/

L'audition préalable des agents contractuels communaux en cas de licenciement

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2018
  • N° : 340 (2017-2018) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 30/05/2018
    • de WAHL Jean-Paul
    • à DE BUE Valérie, Ministre des Pouvoirs locaux, du Logement et des Infrastructures sportives
    Le licenciement des agents contractuels du secteur public est une matière qui entretient de nombreux débats, et ce, principalement en ce qui concerne le caractère obligatoire ou non de l’audition préalable.

    En effet, le principe de « audi alteram partem » prévoit que toute personne soit entendue par l’autorité publique avant que celle-ci ne prenne une décision à son encontre. Ce principe est un corolaire des droits de la défense en ce qu’il permet à l’administré concerné de faire valoir ses griefs avant que la décision ne soit prise à son encontre.

    Appliqué en matière de licenciement des agents contractuels de la fonction publique, ce principe semble prendre une tournure incertaine quant à son caractère obligatoire.

    Entre doctrines francophones, favorable à cette obligation d’audition et doctrine néerlandophone qui y est opposée, notre cœur balance.

    Ainsi, en Région wallonne, il semble que les pouvoirs locaux avaient opté pour le caractère obligatoire de ce principe et ce, jusqu’en 2015.

    Ainsi, en octobre 2015, la Cour de cassation a estimé que l’audition préalable n’est aucunement obligatoire dans le cas d’un licenciement d’un agent contractuel dans le secteur public.

    Cet arrêt a par la suite reçu un écho favorable par le Conseil d’État en date du 27 février 2016 en confirmant la position de la Cour de cassation.

    Toutefois, le 6 juillet 2017, la Cour constitutionnelle, après avoir été interrogée sur le respect des principes d’égalité et de non-discrimination entre agents statutaires et agents contractuels en cas de non-application de l’audition préalable dans le cadre d’un licenciement, a considéré que la loi sur les contrats de travail en autorisant un employeur public à licencier un agent contractuel pour des motifs graves, sans être tenu de l’entendre préalablement serait contraire au principe d’égalité et de non-discrimination figurant aux articles 10 et 11 de la Constitution.

    Pour la Cour, il n’apparaît pas que l’employé d’une autorité publique qui reçoit son congé soit dans une situation différente selon qu’il ait été recruté comme agent statutaire ou comme agent contractuel. Il y aurait donc une différence de traitement non justifiée entre ces derniers.

    Cette position a été confirmée par un arrêt de la Cour constitutionnelle de ce 22 février 2018.

    Madame la Ministre avouera qu’il est donc difficile, pour un pouvoir local, de savoir avec certitude dans ce contexte quelle procédure appliquer.

    Pourrait-elle nous faire part de sa position en la matière ?

    Au vu des débats qui opposent divers acteurs à ce sujet, que recommande-t-elle aux autorités publiques ?

    Le respect du principe « audi alteram partem » est-il de mise concernant le licenciement d’agents contractuels ?
  • Réponse du 14/06/2018
    • de DE BUE Valérie
    La problématique de la motivation formelle et de l’audition préalable dans cadre du licenciement des agents contractuels du service public a déjà fait couler beaucoup d’encre. En particulier, la question de l’audition des agents contractuels engagés par une autorité publique était depuis longtemps discutée, tant en doctrine qu’en jurisprudence.

    Comme le souligne l'honorable membre, la Cour constitutionnelle dans un arrêt du 6 juillet 2017 s’est à son tour penchée sur la question dans le cadre d’un licenciement, sans motif grave. La Cour constitutionnelle s’est prononcée en faveur de l’applicabilité du principe du droit d’être entendu aux travailleurs contractuels engagés par une autorité publique. Cet arrêt remet donc en cause la position de la Cour de cassation développée dans son arrêt du 12 octobre 2015.

    Il résulte désormais clairement, depuis cet arrêt, que les autorités publiques, dont les Pouvoirs locaux, sont tenues d’auditionner l’agent contractuel préalablement au licenciement pour des motifs liés à sa personne ou à son comportement.

    La question demeurait encore controversée en ce qui concerne le licenciement pour motif grave, certains auteurs considéraient en effet que l’exigence d’audition préalable n’était pas compatible avec l’article 35 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, lequel impose le respect d’un délai de 3 jours pour notifier le congé pour motif grave.

    Dans un arrêt du 22 février 2018, la Cour Constitutionnelle a également pris position en faveur de l’audition préalable. En cas de licenciement d’un agent pour motif grave, il s’impose également à l’employeur public, quel qu’il soit, de procéder, préalablement, à l’audition de l’agent.

    Quant à la portée des arrêts de la Cour constitutionnelle, il convient de souligner que de tels arrêts, rendus sur questions préjudicielles, ont autorité de chose jugée « erga omnes ». En effet, d’après Maîtres Philippe LEVERT et Lawi ORFILA, dans « L’audition du travailleur contractuel dans le secteur public », in Le blog du secteur public, IFE : « L’arrêt a également une autorité renforcée à l’égard de toute autre juridiction, saisie d’un litige ultérieur, qui serait confrontée à la même question que celle ayant donné lieu à l’arrêt préjudiciel. (…) ».

    Dès lors, j’estime que les Pouvoirs locaux doivent respecter le principe « audi alteram partem », préalablement à l’adoption de toute mesure grave prise pour des motifs liés à la personne de l’agent ou à son comportement.