réunion entre les Ministres du Mercosur et les Commissaires européens au Commerce, Cecilia Malmström, et à l’Agriculture, Phil Hogan, pour leur signifier qu’à ce stade le volet agricole de la négociation n’était pas acceptable pour la Belgique. Tous les efforts sont déployés pour maintenir une pression maximale sur la Commission et éviter une augmentation des quotas pour la viande bovine et le sucre

    La Wallonie a toujours été claire : les quotas doivent être limités au maximum et être assortis de conditionnalités fortes, dont le respect de normes sanitaires et phytosanitaires robustes, notamment en termes de traçabilité, de certification, de normes de production et de gouvernance sanitaire, mais également en termes de bien-être animal. L’ensemble de ces conditions est d’autant plus indispensable au vu des récents scandales qu’ont connus certains des pays concernés par la production viandeuse bovine au cours de ces derniers mois. Ces conditions permettront par ailleurs de renchérir le coût de la production du Mercosur et ainsi de limiter la concurrence avec notre production intérieure. Par ailleurs, il est important qu’une différence soit faite entre les pièces de bœuf à haute valeur ajoutée et les autres pièces, en veillant à protéger les pièces de qualité dans les quotas. Outre un contingentement tarifaire qui doit demeurer strictement limité, la Wallonie plaide pour qu’une clause de sauvegarde agricole soit introduite dans l’accord. Cette clause permettrait de prendre des mesures temporaires en cas de constatation d’un déséquilibre du marché.

    À ce stade, la dernière offre européenne dont nous disposons date de novembre 2017, soit un quota de 70.000 T pour la viande de bœuf avec un ratio viande fraîche/viande bovine de 50-50% et des droits de douane de 7,5 % et de 100.000 T (au tarif de 98euros/T) pour le sucre destiné au raffinage. Selon la presse, la Commission aurait proposé au Mercosur de porter ces quotas à respectivement 99.000 T (avec un ratio viande fraîche/viande congelée et des droits inchangés) pour la viande bovine et 120.000T (avec maintien du tarif de 98euros/T) pour le sucre destiné au raffinage lors de la réunion ministérielle qui a eu lieu à la fin janvier. Ces chiffres n’ont pas, à ce stade, pas été confirmés par la Commission européenne.

    Le Gouvernement wallon, notamment via le Ministre de l’Agriculture, Monsieur René Collin, et moi-même, suit de façon constante et avec attention l’évolution de cette négociation et multiplie les démarches afin d’en limiter les conséquences négatives. Car s’il est effectivement important d’assurer de nouveaux débouchés pour nos productions, il est également essentiel que ces accords ne perturbent pas davantage des secteurs déjà très vulnérables et que les concessions consenties restent soutenables pour les filières, et notamment pour leurs segments les plus sensibles. C’est pourquoi la Wallonie plaide pour la prise en compte de l’impact cumulé de l’ensemble des négociations commerciales en cours et à venir et des accords commerciaux déjà conclus lors de la détermination des concessions agricoles à offrir à nos partenaires commerciaux. Il est en effet important de raisonner dans le cadre d’une enveloppe globale, soit le montant maximum des concessions tarifaires et contingents tarifaires soutenables pour les différentes filières. Cette enveloppe globale doit par ailleurs pouvoir faire l’objet de révision périodique, notamment sur la base de l’évolution de la consommation européenne. La limitation des concessions à 4 % de la consommation intérieure européenne, telle que le propose la France, semble être par ailleurs une piste de travail à explorer.