Les répercussions de l'arrêté royal du 15 octobre 2017 modifiant l’arrêté royal du 28 novembre 1969 pris en exécution de la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs sur l'emploi des personnes handicapées
Session : 2017-2018
Année : 2018
N° : 254 (2017-2018) 1
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Question écrite du 28/02/2018
de BONNI Véronique
à GREOLI Alda, Ministre de l’Action sociale, de la Santé, de l’Egalité des chances, de la Fonction publique et de la Simplification administrative
Le 15 octobre 2017, le Gouvernement fédéral prenait un arrêté qui supprime une part importante du bénéfice de la sécurité sociale pour les personnes handicapées sous contrat d’apprentissage professionnel.
Ainsi, cet arrêté royal met fin à l’assujettissement à la sécurité sociale, des indemnités de formation, avec effet rétroactif au 1er octobre 2017. Ce qui, en d’autres mots, signifie qu’il n’y aura plus de cotisations de sécurité sociale ni à charge de l’employeur, ni à charge du travailleur. Dès lors, ils percevront un salaire, imposable fiscalement, mais sans que celui-ci n’ouvre des droits aux allocations de chômage, aux indemnités de maladie, aux allocations familiales pour salariés, et à la pension.
Selon la carte blanche parue dans le Soir, auparavant, les cotisations sociales en question étaient prises en charge à 70 % par l’AViQ, et à 13,07 % par l’employeur. Les associations pour personnes handicapées dénoncent une entaille grave dans les engagements pris par la Belgique à travers la Convention ONU sur les droits des personnes handicapées.
Qu’en est-il précisément ? La Wallonie avait-elle été associée aux réflexions préalables à cette décision ? Madame la Ministre confirme-t-elle que, jusque-là, l’AViQ prenait en charge une part des cotisations sociales pour les travailleurs handicapés en contrat d’apprentissage professionnel ?
Le cas échéant, des contacts avec le Gouvernement fédéral seront-ils pris afin de revoir cet arrêté qui contrevient aux droits des personnes handicapées ?
Réponse du 06/03/2018
de GREOLI Alda
Le Fonds national de reclassement social des handicapés ainsi que ses successeurs ont toujours considéré que l’article 3,6° de l’arrêté royal du 28 novembre 1969 ne s’appliquait pas aux personnes handicapées bénéficiant d’une allocation de chômage ou d’une indemnité d’invalidité, puisqu’elles bénéficient déjà, de par leur qualité d’allocataires sociaux, de l’assujettissement à la sécurité sociale. L'ONSS, quant à lui, ne rejoignait pas cette position et a donc toujours assujetti sur cette base l’ensemble des personnes handicapées répondant au prescrit de la disposition, les faisant cotiser tant sur l’allocation de chômage que sur le complément.
S’en est suivi, en 1987 l’émergence d’un contentieux entre l’ONSS et les entités fédérées : les autorités régionales compétentes ont adopté des réglementations outrepassant leurs compétences, puisque visant à préciser sur quoi et à quels régimes les entreprises concernées devaient cotiser, et les organismes régionaux ont systématiquement recommandé aux employeurs de ne pas verser les cotisations. Cette situation a entraîné des demandes de régularisation de la part de l’ONSS, ayant pour conséquence l’interdiction d’accès à certaines aides.
En 2005, les organismes régionaux ont plaidé pour une exclusion complète de toutes les personnes handicapées liées par un contrat d’adaptation professionnelle ou en formation professionnelle (article 3, 6°), par analogie avec la décision de l’ONSS, depuis la régionalisation du placement des chômeurs, de ne plus percevoir, dans les faits, de cotisations pour les personnes valides en formation professionnelle (article 3,7°) (par exemple : les formations « Plan Formation-Insertion », les formations F70bis (formations classiques du FOREm), les formations en Communauté flamande, les formations professionnelles individuelles (FPI) de Bruxelles-Formation). Pour ce faire, ils ont invoqué une Directive européenne sur l'égalité de traitement en matière d'emploi ainsi que la loi pour la lutte contre la discrimination. L’ONSS a marqué son accord avec cette argumentation et a décidé de renoncer aux poursuites en cours. Afin de garantir la sécurité juridique à l’avenir, l’ONSS a préparé en juillet 2005 un projet d’arrêté royal abrogatif, qui n’a pas abouti à l’époque.
À la fin du mois de janvier 2016, l’ONSS a saisi le Cabinet de Madame la Ministre De Block, qui a réactivé le projet abrogeant les articles 3,6° et 3,7° de l’arrêté royal du 28 novembre 1969. En tant que Ministre ayant en charge la politique des personnes handicapées en Région wallonne, je n’ai pas été associée à cette décision, mon prédécesseur pas plus que moi.
Face à tout cela, il y avait deux possibilités pour le fédéral : (ré)imposer l’assujettissement des nombreux contrats de formation dispensés de fait depuis des années, ou dispenser les rares « survivants » de l’obligation d’assujettissement. La discrimination positive qu’aurait constituée le maintien d’un régime avantageux pour les personnes handicapées n’a pas, semble-t-il, été considérée comme légitime…
Pour les stagiaires wallons, il y a effectivement des conséquences : - pour les stagiaires qui, au début de leur formation, bénéficient déjà d’un statut au regard de la sécurité sociale (chômeurs, invalides, indemnisés dans le cadre de la législation relative aux accidents du travail), il n’y a pas de modification, si ce n’est en matière de pécules de vacances ;
- pour les stagiaires qui n’ont pas un statut de bénéficiaire de la sécurité sociale lorsqu’ils entrent en formation en CAP ou en CFISPA, les jours de formation ne sont plus considérés comme des jours de travail et leur formation ne leur procurent effectivement plus les avantages, accordés sur base des jours de travail, dont ils bénéficiaient par rapport aux demandeurs d’emploi valides.
Cela pourrait concerner, pour les CAP, environ 250 personnes ayant eu au moins un jour de CAP en 2017, soit environ 25 % du total des stagiaires concernés en 2017. La proportion est équivalente en CFISPA.
La mesure étant fédérale, la Wallonie n’a pas la compétence d’y déroger. Il faut par ailleurs relativiser l’impact négatif de la mesure : en effet, on peut raisonnablement estimer qu’étant donné que les jours de formation ne sont plus considérés comme des jours de travail, les employeurs seront plus enclins à engager plus rapidement les personnes, sans passer par un CAP ou sans vouloir prolonger la formation, d’autant qu’à présent, les aides à l’emploi de l’AViQ sont cumulables avec toutes les aides impulsion du FOREm.
L'honorable membre fait référence à un article paru dans le journal « Le soir » le 30 janvier 2018 et cite le passage mentionnant qu’« auparavant, ces cotisations sociales étaient prises en charge à 70 % par l’AViQ, et 13,07 % par l’employeur (…) ». Le taux de 70 % pris en charge par l’AViQ, tel que mentionné dans l’article, mérite d’être clarifié : l’employeur paie une indemnité de formation correspondant à 60 ou 80 % de la différence entre la rémunération brute en cas d’embauche et le montant des allocations éventuellement perçues par le stagiaire, et paie là-dessus les cotisations (entre 30 et 40 %). L’AVIQ rembourse 70 % de ce montant global.
Enfin, j'informe que les stagiaires handicapés en formation dans les CFISPA continuent d’avoir un statut particulier : ils perçoivent en effet 2,15 ou 5,06 euros indexés par heure de formation selon qu’ils perçoivent ou non d’autres allocations, alors que tout demandeur d’emploi, même en situation de précarité, qui suit une formation dans un dispositif général, ne perçoit que 1 euro non indexé.