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Les pièges à l'emploi.

  • Session : 2005-2006
  • Année : 2005
  • N° : 11 (2005-2006) 1

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  • Question écrite du 17/11/2005
    • de STOFFELS Edmund
    • à MARCOURT Jean-Claude, Ministre de l'Economie, de l'Emploi et du Commerce extérieur

    En septembre dernier, la Fédération des CPAS a publié son analyse 2005 relative aux pièges à l'emploi.

    Selon son hypothèse, certains considèrent qu'en deçà de 115 % de l'allocation de base, accepter un travail ne représente pas une incitation financière suffisante. C'est un constat qui pèse lorsque l'on veut mener une politique de mise à l'emploi.

    Le calcul se base sur la réflexion suivante : outre l'allocation de base appelée « revenus d'intégration sociale », il y a un certain nombre d'incitants financiers ou en nature : tarif social en matière de redevance pour le compteur de distribution d'énergie et de redevance radio et TV, unités gratuites sur la carte téléphonique, allocations familiales majorées, frais de transport diminués, allègement des différentes taxes communales, application d'un maximum à facturer en soins de santé, frais pour la garde des enfants en cas d'acceptation d'un travail, …

    La Fédération des CPAS suggère d'augmenter le salaire minimum et de maintenir un certain nombre d'avantages en cas d'acceptation d'un emploi.

    Certaines de ces suggestions nous concernent soit de façon directe - je pense par exemple aux tarifs des transports en commun - soit de façon indirecte par le biais d'une politique croisée - ici, je pense aux crèches auxquelles les familles monoparentales devront faire appel pour garder leurs enfants.

    D'autres sont de compétence fédérale. Il n'empêche qu'une concertation entre les différentes autorités serait opportune afin de mener une politique cohérente.

    Je souhaiterais poser les questions suivantes à Monsieur le Ministre :

    - premièrement, confirme-t-il la réalité des pièges à l'emploi ; des statistiques sont-elles disponibles ; quelles sont les conséquences que l'on peut en tirer ;

    - deuxièmement, est-il d'avis, comme moi, qu'il serait opportun de mettre le sujet sur la table d'une prochaine concertation interministérielle Fédéral-Régions, et ce, éventuellement après concertation avec ses collègues des autres Régions ?


  • Réponse du 09/12/2005
    • de MARCOURT Jean-Claude

    L'analyse 2005 des pièges à l'emploi de la Fédération des CPAS, de même que le rapport 2005 du Conseil supérieur de l'emploi consacré à la problématique du « Making work pay » (http://www.meta.fgov.be/pa/paa/framesetfrbb03.htm. Voir pp. 116-118 « Revenu d'intégration » et pp. 217-224 « Variation du revenu lors de la transition du RIS vers un emploi et description détaillée de l'incidence financière de cette transition), indiquent qu'il subsiste, en effet, une série de transitions problématiques sur le marché du travail, dont la transition du revenu d'intégration vers un emploi. La situation et particulièrement problématique pour les chefs de ménage acceptant un emploi au salaire minimum, a fortiori, s'il s'agit d'un temps partiel.

    Je suis d'avis qu'il faut continuer à lutter contre ces pièges à l'emploi par des politiques visant à augmenter le « salaire poche » des travailleurs faiblement rémunérés, plutôt que par un durcissement ou une réduction des avantages sociaux dont bénéficient les allocataires. Les mesures visant à augmenter le salaire minimum doivent toutefois permettre de garantir une assise saine à la sécurité sociale.

    Néanmoins, il convient de garder à l'esprit que la plupart des réformes qui auraient une incidence sur l'augmentation du salaire minimum sont du ressort de l'autorité fédérale. Or il s'agit d'un sujet particulièrement sensible pour lequel un débat public, considérant les options idéologiques prises actuellement par certains groupes politiques ne donne aucune garantie d'une issue allant dans le sens que nous souhaitons.

