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Les mesures américaines de taxation de l'acier

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2018
  • N° : 327 (2017-2018) 1

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  • Question écrite du 14/03/2018
    • de LUPERTO Jean-Charles
    • à JEHOLET Pierre-Yves, Ministre de l'Economie, de l’Industrie, de la Recherche, de l’Innovation, du Numérique, de l’Emploi et de la Formation

    En date du 01 mars 2018, le Président Trump a annoncé qu'il allait frapper d'un droit de douane toutes les exportations vers les U.S.A de 25 % pour l'acier et 10 % pour l'aluminium sans préciser les pays concernés par cette mesure, faut-il le préciser.

    Connaissant les liens économiques et commerciaux qui lient la Belgique et les U.S.A, nous avons donc logiquement quelques inquiétudes quant à l'acier wallon et le cas échéant pour les sociétés travaillant l'aluminium en Wallonie.

    En savez-vous plus sur les mesures qu'entend prendre l'Administration Trump ?

    Qu'en est-il des balances commerciales entre la Wallonie et les U.S.A pour ces matières spécifiques ?

    Des syndicats ou associations comme  Agoria ou Aluminium Center évoquent-ils des craintes pour les semaines, mois à venir ?

    Monsieur le Ministre va-t-il y répondre?  Enfin, devrions-nous recourir à un nouveau plan d'acier wallon ou à une nouvelle stratégie ?

    Que prévoit le Plan wallon d’investissements en la matière ?

    Quels sont les contacts de Monsieur le Ministre avec le Fédéral et l’Union européenne ?

    Quelles seront les conséquences sur les prix et les volumes des exportations et importations wallonnes au vu de l’écoulement de la production des autres acteurs tels que la Chine, par exemple ?
  • Réponse du 27/03/2018
    • de JEHOLET Pierre-Yves

    En avril 2017, le Président TRUMP a commandé une enquête à son administration sur les importations d’acier et d’aluminium aux États-Unis. Dans ses conclusions, le Département américain du Commerce suggérait notamment la possibilité d’instaurer une taxe d’au moins 24 % contre les importations d’acier et d’au moins 7,7 % contre celles d’aluminium. Comme option alternative, il recommandait l’instauration de taxes d’au moins 53 % contre les importations d’acier originaires de 12 pays – dont le Brésil, la Chine et la Russie – et d’au moins 23,6 % contre les importations d’aluminium originaires de Chine, de Hong Kong, de Russie, du Venezuela et du Vietnam. Les autres pays se verraient quant à eux imposer des quotas. Une troisième option suggérait au Président américain d’imposer des quotas globaux, basés sur 63 % des exportations d’acier de chaque pays en 2017 et sur 87 % de leurs exportations d’aluminium.

    Le 1er mars 2018, le Président TRUMP a annoncé son intention d’imposer des droits de douane de 25 % contre les importations d’acier et de 10 % contre les importations d’aluminium, sans toutefois spécifier clairement quels pays ces droits viseront.

    Le 8 mars 2018, le Président TRUMP a matérialisé son annonce du 1er mars et a promulgué les droits de douane annoncés. Le Canada, 1er partenaire commercial et principal fournisseur d’acier des États-Unis, et le Mexique sont pour le moment exemptés de ces taxes. Le Président américain a annoncé que le sort de ces deux pays dépendra en particulier de l’issue des négociations en cours sur l’accord de libre-échange nord-américain (ALENA). La Maison-Blanche a par ailleurs précisé que tous les pays concernés pourront engager des discussions avec les États-Unis, pour négocier, eux aussi, une éventuelle exemption. C’est un élément important.

    L’entrée en vigueur de ces nouvelles taxes devrait s’appliquer assez vite.

    Les Européens exportent environ 5 milliards d’euros d’acier et un milliard d’euros d’aluminium aux États-Unis. Les États européens qui seraient les plus affectés en cas d’application de ces nouvelles taxes seraient : l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Italie, la Suède, l’Espagne, la France, le Royaume-Uni, l’Autriche, la Belgique, la République tchèque, la Finlande et la Pologne.

    Le montant des exportations wallonnes d’acier en 2016 était de 4,3 milliards euros (dernière année complète), ce qui correspond à 11 % du total wallon. Les ventes wallonnes d’aluminium sur les marchés étrangers représentent des volumes beaucoup plus faibles, avec 193 millions euros exportés en 2016 (0,5 % du total wallon). La destination géographique de ces exportations est concentrée dans l’Union européenne. Les pays membres de l’Union européenne accaparent respectivement 90 % et 80 % des exportations wallonnes d’acier et d’aluminium.

