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L'accord commercial et l'accord de protection des investissements entre l'Union européenne et Singapour

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2018
  • N° : 109 (2017-2018) 1

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  • Question écrite du 08/05/2018
    • de ZRIHEN Olga
    • à BORSUS Willy, Ministre-Président du Gouvernement wallon
    Le 18 avril 2018, la Commission européenne a présenté au Conseil l'accord commercial entre l'Union européenne (UE) et Singapour, ainsi que l'accord de protection des investissements entre l'UE et Singapour.

    Les accords sur le commerce et les investissements entre l'UE et Singapour vont donner une nouvelle dimension aux relations mutuelles et créer de nouvelles opportunités de développement et de création d'emplois pour les entreprises de l'UE et de Singapour. La négociation des accords sur le commerce et les investissements a été effectuée en parallèle avec la négociation d'un accord de partenariat et de coopération. Une fois en vigueur, l'accord de partenariat et de coopération constituera une base légale solide pour poursuivre le développement du partenariat solide établi de longue date entre l'Union européenne et Singapour.

    Quelles sont les dispositions de l’accord commercial ?

    Quelle sera sa date d’entrée en vigueur ?

    Quels sont actuellement les échanges bilatéraux de biens et services entre les entreprises wallonnes et cet État membre de l’Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) ?

    Cet accord est-il la porte d’entrée à d’autres accords bilatéraux avec les nations de l'Asie du Sud-Est ?

    Concernant l’accord de protection des investissements, que recouvre-t-il ?

    Quels seront les leviers supplémentaires de protection dont nous disposerons suite à cet accord ?
  • Réponse du 31/05/2018
    • de BORSUS Willy
    La Commission européenne avait reçu, en 2007, un mandat du Conseil pour entamer la négociation d’un accord de libre-échange avec l’ASEAN (accord UE-ASEAN). Il est rapidement apparu que ce format de négociation de région à région ne permettrait pas d’avancer efficacement. En décembre 2009, le Conseil a décidé d’opter pour l’ouverture de négociations bilatérales avec les pays de l’ASEAN, en commençant par Singapour. Un mandat en vue de négocier un accord de libre-échange avec ce pays a ainsi été octroyé à la Commission. Ces négociations ont été lancées en mars 2010. En septembre 2011, un addendum à ce mandat a été adopté par le Conseil afin d’étendre le champ de la négociation à la protection de l’investissement, compétence européenne depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne.

    Les négociations sur la partie commerciale de l’accord ont été finalisées en septembre 2013 et celles sur la partie investissement ont été conclues en octobre 2014. À la fin octobre 2014, le commissaire Karel De Gucht a décidé de soumettre à la Cour de justice de l’Union européenne la question de la nature de la compétence pour signer et conclure cet accord. La Cour de justice de l’UE a rendu sa décision le 16 mai 2017 et a conclu que l’accord, sous la forme présentée d’un accord global couvrant à la fois les aspects commerciaux et la protection de l’investissement, ne pouvait être conclu par l’Union seule. La couverture des investissements autres que directs étrangers et la présence d’un mécanisme de règlement des différends investisseur-État pour trancher les litiges dans le domaine de l’investissement entraînait la mixité de cet accord.

    Dans ce cadre, la Commission européenne a entamé des négociations avec Singapour afin de remplacer le mécanisme ISDS par un mécanisme de type ICS – Investment Court System – tel que celui présent dans le CETA. Un accord a été trouvé avec Singapour sur le remplacement de l’ISDS par l’ICS en septembre 2017.

    Le 18 avril dernier, la Commission européenne a présenté au Conseil des propositions de décision pour signer et conclure d’une part, l’accord de libre-échange UE-Singapour et d’autre part, l’accord sur la protection des investissements UE-Singapour. Conformément à l’avis rendu par la Cour de justice de l’UE, l’accord de libre-échange UE-Singapour est un accord UE exclusif, tandis que l’accord sur la protection de l’investissement est un accord de nature mixte et nécessitera d’être également ratifié par les États membres.

    Les discussions sur ces propositions de décision sont en cours au sein du Conseil. La Commission souhaiterait que ces deux accords puissent être signés en marge du Sommet UE-ASEAN qui se tiendra en octobre 2018. Le Parlement européen aura ensuite à se prononcer sur ceux-ci, vraisemblablement pas avant le début 2019 et après l’avis que rendra la Cour de justice de l’UE sur la compatibilité de l’ICS contenu dans le CETA avec les traités européens. Une fois le consentement du Parlement européen recueilli, l’accord de libre-échange UE-Singapour pourra entrer en vigueur de manière complète. L’accord sur la protection de l’investissement UE-Singapour devra quant à lui être ratifié par tous les États membres avant d’entrer en vigueur.

    L’accord de libre-échange UE-Singapour est un accord de libre-échange dit de « nouvelle génération ». Il contient des dispositions similaires à celles présentes dans le CETA, mais ne contient cependant pas de chapitre sur la coopération réglementaire.

    S’agissant des échanges de biens entre Singapour et la Wallonie (données fournies par l’AWEX), Singapour est le 56e marché d’exportation de la Wallonie (le 36e pour la Belgique). Les exportations wallonnes vers Singapour représentent entre 60 et 63 millions d’euros. La part de la Wallonie dans les exportations belges vers Singapour est de 4,8 %. Les principaux secteurs d’exportation de la Wallonie vers Singapour sont le pharma (1/3 des exportations – 30,7 %) ; les machines et appareils (1/4 des exportations – 28,5 %) ; l’agroalimentaire (1/5 des exportations – 19,4 % dont les sucres et sucreries, 7,2 %, laits et dérivés, œufs 5,1 %, préparations alimentaires 3,7 % et farine 2,9 %) et la chimie (1/10 des exportations – 10 %). Singapour est le 36e fournisseur de la Wallonie (16e fournisseur de la Belgique). Les principaux secteurs d’importation sont l’optique et les instruments de précision (1/2 des importations – 57,1 %) ; le pharma (1/4 des importations – 26,7 %) et les machines et appareils (1/12 des importations – 8,1 %).

    L’accord de libre-échange UE-Singapour devrait permettre d’augmenter les exportations wallonnes vers Singapour. Les droits de douane sur l’électronique, le pharma et la plupart des produits agricoles transformés disparaîtront ainsi dès l’entrée en vigueur de l’accord.

    Cet accord avec Singapour est le premier accord conclu avec un pays membre de l’ASEAN et constitue une étape dans une négociation d’un accord avec cette dernière. Des négociations bilatérales avec d’autres pays de l’ASEAN sont soit en cours, comme avec l’Indonésie, ou finalisées et en attente de signature dans le cas du Vietnam.

    L’accord de protection des investissements reflète la nouvelle approche européenne et repose sur un équilibre entre d’une part, la protection du droit des États à réglementer et d’autre part, la protection des investissements et des investisseurs. Comme indiqué ci-dessus, le mécanisme de règlement des différends retenu pour trancher les litiges dans le domaine des investissements est de type ICS. Les entreprises auront donc le choix entre le recours aux voies nationales ou l’activation de cette procédure ICS. On notera que l’ICS contenu dans cet accord intègre certaines demandes formulées dans le cadre du débat sur le CETA : un mécanisme d’appel est dès à présent prévu dans l’accord qui contient également un code de conduite avec des règles strictes en termes d’éthique à respecter par les juges.