à COLLIN René, Ministre de l'Agriculture, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité, du Tourisme, du Patrimoine et délégué à la Grande Région
Plusieurs études menées en Allemagne et aux Pays-Bas tirent la sonnette d’alarme : le nombre de papillons de nuit et de coléoptères aurait diminué de moitié en 20 ans dans les pays du nord de l’Europe. Pour rappel, en 2013, l’agence européenne de l’environnement faisait le même constat, en signalant le déclin de plusieurs populations de papillons. Selon Natuurpunt et Natagora, ce bilan s’applique également à la Belgique qui ne compterait plus que 48 espèces de papillons de jour comparé aux 64 espèces présentes il y a encore quelques années.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer la disparition des espèces d’insectes : les spécialistes citent l’urbanisation, l’intensification des pratiques agricoles, les pesticides, la destruction des habitats naturels, et le réchauffement climatique. Cette diminution de la présence des papillons et des coléoptères s’inscrit dans une disparition plus globale des insectes. Disparition qui, je le rappelle, serait catastrophique pour l’écosystème puisqu’ils y remplissent des fonctions importantes. Les papillons, eux, participent à la reproduction des plantes sauvages en transportant le pollen de fleur en fleur, et constituent la nourriture d’un grand nombre d’oiseaux.
Dans ce contexte, les chiffres belges et wallons relatifs au recensement des insectes restent malheureusement rares.
En 2013, le prédécesseur de Monsieur le Ministre énonçait, dans le cadre de la préservation des papillons, les mesures et plan suivant, alors d’application : le réseau Natura 2000 qui fixait des objectifs de préservation pour les habitats de grand intérêt biologique, et le programme Life « action de préservation des papillons menacés ».
Monsieur le Ministre dispose-t-il de chiffres quant à la situation wallonne ?
Comment explique-t-il la rareté, en 2018, des chiffres de recensement de la population des papillons en Wallonie ?
Peut-il actualiser les mesures et plans mis en œuvre pour la préservation des papillons en Wallonie ?
Réponse du 25/06/2018
de COLLIN René
Les études récentes menées en Allemagne (2017) et aux Pays-Bas (2018) ont mis en évidence un déclin quantitatif global de la biomasse des insectes dans le nord-ouest de l’Europe. Certaines informations complémentaires ont déjà été fournies dans la réponse à la question écrite n°157 de Mme MORREALE.
Les chiffres relatifs à la diversité en espèces, qui constituent un aspect distinct de celui de la biomasse, avancés dans la question et concernant la situation des papillons de jour de Belgique se rapportent en réalité à la situation en Flandre. 51 espèces ont été observées au cours de la dernière décennie, sur un total de 70 espèces qui y ont été répertoriées depuis le XIXe siècle (-27 %). La situation est en fait beaucoup plus favorable en Wallonie où 94 espèces ont encore été notées au cours des dernières dix années, sur un total de 115 espèces enregistrées depuis 200 ans (-18 %) (et 119 espèces en Belgique, quatre espèces n’étant connues que de Flandre). Ce contraste entre la Flandre et la Wallonie s’explique par une diversité écologique plus élevée, avec un relief et une géologie plus variés, et une pression humaine plus faible, surtout au sud du sillon Sambre-et-Meuse.
À l’instar des libellules, les papillons de jour font l’objet d’un suivi régulier par le Département de l’Étude du milieu naturel et agricole (DEMNA), avec le concours d’un réseau d’observateurs amateurs, le Groupe de Travail Lycaena. Un ouvrage détaillé à propos de la faune wallonne des papillons de jour est paru en 2008, dans la collection « faune, flore, habitats » du DEMNA. Il présente une synthèse des connaissances sur la distribution, la fréquence et les tendances des espèces, ainsi qu’une liste rouge dont la mise à jour est prévue d’ici 2020. Une actualisation des informations peut être consultée sur le site consacré à la biodiversité : http://biodiversite.wallonie.be/.
Cinq espèces considérées comme précédemment disparues sont réapparues sur le sol wallon, alors que trois autres se sont éteintes depuis. Une espèce trouvée pour la première fois en 2006, le Nacré de la Ronce, a aussi colonisé progressivement la région à partir de la France, favorisée par le réchauffement du climat. Elle s’observe aujourd’hui fréquemment jusqu’à hauteur de Liège ou de Charleroi.
Les actions entreprises en faveur des papillons comprennent les mesures générales de conservation des milieux dans le cadre de Natura 2000 et de la politique wallonne de Conservation de la Nature. Concrètement, la gestion des prairies a par exemple été étudiée afin de maintenir et favoriser les papillons de jour, qui s’avèrent particulièrement sensibles aux engrais, aux fauchages et pâturages trop intensifs. Cette gestion est maintenant progressivement adaptée dans un nombre croissant de réserves naturelles, le long des bords de routes via les 16.097 km en « fauchage tardif », soit 3.220 hectares répartis sur 229 communes wallonnes, les bords de routes régionales et 368 hectares le long des voies hydrauliques et dans le cadre des mesures agri-environnementales et des « prairies de haute valeur biologique », soit 10.210 hectares.
Par ailleurs, des mesures plus particulières ont été appliquées dans le cadre du projet Life papillons, qui a restauré plus de 600 hectares de milieux favorables dans cinq régions de Wallonie de 2009 à 2014. Ils ont livré déjà des résultats très fructueux, notamment dans les forêts de Fagne et Famenne.