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La valeur des témoignages dans le cadre des procédures en matière d'infractions urbanistiques

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2018
  • N° : 808 (2017-2018) 1

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  • Question écrite du 01/03/2018
    • de STOFFELS Edmund
    • à DI ANTONIO Carlo, Ministre de l'Environnement, de la Transition écologique, de l'Aménagement du Territoire, des Travaux publics, de la Mobilité, des Transports, du Bien-être animal et des Zonings

    Dans toute procédure pénale, tant le Procureur que la partie défenderesse peuvent faire appel à des témoins pour constater et vérifier des faits.

    Le témoignage aura pour effet que les faits sont considérés comme confirmés.

    Lorsqu'on est dans une procédure de traitement d'une infraction urbanistique, on est - suivant le cas - dans une procédure pénale, civile ou administrative. Et, ici, on ne pourrait pas faire appel à un témoin pour constater et vérifier des faits qui permettent de considérer une date comme confirmée.

    Tel est en tout cas l'écho permanent que j'entends de la part de ceux à qui l'administration répond qu'un témoignage n'a aucune valeur.

    Qu'est-ce qui justifie que d'un côté le témoignage puisse servir pour inculper ou disculper un accusé parce des faits sont considérés comme étant ou n'étant pas confirmés et que, dans des infractions souvent bien moins graves, le témoignage n'ait aucune valeur ? Est-ce qu'on soupçonne d'office tout témoin comme un auteur de faux témoignage ? Ou y a-t-il une autre justification ?
  • Réponse du 22/03/2018
    • de DI ANTONIO Carlo

    La valeur probante des éléments déposés au dossier ne varie pas en fonction du type de procédure initiée.

    Par contre, le principe de la liberté d’appréciation du mode de preuve en matière répressive est consacré par la Cour de cassation (Cass., 12 décembre 2006) qui précise que le juge en matière pénale apprécie librement la valeur probante des éléments qui ont été transmis régulièrement et que les parties ont pu contredire. Ce principe vaut également pour la preuve de l’existence d’un permis d’urbanisme qui ne constitue pas l’enjeu d’un contentieux administratif entre l’autorité et l’administré, mais que le prévenu invoque à son profit comme moyen de défense contre l’action publique mise en mouvement du chef de construction ou de maintien de construction sans autorisation préalable.

    Le Conseil d’État (C.E., 229.056, 4 novembre 2014) s’est par ailleurs prononcé sur ce principe de la liberté d’appréciation du mode de preuve dans le cadre du contentieux administratif en matière de permis d’urbanisme. Il (C.E., 229.056, 4 novembre 2014) reconnait une valeur à l’« attestation circonstanciée » témoignant de l’existence d’actes et travaux.

    L’autorité compétente doit confronter les informations rapportées par l’attestation aux autres éléments du dossier, et ce afin de respecter ses devoirs de minutie et de motivation. En cas d’incertitude en raison de contradictions, l’autorité peut décider, en opportunité, d’accorder plus de crédit aux documents émanant de l’administration du cadastre qu’à une attestation, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation (C.E., 229.056, 4 novembre 2014).

    En matière pénale, la charge de la preuve incombe à l’autorité publique. Lorsque l’autorité publique invoque une infraction, elle doit en rapporter la preuve. Les personnes compétentes pour constater une infraction doivent réunir les éléments établissant que les actes et travaux querellés sont constitutifs d’infraction avant de dresser un procès-verbal. Par ailleurs, le Ministère public dans le cadre de son information judiciaire, réunira les éléments permettant d’établir l’infraction en questionnant au besoin les autorités compétentes.

    Par contre, dans le cadre d’une demande de permis, le Conseil d’État (C.E., 222.658, 27 février 2013) renverse cette charge de la preuve. Dans ce cas, c’est au demandeur de permis qui se prévaut de l’existence légale des actes et travaux réalisés d’en apporter la preuve. Par ailleurs, le Conseil d’État (C.E., 239.691, 27 octobre 2017) précise que « le devoir de minutie, émanation du principe de bonne administration, a pour conséquence que, de manière générale, l’autorité est tenue d’avoir égard à l’ensemble des informations qui lui ont été fournies par le demandeur de permis ». Les motifs justifiant la décision de l’autorité compétente doivent permettre au demandeur de comprendre la raison pour laquelle les renseignements qu’il a fournis n’ont pas été pris en considération.

    La preuve de l’existence d’actes et travaux peut être rapportée par toute voie de droit : des factures relatives aux travaux, une attestation de conformité d’un organisme agréé, les documents relatifs de l’installation des compteurs d’eau, d’électricité ou de gaz, des états des lieux (d’entrée/de sortie), une anamnèse de l’occupation du logement (par exemple au moyen de l’historique des domiciliations), de vieilles photographies, etc. y compris le témoignage.

    Tout comme le juge, l’autorité administrative doit appliquer ces principes lorsqu’elle examine la situation juridique d’actes et travaux querellés en matière d’urbanisme.