    Les États-Unis sont le 8e client étranger des exportations wallonnes d’acier en 2016 (58 millions d'euros exportés, soit 1,4 % des ventes extérieures d’acier de la Wallonie) et seulement la 25e destination des exportations wallonnes d’aluminium (500.000 euros exportés, soit 0,2 % des ventes extérieures d’aluminium de la Wallonie). En termes de balance commerciale entre la Wallonie et les États-Unis pour ces deux produits, le bilan est largement favorable pour la Wallonie en ce qui concerne l’acier (surplus commercial de +49,5 millions d'euros en 2016), mais déficitaire pour l’aluminium (déficit commercial de -12,3 millions d'euros en 2016).

    Ce dossier est suivi avec une très grande attention depuis de nombreux mois par l’Union européenne. De nombreuses démarches ont été entreprises à tous les niveaux pour tenter d’éviter que le Président américain ne prenne une telle décision. L’Union européenne a ainsi très clairement indiqué aux États-Unis avoir de gros doutes sur la justification (menace sur la sécurité nationale) avancée pour la prise d’une telle mesure. Ce dossier a été très régulièrement mis à l’agenda des réunions du Comité de la Politique commerciale de l’Union européenne et du Groupe de travail Questions commerciales. Les Ministres du Commerce de l’UE en ont également discuté lors du dernier Conseil Affaires étrangères/Commerce informel qui s’est tenu à Sofia les 26 et 27 février derniers. La coordination est intense au niveau européen et les actions envisagées par l’Union européenne ont été clairement exposées par la Commissaire Malström lors de la Conférence presse qu’elle a donnée le mercredi 7 mars. Toutes ces réunions européennes ont été préparées en amont lors de réunions de concertation et de coordination intra-belges auxquelles les différentes Régions du pays sont pleinement associées.

    Le plan d’action européen détaillé par la Commissaire Malmström le 7 mars se décline comme suit :
    * En cas de confirmation d’application de ces taxes à l’Union européenne, dépôt rapide par l’UE d’une plainte auprès de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC). Pour l’UE, ces nouvelles taxes américaines sont en réalité des mesures de sauvegarde déguisée.
    * Adoption par l’UE de mesures de « rééquilibrage » (langage plus diplomatique pour des mesures de représailles) sous la forme de droits de douane contre des produits américains « emblématiques ». À ce stade, une liste d’une centaine de produits pour un montant de 2,8 milliards d’euros – l’équivalent de la part du marché européen de l’acier et de l’aluminium touché par les restrictions américaines- est en discussion au sein de l’Union européenne.
    * Instauration de mesures de sauvegarde contre les produits en acier et en aluminium américains en cas de constatation d’un détournement vers le marché européen des flux étrangers qui ne trouveraient plus de débouchés sur le marché américain.

    L’espoir que ce plan d’actions n’ait finalement pas à être appliqué n’est cependant pas tout à fait perdu : le Président américain a en effet indiqué que tous les pays concernés pourraient entamer des discussions avec les États-Unis pour négocier, eux aussi, une éventuelle exemption. La Commissaire européenne au Commerce, Cécilia Malmstrom, a rappelé ce jeudi 8 mars que l’UE devrait être exemptée de ces taxes et a resouligné que l’UE est un allié proche des États-Unis. Elle a indiqué qu’elle comptait demander plus de clarté sur cette question dans les jours à venir.

    On notera par ailleurs que ces nouvelles taxes sont également contestées au sein même du parti du Président Trump : 107 élus de la majorité ont signé mercredi 7 mars une lettre pressant la Maison-Blanche de « reconsidérer l’idée de droits de douane universels, qui sont des taxes entamant la compétitivité des entreprises et appauvrissant les consommateurs ». La Chambre de commerce américaine dénonçait quant à elle un projet qui frappera directement l’industrie manufacturière américaine à travers de vastes représailles et laissera pratiquement intouché le problème réel de la surproduction chinoise.

    Vu l’importance de ce dossier, le Président du Conseil de l’UE, Donald Tusk a annoncé qu’il sera à l’ordre du jour du Conseil européen des 22 et 23 mars.