    Toutefois, outre les réformes « fédérales » détaillées plus loin et dont le CSE assure qu'elles ont déjà permis de réduire significativement les risques de pièges, on peut noter qu'en Région wallonne :

    - pour renforcer l'attractivité du Programme de transition professionnelle pour les demandeurs d'emploi bénéficiaires d'allocations de chômage ou du revenu d'intégration sociale, je compte augmenter la subvention en vue de favoriser le contrat PTP à temps plein (arrêté en première lecture) plutôt qu'à 4/5ème temps (comme le prévoyait initialement la mesure) ;

    - pour favoriser un meilleur appariement demande/offre de main-d'œuvre pour le travail saisonnier, un effort particulier sera consenti dans les conventions sectorielles (notamment pour les secteurs verts) ;

    - pour favoriser la (re)mise à l'emploi, en particulier des bénéficiaires du RISt des jeunes chefs de familles monoparentales, les moyens des MIRE (Missions régionales pour l'emploi) viennent d'être renforcés dans le cadre du PST 3 « Inclusion sociale » ;

    - enfin, pour lutter contre les obstacles à la mise à l'emploi, principalement des femmes, 1.950 emplois seront créés dans des structures d'accueil et d'accompagnement, via les dispositifs APE (600 emplois) et PTP (1.350 emplois). Les places d'accueil seront octroyées prioritairement aux travailleurs qui viennent de décrocher un emploi et aux demandeurs d'emploi inscrits dans une démarche d'insertion socioprofessionnelle. La participation financière des parents sera calculée selon les tarifs ONE (proportionnels aux revenus).

    Réformes récentes

    Depuis janvier 2000, diverses mesures ont été adoptées afin d'inciter les allocataires sociaux à transiter vers l'emploi. Ces mesures concernent essentiellement la diminution de la pression fiscale et parafiscale pour les bas revenus et le renforcement de la protection sociale.

    1. Baisse de la fiscalité et de la parafiscalité sur les revenus du travail

    Réduction des cotisations personnelles de sécurité sociale sur les bas salaires

    En janvier 2000, le Gouvernement et les partenaires sociaux ont décidé de relever le salaire net pour les bas salaires à travers une réduction des cotisations personnelles de sécurité sociale. Cette mesure, étendue en avril 2000, s'adresse aux salariés et ouvriers dont le salaire brut à temps plein est inférieur ou égal à 1.570,16 euros (montant en vigueur au 1er octobre 2004), ce qui correspond à 130 % du RMMMG. Il s'agit d'un avantage d'un montant maximum de 102,60 euros pour les ouvriers et de 95,00 euros pour les salariés. Des réductions au prorata sont opérées pour les travailleurs à temps partiel.

    Même si l'effet net de la baisse des cotisations de sécurité sociale est écrémé en partie par la fiscalité, cette mesure a néanmoins pour effet d'augmenter le salaire net des travailleurs à bas salaires de l'ordre de 7 à 8 %.

    Conçue au départ pour une durée déterminée, cette mesure a été prolongée pour une durée indéterminée à partir du 1er janvier 2005 et a été rebaptisée « bonus à l'emploi ». En outre, certains aménagements ont été opérés. Premièrement, le seuil pour lequel les travailleurs bénéficient de l'intégralité du bonus à l'emploi a été abaissé de 1.217,97 euros à 1.194,03 euros. Deuxièmement, le seuil supérieur au-delà duquel aucun bonus n'est octroyé a été relevé de 1.570,16 euros à 1.670,00 euros (138 % du RMMG), allongeant la zone de sortie du dispositif. Troisièmement, le montant de la réduction a été augmenté, passant de 102,60 euros à 113,40 euros pour les ouvriers et de 95,00 à 105,00 euros pour les employés.

    Réforme de l'impôt sur les revenus des personnes physiques

    Un certain nombre de mesures ont été prises dans le cadre de la réforme fiscale d'août 2001, étalées sur les exercices d'imposition 2002 à 2005, en vue de diminuer la pression sur les revenus du travail. Parmi celles-ci, trois ont un impact direct sur l'incitation financière à accepter un emploi. Il s'agit de l'instauration d'un crédit d'impôt pour les bas revenus, du relèvement du taux de la première tranche du barème des charges professionnelles forfaitaires des salariés de 20 à 25 %, ainsi que de l'implémentation d'un crédit d'impôt pour enfants à charge pour les ménages qui ne peuvent pleinement bénéficier de la déduction fiscale.

