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Les nouveaux objectifs du Gouvernement concernant le déploiement des compteurs intelligents

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2018
  • N° : 271 (2017-2018) 1

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  • Question écrite du 08/05/2018
    • de TROTTA Graziana
    • à CRUCKE Jean-Luc, Ministre du Budget, des Finances, de l'Energie, du Climat et des Aéroports
    Le projet de déploiement des compteurs intelligents fait l'objet depuis le début de vives critiques, aussi bien sur le plan sanitaire que du respect de la vie privée, du coût, du risque de piratage, etc.

    L'avant-projet de décret du Gouvernement prévoyait un taux de déploiement des compteurs intelligents de 80 % au 31 décembre 2034, et le remplacement complet des compteurs à budget au 31 décembre 2023.

    Ce texte, passé en deuxième lecture le 26 avril, aurait subi plusieurs modifications et, selon les informations, le Gouvernement aurait réduit ses objectifs.

    Une des principales modifications concernerait l'ampleur du déploiement, qui se limiterait non plus à l'ensemble des consommateurs, mais aux plus gros d'entre eux (au-delà d'une consommation de 6000 kWh par an) et ceux qui disposent d'une installation de production d'électricité d'au moins 5 kWe.

    Dans un premier temps, Monsieur le Ministre peut-il préciser les modifications apportées au projet de décret ?

    Ces changements interviendraient suite aux critique et avis émis, mais aussi suite à un voyage en Suède.

    Peut-il détailler ses observations dans le cadre de ce voyage ?

    Que démontre l'expérience suédoise ?

    Des modifications sont-elles apportées concernant le remplacement des compteurs à budget ?

    Suite à ces changements, quel sera l'impact du déploiement sur la facture des consommateurs ?

    Le coût du déploiement sera-t-il répercuté sur l'ensemble des consommateurs ou sur ceux qui disposeront d'un compteur intelligent ?

    Prévoit-il une disposition particulière pour minimiser cet impact pour les détenteurs d'un compteur à budget ?
  • Réponse du 31/05/2018
    • de CRUCKE Jean-Luc
    Comme a pu le lire l'honorable membre depuis l’approbation en 2e lecture le 26 avril dernier, nous avons opéré un certain nombre d’adaptations conformes à notre but d’inscrire la Wallonie dans les défis de demain tout en préservant le droit des citoyens. De manière synthétique, les principales adaptations concernent :
    - une diminution du périmètre de déploiement qui vise aujourd’hui les consommateurs plus importants, c’est-à-dire consommant sur base annuelle plus de 6.000 kWh (la moyenne wallonne est de 3.500 kWh). Nous visons les PME et les ménages qui disposent d’équipement lourd (pompe à chaleur, piscine, sauna, véhicule électrique, chauffage électrique… ). Ces consommateurs représentent environ 15 % du total des consommateurs. Par contre, nous avons réduit la durée du déploiement à 10 ans pour ces consommateurs-là (à la place de 15 ans précédemment) ;
    - la possibilité d’une dérogation pour les personnes « intolérantes » aux compteurs. Nous visons en particulier les cas d’électrohypersensibilité ;
    - la mise en place d’un comité de suivi. Je souhaite assurer la transparence tant vis-à-vis du Parlement que des acteurs de la société civile. Ce comité, piloté par les GRD, devra répondre aux questions qu'elle se pose, que nous nous posons par rapport au déploiement. Il s’agit de mettre sur pied un cénacle d’échange qui permet de suivre les préoccupations, voire les craintes, au fur et à mesure de la mise en œuvre des plans de déploiement.

