à COLLIN René, Ministre de l'Agriculture, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité, du Tourisme, du Patrimoine et délégué à la Grande Région
La valorisation du digestat, l'un des deux produits du processus de méthanisation de matières organiques comme fertilisant, permet une économie d’énergie très importante, une forte réduction des émissions de CO2 de l’agriculture utilisatrice d’intrants de synthèse, ainsi qu’une fixation du carbone atmosphérique dans le sol.
Par ailleurs, fertiliser avec les digestats pour remplacer la fertilisation de synthèse montre plusieurs avantages. Le digestat apporte une matrice organique qui retient bien les éléments fertilisants dans le sol et limite la pollution des nappes phréatiques, la forme d’azote qu’il contient est pour moitié de l’azote ammoniacal et pour moitié de l’azote organique, tous deux bien retenus par la matrice du sol.
Les digestats, s’ils sont issus de produits exclusivement végétaux et d’une origine tracée (issu de l’agriculture biologique ou conventionnelle) peuvent être valorisés en agriculture biologique.
Par conséquent, quelle est la traçabilité des substrats ?
Comment s’organise-t-elle afin de s’assurer qu’il n’y ait pas de contamination ?
Des fertilisants produits à partir de cultures non biologiques peuvent-ils être utilisés en agriculture bio ?
Réponse du 25/06/2018
de COLLIN René
Les unités de biométhanisation sont soumises à des conditions sectorielles établies dans l’arrêté du Gouvernement wallon du 24 avril 2014. Lorsque le digestat est destiné à être épandu sur les sols, l’utilisation de biomatières dites non dangereuses est autorisée, au niveau du digesteur lorsque celles-ci répondent à des normes de teneur d’éléments métalliques, d’impuretés (verres, plastic, métal) ou de pierres. Certaines biomatières considérées comme déchets peuvent être utilisées si elles figurent sur la liste reprise dans l’annexe de l’arrêté.
Les biomatières entrant en biométhanisation et les matières utilisées en post-traitement ne peuvent contenir une quantité de contaminants telle qu’elle risque de compromettre la filière de valorisation.
Avant l’injection dans le digesteur, ces matières doivent faire l’objet d’une procédure d’acceptation préalable. La récolte des informations relatives à leur origine ainsi que la vérification de l’innocuité de celles-ci sont une obligation pour l’utilisateur.
Cette procédure d’acceptation préalable ne s’applique cependant pas pour les déchets verts, le bois forestier et les déchets de bois non traités de première transformation, les cultures et les résidus de culture, les déchets ménagers issus du tri sélectif, les déchets couverts par un certificat d’utilisation visant la valorisation agricole, ainsi que les effluents d’élevage.
L’exploitant de l’unité de biométhanisation doit tenir un registre des entrées et mettre en place un système de contrôle et de suivi des mouvements des biomatières au sein de l’installation, assurer un cloisonnement des différentes phases et garantir la traçabilité des biomatières et des digestats. Toute modification de la liste des intrants doit faire l’objet d’une approbation préalable par l’administration.
L’utilisation du digestat en agriculture biologique est également conditionnée au caractère biologique des biomatières injectées dans le digesteur. Toutefois, lorsque cette possibilité ne permet pas de couvrir les besoins nutritionnels des végétaux, certains engrais et amendements du sol peuvent être utilisés en production biologique. Ceux-ci sont listés en annexe du règlement européen relatif à l’agriculture biologique, dont le « Digestat de biogaz contenant des sous-produits animaux codigérés avec des matières d'origine végétale ou animale ».
Ceci autorise donc l’utilisation de digestats issus de la biométhanisation de substrats relativement variés, mais certaines limitations s’appliquent néanmoins sur l’origine de ces substrats. Notamment, les sous-produits animaux ne doivent pas provenir d'élevages industriels. La traçabilité mise en œuvre doit être en mesure de garantir que ces conditions sont rencontrées. Par contre, le règlement n’impose pas que les substrats soient issus du secteur biologique.
Il convient de rappeler que la réglementation bio actuelle ne prévoit pas la certification des intrants tels que les matières fertilisantes. C’est au cultivateur bio qu’il revient de s’assurer que les intrants utilisés satisfont aux règles de production du cahier des charges. Les opérateurs concernés, les structures d’encadrement, les organismes de contrôle et les autorités compétentes, chacun dans les limites de leur champ d’action, apportent leur soutien pour encadrer au mieux cette prise de décision.
À titre d’exemple, en 2017, mes services se sont prononcés sur les conditions d’utilisation en agriculture biologique du digestat issu d’une installation spécifique de biométhanisation, suite à l’initiative du responsable de cette installation qui a demandé une confirmation que son digestat serait compatible avec la réglementation pour un usage sur les terres de culture biologique.