/

La préservation du grand hamster

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2018
  • N° : 297 (2017-2018) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 20/02/2018
    • de DAELE Matthieu
    • à COLLIN René, Ministre de l'Agriculture, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité, du Tourisme, du Patrimoine et délégué à la Grande Région

    J’aimerais interroger Monsieur le Ministre au sujet d’un risque d’atteinte à l’environnement qui m’apparaît se réaliser actuellement et qui commande la prise de mesures de préservation urgentes de la nature.

    La Wallonie abrite au nord de la commune de Waremme une population de cricetus cricetus (plus connu sous le nom de grand hamster ou hamster d’Europe), laquelle est une espèce protégée puisqu’elle figure à l’annexe IV de la directive 92/43/EEC, dite directive « habitat ».

    L’article 12 de la directive précise en son premier paragraphe pour les espèces figurant à son annexe IV que les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour établir un système de protection des espèces au sein de leur habitat, et en particulier d’éviter tout dérangement. Nous devons également mettre en place un suivi des captures et dommages accidentels qui leur seraient faits.

    La DGO3 insiste sur la nécessité de conserver et restaurer les éléments d’habitat telles que le maintien de cultures plus extensives, leur permettant de se nourrir (alimentation céréalière), ou encore la création d’une réserve agraire, de bandes aménagées, le maintien de prairies…

    Quelles sont les mesures prises pour la protection du grand hamster et des autres espèces menacées sur le SGIB 1653 (Nord d’Oleye) ? Ces mesures évitent-elles la détérioration des aires de repos ou de reproduction du grand hamster ? En d’autres termes : s’agit-il de mesures de protection strictes au regard de la jurisprudence européenne ?

    Comment évoluent les recensements des populations de grand hamster, les mesures de protection sont-elles efficaces ?

    Comment Monsieur le Ministre explique-t-il le développement de cultures intensives et de cultures fruitières (avec canons antivolatiles) dans la zone de présence du grand hamster et des espèces volatiles protégées? De la même manière comment explique-t-il l’octroi d’un permis (pour ériger une structure de soutien à des filets pare-grêle) en 2013 et d’un autre en 2017 (qui étend la zone à 35 hectares), en contradiction avec le schéma de structure communal de Waremme (puisque celui-ci inclut des mesures en faveur du grand hamster), avec avis favorable du fonctionnaire délégué ?

    Ne craint-il pas une sanction européenne telle que la République française l’a connue (4ème chambre de la Cour européenne, arrêt du 9/6/2011) alors qu’elle a investi et légiféré en faveur de la protection du grand hamster ?

    Que mentionne le suivi des dommages accidentels mis en place conformément à l’article 12 de la directive habitat ?

    Une remise en état du site dans sa configuration au moment où le grand hamster est devenu une espèce protégée est-elle envisageable ?

    La qualification du site de grand intérêt biologique (SGIB) est-elle suffisante ? Le classement en Natura 2000 ne serait-il pas pertinent dans ce cas ?

    Quelles mesures Monsieur le Ministre envisage-t-il pour remédier à cette situation ?
  • Réponse du 13/03/2018
    • de COLLIN René

    Entre 2005 et 2009, suite à la redécouverte du grand hamster dans la région de Waremme, une subvention a été octroyée à l'ASBL Natagora afin d’assurer l’inventaire des terriers de grand hamster de cette zone, d’identifier les mesures favorables à l’espèce et de sensibiliser les agriculteurs à la mise en place de ces mesures. Celles-ci consistaient en :
    - la mise en place d’une bande de luzerne associée à une bande de céréales laissées sur pied ;
    - le rachat par le Département de la Nature et des Forêts de céréales laissées sur pied sur des parcelles.

    Il était en outre demandé aux agriculteurs d’éviter l’utilisation de rodenticides, néfastes pour les individus de l’espèce.

    Le succès de l’opération a reposé sur des démarches de sensibilisation ciblées vers les exploitants dans cette zone. 25 % des agriculteurs concernés ont accepté de réserver une partie de leur récolte. Une surface de 3 à 4 hectares sur une plaine d’environ 700 hectares a été dégagée. Des mesures agro-environnementales classiques s’y sont ajoutées, mais n’ont pas permis d’atteindre une couverture suffisante d’habitats favorables, recommandée par les experts. Le maintien d’une population viable n’est possible que moyennant l’existence d’une population importante (ce qui n’est pas le cas en Wallonie) et d’un important réseau d’habitats favorables. En Allemagne, dans une zone de plus de 1000 hectares comportant une centaine d’hectares d’habitats favorables, la population, estimée entre 150 et 180 individus, est en déclin.

    À l’époque, la Wallonie s’est associée à la création d’un projet LIFE transnational. Le projet visait à reconstituer des noyaux de populations par lâchers d’individus élevés en captivité dans des exploitations agricoles volontaires, sensibles à la protection de la faune. Ce projet n’a pas été retenu par la Commission européenne.

    En 2009, la dernière campagne de recherche wallonne n’a pas permis de mettre en évidence la présence de terriers de l’espèce. Entre 2009 et 2015, seul l’un ou l’autre individu isolé a été signalé, sporadiquement. Ce constat laisse penser que la population wallonne est, depuis quelques années et avant la mise en place de Natura 2000, passée sous le seuil de viabilité et s’est vraisemblablement éteinte.

    En 2012, des réflexions se sont poursuivies pour identifier les actions encore envisageables pour tenter de sauvegarder l’espèce. Néanmoins, compte tenu du niveau très bas des populations, les seules actions possibles impliquaient inévitablement la création d’un élevage d’individus, engendrant des coûts importants pour un succès incertain. En France et aux Pays-Bas, le maintien de la population de grand hamster se fait au prix de dépenses dépassant le million d’euros par an et en s’appuyant sur des opérations de réintroduction.

    En conclusion, compte tenu du faible niveau de population initial et malgré les mesures de préservation tentées, le grand hamster n’a malheureusement pu se maintenir. De ce fait, l’interdiction d’implanter un verger à Oleye, du point de vue de la conservation de la nature, n’a plus de sens aujourd’hui. Il faut également préciser que la qualification de « site de grand intérêt biologique » est une qualification d’ordre scientifique qui marque l’observation à un moment donné d’une espèce classée liste rouge. Cette qualification peut donc être perdue si l’espèce vient à disparaître.