L'arrêt du Tribunal de l'Union européenne confirmant les restrictions d'utilisation de certains néonicotinoïdes
Session : 2017-2018
Année : 2018
N° : 510 (2017-2018) 1
2 élément(s) trouvé(s).
Question écrite du 05/06/2018
de PUGET André-Pierre
à COLLIN René, Ministre de l'Agriculture, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité, du Tourisme, du Patrimoine et délégué à la Grande Région
Dans un arrêt rendu le 17 mai, le Tribunal de l’Union européenne a autorisé les restrictions d’utilisation imposées par la Commission européenne en 2013 à trois néonicotinoïdes, des insecticides considérés comme nocifs pour les abeilles.
Ces restrictions furent alors contestées en justice par Bayer et Syngenta.
L’Union européenne avait décidé en avril dernier d’interdire l’utilisation de trois pesticides néonicotinoïdes sur son sol dès janvier 2019, ces trois produits (la clothianidine, l’imidaclopride et le thiaméthoxame) s’attaquant au système nerveux central des abeilles.
Pour rappel, lors des votes, la Belgique s’était alors abstenue.
Le 17 mai, le Tribunal a confirmé l’interdiction des trois néonicotinoïdes à toutes les cultures en plein champ et non plus seulement aux cultures sous serre, reconnaissant que la Commission européenne avait le droit de restreindre leur usage afin de protéger les abeilles.
Au-delà de l’effet sur les abeilles, ce sont leurs effets en cascade sur d’autres espèces animales qui ont également été mis en évidence.
En octobre 2017, une étude publiée dans la revue scientifique PLoS One suggérait que les populations d’insectes avaient chuté de près de 80 % en moins de 30 ans en Europe.
Sur le banc des accusés : les nouvelles méthodes de protection des cultures qui comprennent les néonicotinoïdes.
Le Tribunal a rejeté « dans leur intégralité » les recours de Bayer et Syngeta. Il se base notamment sur des études qui soulevaient des préoccupations sur les conditions d’approbation des néonicotinoïdes, alors que l’UE s’était dotée de règles de protection des abeilles afin de sauvegarder leur rôle de pollinisateurs pour la flore et les cultures arables.
Dans un autre arrêt du 17 mai, le Tribunal a en revanche annulé les restrictions imposées sur l’utilisation du Fipronil, un insecticide commercialisé par BASF et qui fut récemment au cœur du scandale des œufs contaminés.
Ce recul est motivé par le fait que la Commission européenne n’aurait pas mené une évaluation pertinente des conséquences de sa décision.
BASF affirmait en 2004 que « si les produits contenus dans le Fipronil étaient utilisés correctement, ils ne présentaient pas de risques pour les humains, les animaux ou l’environnement ».
La firme allemande reconnaissait toutefois une augmentation du taux de mortalité des abeilles dans de nombreux pays européens, mais estimait que ce phénomène pouvait avoir plusieurs causes parmi lesquelles des infections ou une pénurie de surfaces horticoles en fleurs.
Comment Monsieur le Ministre accueille-t-il ces deux arrêts du Tribunal de l’Union européenne ?
Sur le second arrêt relatif au Fipronil, que pense-t-il de la motivation de la Commission qui est épinglée par le Tribunal ?
Quelle est son opinion par rapport aux arguments soulevés par BASF à l’égard de l’augmentation du taux de mortalité des abeilles ?
Réponse du 07/06/2018
de COLLIN René
Les deux arrêts du Tribunal de l’Union européenne apparaissent, en première lecture, contradictoires. Toutefois, en tant que légaliste, je ne me permettrai pas de commenter une décision de justice.
Pour l’interdiction de l’usage des trois néonicotinoïdes, le Tribunal confirme que la Commission européenne avait le droit de restreindre leur usage pour la protection des abeilles. En revanche pour les restrictions d’utilisation du Fipronil, il donne raison à BASF qui contestait cette décision. N’oublions pas non plus que le tribunal déplore, dans le cas du Fipronil, que les effets attribués à cette molécule sont incertains. L’Agence de sécurité alimentaire européenne (EFSA) a réalisé de nombreuses études sur les néonicotinoïdes, il était donc plus facile pour le Tribunal de s’appuyer formellement sur celles-ci.
Je ne me prononcerai pas sur les arguments soulevés par BASF à l’égard de l’augmentation du taux de mortalité des abeilles.
Par contre, sur la base des études menées en Wallonie, je tiens à rappeler que les causes de diminution des populations d’abeilles sont multifactorielles et peuvent être notamment dues à des changements environnementaux (fragmentation et perte de l'habitat, par exemple). La disparition ou la forte diminution de certaines espèces d'abeilles sauvages est due, selon les scientifiques, à de multiples causes dont les principales, outre l’utilisation de certains pesticides, sont identifiées. Il s’agit de la raréfaction et l'isolement des milieux sauvages (haies, talus, bosquets, et cetera) ; de la disparition des fleurs des champs ; de la disparition des prairies maigres fleuries ; de la raréfaction des cultures de légumineuses ; de l'entretien exagéré des bords de routes, terrains vagues, talus, et cetera.
C’est pourquoi le Plan Maya a tout son sens dans la politique wallonne que nous menons.
Par ailleurs dans le secteur agricole, outre la mise en œuvre des mesures agroenvironnementales, je plaide pour la mise en place d’une approche systématique de protection intégrée qui vise à limiter les quantités d’insecticides utilisés en agriculture, comme le prévoit la réglementation européenne qui impose l’application par tous les agriculteurs des principes généraux de la lutte intégrée contre les ennemis de culture. 50 % des agriculteurs wallons se sont inscrits dans cette démarche sur base volontaire !