à BORSUS Willy, Ministre-Président du Gouvernement wallon
« Pour conclure, il semble difficile de comparer de façon scientifique ces résultats avec le nombre de délocalisations d’entreprises hors Wallonie. Les statistiques fiables sur les délocalisations d’entreprises sont inexistantes ou muettes en Belgique. Les dernières études sérieuses sur ce sujet datent des années 1990 sous la houlette du Bureau du Plan. »
Telle est la conclusion que tire Monsieur le Ministre dans le cadre d’une réponse à ma QE (n°360) sur les « investissements étrangers en Wallonie ».
Et pourtant, pour saisir correctement la position de la Wallonie en termes de compétitivité des entreprises, il ne serait pas inintéressant d’examiner de plus près les délocalisations et leurs raisons.
Peut-on donc espérer que Monsieur le Ministre demande à l’IWEPS d’actualiser la recherche de 1990 ?
Réponse du 27/06/2018
de BORSUS Willy
Les études du Bureau fédéral du Plan (BFP) des années 1990 sur les délocalisations, auxquelles cette question écrite fait référence, sont des études de grande ampleur qui ont mobilisé plusieurs équipes de chercheurs et bénéficié du soutien de diverses institutions (administrations, syndicats, fédérations patronales, et cetera). L’étude initiale date de 1994, tandis qu’une actualisation a été produite en 1998. Une troisième étude a été menée par le BFP en 2000, dans le cadre d’un projet SSTC1, avec des partenaires académiques et intègre à la thématique des délocalisations la question de l’innovation.
Ces études comportaient plusieurs volets et se basaient sur divers outils statistiques, pour lesquels il n'existe pas forcément d'équivalent régional aujourd'hui.
Une première partie des analyses portait sur les flux commerciaux, avec des pays réputés destinataires de délocalisations. À cet égard, il existe des informations régionales. Toutefois, les rapports soulignent la difficulté de cerner la problématique des délocalisations avec cette seule approche du commerce extérieur.
Une seconde composante importante du premier volet des analyses nationales de l’époque touchait aux investissements directs étrangers. À ce propos, comme il n'existe pas de balance de paiements régionale, il n'y a pas de données exhaustives des investissements directs étrangers, entrants ou sortants, à l’échelle régionale. À l'échelle régionale, seules des informations relatives aux projets d'investissements greenfield sont connues par sondage ou suivies par les agences régionales compétentes en la matière.
Outre l’aperçu macroéconomique donné par l’analyse du commerce extérieur et des investissements directs étrangers, les rapports fournissaient une analyse des participations à l'étranger, au départ de données bilantaires et via sondage. Ce type d’approche exige de constituer une base de données microéconomique. À l’époque, celle-ci avait été mise en place avec le soutien du Ministère des Affaires étrangères. Par ailleurs, les participations interrégionales, cruciales à l'échelle d'une région comme la Wallonie, sont à ce jour peu documentées.
En plus de l'identification macro et microéconomique du phénomène de délocalisation, les études du BFP analysaient les déterminants/motivations via des enquêtes appropriées. Les conséquences des délocalisations, en termes d'emplois notamment, étaient également traitées par des analyses sectorielles de destructions et créations d'emploi. Si nous ne disposons pas d’enquêtes sur les déterminants, les conséquences en termes d’emplois, en revanche, peuvent être analysées au niveau régional grâce au projet Dynam2 auquel participe l'IWEPS depuis plusieurs années.
Plus récemment, la question de la délocalisation a été abordée par le BFP de façon plus large, en particulier via le concept d'offshoring. Dans un contexte globalisé, avec des chaînes de valeur fragmentées, c'est par l'intensité du recours à l'importation, de biens intermédiaires par exemple, que le phénomène de délocalisation peut être approché. Ce type d'analyses repose sur des tableaux entrées-sorties successifs (comparables) et leur couplage à des tableaux entrées-sorties mondiaux. Bref, si les outils sont en cours de développement à l'échelle régionale, ils demeurent incomplets à ce jour. Une analyse scientifique globale et complète des délocalisations constituerait dès lors un travail d'ampleur émaillé de nombreux défis méthodologiques.