    La Suède a déployé les compteurs intelligents depuis quelques années auprès de 100 % de ses consommateurs. Ce choix visait à considérer les compteurs comme des éléments essentiels des infrastructures, permettant des relevés automatiques, une gestion optimalisée des systèmes de distribution et une détection facilitée des problèmes de réseau (configuration différente de nos réseaux beaucoup plus « maillés »). Elle envisage à partir de 2019 une deuxième vague, plus portée sur le développement d’applications et de la flexibilité. Leur retour d’expérience et leur engagement derrière ce choix politique m’ont, d’une part, confirmé ma conviction qu’il faut y aller et, d’autre part, qu’un déploiement phasé est plus opportun. Je confirme que les réactions qui nous sont parvenues depuis janvier et les échanges que nous eus avec les uns et les autres nous ont permis de préciser la manière dont nous allions envisager un déploiement progressif. Nous pouvons aujourd’hui mieux préciser comment nous viserons en priorité les plus gros consommateurs. Cela se justifie pour plusieurs raisons très compréhensibles :
    - ces consommateurs sont les plus susceptibles d’utiliser leur compteur, leur motivation est a priori plus élevée : utilisation rationnelle ou flexibilité ;
    - ces consommateurs sont les plus susceptibles d’impacter le réseau ;
    - ils peuvent montrer l’exemple, pour progressivement convaincre les autres consommateurs de l’intérêt ;
    - le coût sera moindre pour la collectivité.

    Nous avons également prévu de faire évaluer annuellement la mise en œuvre du déploiement par la CWaPE. Le Gouvernement aura alors l’opportunité d’envisager d’élargir le périmètre du déploiement. J’espère que les plus petits consommateurs (<6.000 kWh) montreront progressivement un intérêt pour ces compteurs. Si tel est le cas, nous pourrions envisager, d’ici quelques années, de descendre le seuil pour viser un plus grand nombre de consommateurs. Tout cela devra se faire à la lumière d’un suivi transparent et de l’engagement des citoyens dans la transition. Nous les y mènerons progressivement en évitant de passer au forcing.

    La culture suédoise est portée, d’une part, sur la technologie (les Suédois visent à être les premiers) et, d’autre part, sur l’engagement citoyen lorsque des choix politiques sont posés (approche plus « luthérienne » que chez nous). Ces deux raisons ont également justifié que nous ne pouvions suivre le modèle suédois.

    Le cadre pour l’utilisation des compteurs intelligents n’a pas remis en question la politique des compteurs à budget. Ce principe est en effet maintenu, le compteur intelligent étant à ce titre simplement un outil qui permettra de réaliser d’importantes économies opérationnelles dans le chef des GRD.

    Quant aux implications budgétaires du déploiement, étant donné l’atterrissage récent de cette nouvelle mouture, nous avons demandé aux GRD d’actualiser leurs business plans. Ceux-ci sont en cours de révision. Je voudrais cependant rappeler un élément essentiel lorsque nous parlons du coût. Enseignement qui me vient également de la Suède. Le compteur intelligent doit être vu comme un composant des infrastructures du réseau. Il fait partie intégrante du système et ne peut être vu de manière isolée. Il fait partie de la « smartisation » du système et tant son coût que les bénéfices qu’il va générer peuvent difficilement être isolés. Les implications opérationnelles de leur installation et exploitation induisent une modification structurelle dans le business modèle même des GRD. Il ne s’agit pas d’un projet isolé, mais d’une évolution structurelle de leur activité. Concernant les coûts, il est également difficile d’isoler ce qui est spécifique à un compteur intelligent alors que l’activité de comptage fait partie du périmètre du GRD déjà aujourd’hui. Évaluer un surcoût est complexe, voire impossible. La Suède est également bien en peine d’indiquer clairement combien cela coûte et qui paie. Le coût annoncé doit donc être pris avec toutes les réserves d’usage. Je suggère par conséquent de garder à l’esprit non pas le coût, mais bien les limites des évolutions tarifaires que les GRD s’engagent à respecter. ORES, par exemple, a annoncé depuis longtemps s’engager à ce que l’augmentation des charges tarifaires liées à la transition (réseaux et compteurs intelligents, accueil des capacités décentralisées, appel de la flexibilité, etc. bref de nombreuses évolutions du système et de leur métier de base) ne dépasse pas l’inflation. Le régulateur y veillera. Et moi également. J'invite l'honorable membre à ce titre à prendre un rôle actif dans le comité de suivi du déploiement.

    Nous n’avons pas prévu de disposition particulière pour minimiser cet impact pour les détenteurs d’un compteur à budget.