    Relèvement de la déductibilité fiscale des frais de garde d'enfants

    La déductibilité fiscale des frais de garde d'enfants s'applique aux enfants âgés de moins de trois ans à charge du contribuable. Pour pouvoir déduire ces frais, le contribuable doit bénéficier soit de revenus professionnels, soit de revenus de remplacement. Par ailleurs, les frais de garde doivent avoir été acquittés auprès d'institutions reconnues, subsidiées ou contrôlées par l'institution compétente ou auprès de crèches ou de gardiennes indépendantes sous la surveillance de cette même institution. La déduction pour frais de garde s'effectue proportionnellement aux revenus de chaque conjoint.

    Le relèvement de la déductibilité fiscale des frais de garde s'est opéré en deux temps. Tout d'abord, pour l'exercice d'imposition de 2000, le montant maximum déductible a été relevé passant de 8,55 à 11,16 euros par jour et par enfant (11,20 euros en montant indexé pour 2003).

    Ensuite, à partir de l'exercice d'imposition 2001, le pourcentage déductible est passé de 100 % contre 80 % auparavant.

    2. Renforcement de la protection sociale

    Conservation des allocations familiales majorées pour le trimestre en cours et le trimestre suivant la transition vers l'emploi

    Avant le 1er mars 2000, le droit aux allocations familiales majorées était suspendu en cas d'acceptation d'un emploi d'une durée supérieure à 14 jours. En outre, si le travailleur retombait

    au chômage, il devait à nouveau effectuer une période de stage de six mois avant de bénéficier à nouveau des allocations majorées. Ces deux mesures, fortement désincitatives, ont été supprimées. Dorénavant, la perte des allocations familiales majorées est différée puisque le bénéficiaire continue à percevoir le complément d'allocations pour le trimestre en cours et le suivant. En outre, si le travailleur perd son emploi dans les six mois, il retrouve directement son droit aux allocations majorées.

    Instauration d'allocations complémentaires (uniques) pour les chômeurs de longue durée qui acceptent un travail (allocations de garde d'enfants, de mobilité et de reprise d'emploi)

    Depuis le 1er juillet 2000, les chômeurs complets indemnisés qui enregistrent une durée de chômage minimale d'un an peuvent bénéficier d'un complément de mobilité ainsi que d'un complément de garde d'enfants (uniquement pour les ménages monoparentaux) s'ils transitent vers un emploi à durée indéterminée au minimum à mi-temps. Ces compléments, d'un montant de 743,68 euros bruts, visent à couvrir (partiellement) les coûts directs d'un retour à l'emploi. Ils sont cumulables, mais ne peuvent toutefois être octroyés qu'une seule fois.

    Le complément de mobilité est accordé en cas d'acceptation d'un emploi qui, en raison de la durée de déplacement, n'est pas considéré comme convenable. En d'autres termes, il s'agit d'un emploi pour lequel la distance entre les lieux de résidence et de travail dépasse 25 kilomètres et qui engendre un déplacement d'une durée supérieure à quatre heures ou une absence de la résidence durant plus de douze heures.

    Le complément de garde d'enfants est, quant à lui, octroyé aux parents seuls avec enfants à charge.

    En outre, depuis le 1er juillet 2002, les chômeurs complets indemnisés de 50 ans et plus peuvent percevoir un complément mensuel de revenu d'un montant forfaitaire de 165,62 euros en cas de reprise d'un emploi salarié ou de fonctionnaire. Ce complément, appelé « complément de reprise d'emploi », est accordé en supplément du salaire pour une période renouvelable de six mois. Il est indépendant de l'horaire de travail, du montant de la rémunération et du type de contrat.

    Enfin, pour ce qui est des statistiques, il n'en existe pas à proprement parler. Les conclusions des différents rapports sont en général basées sur l'étude de cas-types. Tout juste peut-on connaître le nombre de bénéficiaires du revenu d'intégration sociale. Il n'est pas possible, à l'heure actuelle, de savoir quelle part de cette population est constituée « d'isolés avec enfants à charge » et encore moins combien d'entre eux ont été confrontés à ce type de piège en raison de la faible rémunération du (ou des) poste(s) qui leur étai(en)t proposé(s).