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Les exportations wallonnes vers les Etats-Unis

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2018
  • N° : 322 (2017-2018) 1

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  • Question écrite du 07/03/2018
    • de TROTTA Graziana
    • à JEHOLET Pierre-Yves, Ministre de l'Economie, de l’Industrie, de la Recherche, de l’Innovation, du Numérique, de l’Emploi et de la Formation

    Début mars, le Président américain a annoncé son intention d'imposer des taxes douanières de 25 % pour l'acier et de 10 % pour l'aluminium sur les importations aux États-Unis, afin de protéger l'industrie américaine.

    S'il n'a toutefois pas précisé quels pays seraient visés par ces taxes, nombreuses ont été les réactions. L'Union européenne a ainsi réagi par la voix du Président de la Commission européenne en indiquant que l'Europe se défendrait en prenant des contre-mesures. La Chine a également fait savoir qu'elle prendrait « les mesures qui s'imposent », bien qu'elle ne veut pas d'une guerre commerciale avec les États-Unis. Le Canada, l'Australie et bien d'autres pays se sont également manifestés de la sorte, entraînant une surenchère rhétorique dans le chef du Président américain.

    Il y a près d'un an déjà, la Commission américaine du commerce international (ITC) estimait que l'industrie américaine était défavorisée par l'importation d' « acier plat carbone coupé à longueur » (carbon, alloy steel cut-to-length plate) en provenance de huit pays, dont la Belgique. En conséquence, le Gouvernement américain voulait déjà imposer une taxe sur ces importations.

    Quoi qu'il en soit, Monsieur le Ministre peut-il m'indiquer dans un premier temps comment ont évolué, par secteur, les exportations wallonnes vers les États-Unis depuis l'arrivée de D. Trump à la Présidence américaine ?

    Peut-il, dans un deuxième temps, faire le point sur le régime douanier en vigueur entre l'UE et les États-Unis et sur l'effectivité ou non des taxes annoncées par le Président américain ?

    Quel est l'impact économique pour notre Région ?

    Doit-on craindre que le Gouvernement américain décide d'appliquer des taxes visant l'importation en provenance d'autres secteurs et si oui, lesquels ? Je pense notamment au secteur pharmaceutique wallon, qui exporte beaucoup vers les États-Unis, ou aux exportations de produits chimiques, aux machines et appareils divers, aux matières plastiques et textiles, ou encore aux produits alimentaires.

    Enfin, comment le Gouvernement wallon et les acteurs économiques wallons anticipent-ils ces changements ou ces potentialités ?
  • Réponse du 27/03/2018
    • de JEHOLET Pierre-Yves

    En avril 2017, le Président TRUMP a commandé une enquête à son administration sur les importations d’acier et d’aluminium aux États-Unis. Dans ses conclusions, le Département américain du Commerce suggérait notamment la possibilité d’instaurer une taxe d’au moins 24 % contre les importations d’acier et d’au moins 7,7 % contre celles d’aluminium. Comme option alternative, il recommandait l’instauration de taxes d’au moins 53 % contre les importations d’acier originaires de 12 pays – dont le Brésil, la Chine et la Russie – et d’au moins 23,6 % contre les importations d’aluminium originaires de Chine, de Hong Kong, de Russie, du Venezuela et du Vietnam. Les autres pays se verraient quant à eux imposer des quotas. Une troisième option suggérait au Président américain d’imposer des quotas globaux, basés sur 63 % des exportations d’acier de chaque pays en 2017 et sur 87 % de leurs exportations d’aluminium.

    Le 1er mars 2018, le Président TRUMP a annoncé son intention d’imposer des droits de douane de 25 % contre les importations d’acier et de 10 % contre les importations d’aluminium, sans toutefois spécifier clairement quels pays ces droits viseront.

    Le 8 mars 2018, le Président TRUMP a matérialisé son annonce du 1er mars et a promulgué les droits de douane annoncés. Le Canada, 1er partenaire commercial et principal fournisseur d’acier des États-Unis, et le Mexique sont pour le moment exemptés de ces taxes. Le Président américain a annoncé que le sort de ces deux pays dépendra en particulier de l’issue des négociations en cours sur l’accord de libre-échange nord-américain (ALENA). La Maison-Blanche a par ailleurs précisé que tous les pays concernés pourront engager des discussions avec les États-Unis, pour négocier, eux aussi, une éventuelle exemption. C’est un élément important.

    L’entrée en vigueur de ces nouvelles taxes devrait s’appliquer assez vite.

    Les Européens exportent environ 5 milliards d’euros d’acier et un milliard d’euros d’aluminium aux États-Unis. Les États européens qui seraient les plus affectés en cas d’application de ces nouvelles taxes seraient : l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Italie, la Suède, l’Espagne, la France, le Royaume-Uni, l’Autriche, la Belgique, la République tchèque, la Finlande et la Pologne.

