La réalité de la dépendance du secteur betteravier aux néonicotinoïdes
Session : 2017-2018
Année : 2018
N° : 513 (2017-2018) 1
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Question écrite du 05/06/2018
de STOFFELS Edmund
à COLLIN René, Ministre de l'Agriculture, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité, du Tourisme, du Patrimoine et délégué à la Grande Région
L’utilisation des néonicotinoïdes est toujours présentée comme indispensable par le secteur betteravier.
Depuis 2015, le Groupement des agriculteurs biologiques du Nord-Pas-de-Calais (Gabnor) travaille au développement d’une filière régionale de sucre de betterave bio. Comme en Belgique, ce type de culture est très présent dans la région des Hauts de France.
Gabnor : « Nous travaillons avec des semences qui ont un enrobage neutre, fait d’argile et de bois. Cela facilite le semis et accélère la levée des graines et bien sûr nous n’utilisons aucun enrobage contenant des pesticides. Évidemment nous n’avons encore travaillé que sur de petites surfaces, mais beaucoup d’agriculteurs se sont installés dans un certain confort en utilisant des semences avec un enrobage de néonicotinoïdes ».
Il ressort de cette prise de position que l’enrobage de la semence en y ajoutant des néonicotinoïdes n’est pas indispensable.
Monsieur le Ministre estime-t-il que l’utilisation des néonicotinoïdes est indispensable au secteur betteravier wallon ?
A-t-on évalué l’impact, en termes d’image, d’un secteur sucre qui pourrait se prévaloir de ne pas utiliser de néonicotinoïdes ?
Réponse du 07/06/2018
de COLLIN René
Sur les 40 dernières années, de façon ininterrompue, des centaines d’essais de plein champ ont été réalisés par le Centre wallon de recherches agronomiques (CRA-W) dans les fermes de Wallonie. Le CRA-W a testé tous les produits insecticides qui ont été utilisés pour protéger la betterave, depuis les produits utilisés en pulvérisation aérienne jusqu’aux néonicotinoïdes en enrobage de semences, en passant par les microgranulés dans la ligne de semis.
Il ressort de cet historique que la quantité et la nature des produits utilisés ont considérablement évolué dans le bon sens, au bénéfice de l’environnement et de la protection de la biodiversité.
Deux constats ressortent des parcelles témoins non traitées : - la culture de betteraves est extrêmement vulnérable pendant les premières semaines de sa croissance face à une grande variété de ravageurs dont la plupart sont imprévisibles. Une année sur trois ou quatre, il y a un risque important de culture ratée ; - ces parcelles témoins ne sont pas systématiquement anéanties par les ravageurs, mais la probabilité d’y observer des dégâts graves est élevée.
GAFNOR annonce réaliser des essais sur de petites surfaces depuis 2015, soit au maximum trois campagnes. Je pense qu’il faut une période d’observation bien plus longue pour tirer des conclusions fondées.
À très court terme, à savoir 2019, tant en culture conventionnelle qu’en agriculture biologique, l’abandon des néonicotinoïdes expose les betteraviers à de très grands risques, qui en agriculture conventionnelle seront gérés par le recours à d’autres insecticides parfois en pulvérisation aérienne.
Pour ma part, je me situe toujours dans le cadre de la résolution du Parlement wallon du 17 novembre 2017 qui demandait au Gouvernement : - de prendre des dispositions immédiates pour interdire l’utilisation sur le territoire de la Wallonie de tous pesticides contenant des néonicotinoïdes. Pour l’usage professionnel, cette interdiction, sur base de l’expertise du Centre wallon de recherches agronomiques (CRAW) et des centres pilotes, sera mise en œuvre lorsqu’il existe des alternatives moins nocives pour la santé et l’environnement, efficaces sur le plan agronomique et économiquement réaliste ; - de prévoir dans le plan triennal de recherche agronomique des recherches prioritaires pour mettre au point des itinéraires techniques alternatifs permettant de s’affranchir des néonicotinoïdes dans tous les secteurs de production, avec une attention particulière aux secteurs des betteraves, des chicorées et de la production de plants de pommes de terre.
Dès lors, je ne souhaite pas ajouter à l’instabilité économique, fruit de l’abandon des quotas, un risque phytosanitaire qui viendrait menacer l’équilibre financier de l’ensemble de l’exploitation alors que le secteur betteravier wallon est un des plus productifs au monde.
Pour les agriculteurs qui désirent continuer dans cette voie, je continuerai à soutenir l’approche d’une exception pour les betteraviers le temps de trouver des alternatives qui ne menacent pas la rentabilité des exploitations.