    Le montant des exportations wallonnes d’acier en 2016 était de 4,3 milliards euros (dernière année complète), ce qui correspond à 11 % du total wallon. Les ventes wallonnes d’aluminium sur les marchés étrangers représentent des volumes beaucoup plus faibles, avec 193 millions euros exportés en 2016 (0,5 % du total wallon). La destination géographique de ces exportations est concentrée dans l’Union européenne. Les pays membres de l’Union européenne accaparent respectivement 90 % et 80 % des exportations wallonnes d’acier et d’aluminium.

    Les États-Unis sont le 8e client étranger des exportations wallonnes d’acier en 2016 (58 millions d'euros exportés, soit 1,4 % des ventes extérieures d’acier de la Wallonie) et seulement la 25e destination des exportations wallonnes d’aluminium (500.000 euros exportés, soit 0,2 % des ventes extérieures d’aluminium de la Wallonie). En termes de balance commerciale entre la Wallonie et les Etats-Unis pour ces deux produits, le bilan est largement favorable pour la Wallonie en ce qui concerne l’acier (surplus commercial de +49,5 millions d'euros en 2016), mais déficitaire pour l’aluminium (déficit commercial de -12,3 millions d'euros en 2016).

    Ce dossier est suivi avec une très grande attention depuis de nombreux mois par l’Union européenne. De nombreuses démarches ont été entreprises à tous les niveaux pour tenter d’éviter que le Président américain ne prenne une telle décision. L’Union européenne a ainsi très clairement indiqué aux États-Unis avoir de gros doutes sur la justification (menace sur la sécurité nationale) avancée pour la prise d’une telle mesure. Ce dossier a été très régulièrement mis à l’agenda des réunions du Comité de la Politique commerciale de l’Union européenne et du Groupe de travail Questions commerciales. Les Ministres du Commerce de l’UE en ont également discuté lors du dernier Conseil Affaires étrangères/Commerce informel qui s’est tenu à Sofia les 26 et 27 février derniers. La coordination est intense au niveau européen et les actions envisagées par l’Union européenne ont été clairement exposées par la Commissaire Malström lors de la Conférence presse qu’elle a donnée le mercredi 7 mars. Toutes ces réunions européennes ont été préparées en amont lors de réunions de concertation et de coordination intra-belges auxquelles les différentes Régions du pays sont pleinement associées.

    Le plan d’action européen détaillé par la Commissaire Malmström le 7 mars se décline comme suit :
    * En cas de confirmation d’application de ces taxes à l’Union européenne, dépôt rapide par l’UE d’une plainte auprès de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC). Pour l’UE, ces nouvelles taxes américaines sont en réalité des mesures de sauvegarde déguisée.
    * Adoption par l’UE de mesures de « rééquilibrage » (langage plus diplomatique pour des mesures de représailles) sous la forme de droits de douane contre des produits américains « emblématiques ». À ce stade, une liste d’une centaine de produits pour un montant de 2,8 milliards d’euros – l’équivalent de la part du marché européen de l’acier et de l’aluminium touché par les restrictions américaines- est en discussion au sein de l’Union européenne.
    * Instauration de mesures de sauvegarde contre les produits en acier et en aluminium américains en cas de constatation d’un détournement vers le marché européen des flux étrangers qui ne trouveraient plus de débouchés sur le marché américain.

    L’espoir que ce plan d’actions n’ait finalement pas à être appliqué n’est cependant pas tout à fait perdu : le Président américain a en effet indiqué que tous les pays concernés pourraient entamer des discussions avec les États-Unis pour négocier, eux aussi, une éventuelle exemption. La Commissaire européenne au Commerce, Cécilia Malmstrom, a rappelé ce jeudi 8 mars que l’UE devrait être exemptée de ces taxes et a resouligné que l’UE est un allié proche des États-Unis. Elle a indiqué qu’elle comptait demander plus de clarté sur cette question dans les jours à venir.

    On notera par ailleurs que ces nouvelles taxes sont également contestées au sein même du parti du Président Trump : 107 élus de la majorité ont signé mercredi 7 mars une lettre pressant la Maison-Blanche de « reconsidérer l’idée de droits de douane universels, qui sont des taxes entamant la compétitivité des entreprises et appauvrissant les consommateurs ». La Chambre de commerce américaine dénonçait quant à elle un projet qui frappera directement l’industrie manufacturière américaine à travers de vastes représailles et laissera pratiquement intouché le problème réel de la surproduction chinoise.

    Vu l’importance de ce dossier, le Président du Conseil de l’UE, Donald Tusk a annoncé qu’il sera à l’ordre du jour du Conseil européen des 22 et 23 mars.