à JEHOLET Pierre-Yves, Ministre de l'Economie, de l’Industrie, de la Recherche, de l’Innovation, du Numérique, de l’Emploi et de la Formation
Certains emplois seraient appelés à disparaitre, d’autres à changer profondément. Les jeunes et les moins qualifiés seraient les plus touchés.
Des chercheurs de l’OCDE avaient estimé que seulement 10 % des emplois risquaient, avec une forte probabilité, d’être automatisés.
Des estimations très différentes reflètent la difficulté d’appréhender le problème. Elles tiennent également de la méthodologie retenue.
Il y a des tâches qui en l’état actuel des technologies, sont difficilement automatisables, puisqu’elles font appel à l’intelligence cognitive.
Un emploi sur sept menacé ?
En moyenne, au sein de l’OCDE, 14 % des emplois existants seraient plus ou moins facilement automatisables (probabilité d’automatisation supérieure à 70 %). Et même si ce pourcentage semble faible, il concerne 66 millions de personnes dans les 32 pays étudiés.
En plus de ces emplois menacés de disparition, il faut ajouter 32 % d’emplois exposés à un risque d’automatisation compris entre 50 et 70 %, autrement dit, pour lesquels plus de la moitié des tâches sont potentiellement automatisables, et donc fortement affectées par la robotisation.
Il s’agit d’un défi majeur pour nos sociétés.
Les résultats pour la Belgique sont ± dans la moyenne de l’OCDE. En effet, 14 % des emplois actuels seraient menacés par l’automatisation et 28,5 % de plus seront affectés. Cela représente tout de même 660 000 emplois qui pourraient disparaître et 1,35 million de plus qui serait transformé.
L’automatisation toucherait surtout des emplois dans les secteurs agricole et manufacturier. Dans les services, certaines activités seraient affectées, les activités de poste et de courrier, de transport terrestre et de restauration seraient facilement automatisables. En général, les emplois les moins qualifiés seraient les plus exposés.
Plus étonnants, les jeunes, même qualifiés, pourraient en payer les pots cassés, que ce soit les jobs étudiants qui sont souvent peu qualifiés, mais également pour les premiers pas dans la vie active là où les jeunes diplômés occupent souvent une fonction routinière.
Les scientifiques ne sont pas unanimes dans leur analyse quant à l’impact de la digitalisation sur l’emploi. Les uns disent que des emplois correspondant aux petites qualifications seront menacés de disparition, tandis que l’on cherchera davantage d’ingénieurs et d’informaticiens. D’autres disent que ce serait avant tout les emplois qualifiés où l'on va tenter d’automatiser un maximum, parce que ce sont ceux qui pèsent le plus lourd dans la masse salariale et dans la compétitivité des entreprises.
Enfin, une troisième école avance l’idée que des emplois salariés classiques vont être remplacés au fil des années par des emplois indépendants où le travailleur aura une relation de type « contrat d’honoraire » avec l’entreprise.
Finalement, je pense que cela va être un mélange des différents scénarios décrits, entraînant d’un côté des pertes d’emplois et de l’autre, de nouveaux emplois nécessitant davantage des profils qualifiés, ce qui augmenterait les risques liés aux métiers en pénurie.
Quelle est l'analyse de Monsieur le Ministre de la question ?
Dispose-t-il d’éléments qui lui permettent d’esquisser un pronostic d’ici 2030 quant aux impacts de la digitalisation sur l’emploi, ce qui permettrait d’esquisser ici et maintenant des parcours de formation mieux adaptés aux exigences futures ?
Réponse du 28/06/2018
de JEHOLET Pierre-Yves
Il est indéniable que nous traversons une phase importante de transition due à l’automatisation. Oui l’automatisation va engendrer la disparition de certains emplois, la transformation et l’adaptation de certains autres (Selon l’IWEPS l’emploi wallon serait impacté à différents niveaux : 11% avec un risque très élevé, 50% avec un risque élevé et 39% avec un risque modéré). Certains secteurs seront davantage impactés.
Ce qui est vrai également c’est que : * Premièrement, le robot va libérer le travailleur de tâches répétitives et pénibles ;
* Deuxièmement, l’automatisation va créer de nouveaux métiers (le FOREm en a déjà identifié plus d’une quarantaine) ;
* Troisièmement, vont apparaître de nouvelles formes d’emploi et de nouveaux statuts répondants à des besoins individuels qui se font de plus en plus sentir (flexibilité, autonomie, meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle, mise à profit de ses talents, besoin de reconnaissance, …)
Une étude « Strategic Workforce Plan » d’Agoria, menée en collaboration avec les 3 principaux services publics de l’emploi en Wallonie, est en cours et nous permettra d’avoir un éclairage supplémentaire quant aux effets de l’automatisation sur les secteurs, les groupes professionnels et les grands domaines de compétence d’ici 2030.
Mais la transformation numérique est en marche depuis plusieurs années et a déjà impacté la formation. A titre d’exemples : * L’AMEF, la cellule prospective métier du FOREm, dans le cadre des DAS (Domaine d’activités stratégiques), a réalisé un screening des métiers afin de soutenir et d’anticiper la transformation digitale des métiers et le développement des compétences. Cet état des lieux permet d’orienter l’adaptation de l’offre de formation du FOREm, du réseau IFAPME et du réseau des centres de compétences. * Le FOREm et ses partenaires ont également développé un plan visant à mettre en place un outil d’évaluation des compétences numériques des citoyens et plus particulièrement des demandeurs d’emploi. Il est complété par une offre modulaire de formation en fonction des lacunes identifiées et adossé au référentiel européen DigComp 2.0. * Le FOREm, avec son plan numérique, fait évoluer toutes les formations pour une prise en compte continue de la numérisation des métiers. * L’IFAPME a mis en en place 2 projets importants : le projet digital e-learning et les classes de demain. L’objectif est notamment d’intégrer l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication auprès des apprenants mais aussi des formateurs. * En ce qui concerne les entreprises, il est crucial qu’elles investissent massivement dans la formation continue de leurs travailleurs pour maintenir leur employabilité dans une économie digitalisée. A ce jour, à peine 16% de nos entreprises ont un plan de formation établi tenant compte des nouveaux enjeux numériques. Outre les campagnes de sensibilisation en la matière organisées par l’AdN, certains outils d’auto-diagnostique permettent aux entreprises d’estimer leur niveau de maturité numérique. Cette évaluation débouche sur des conseils concrets compte tenu des résultats obtenus. En outre, le mécanisme des chèques entreprises comporte également une offre transformation digitale, qui comporte un volet formation.
Ce n’est bien entendu qu’un début. Il faut aller plus loin et vite. C’est de manière conjointe, en associant les acteurs de la formation et de l’enseignement, les politiques et les secteurs, qu’on y parviendra. Mon ambition est de couvrir toute la chaîne de formation et de sensibilisation à destination des enfants, des étudiants, des formateurs, des citoyens et des entreprises à travers l’accessibilité des formations des centres de compétences aux élèves et professeurs, l’adaptation des formations professionnelles initiales du FOREm ou de l’IFAPME, à travers des projets comme Wallcode mais aussi la formation continue des travailleurs, la sensibilisation aux « soft skills », ces compétences transversales très attendues dans les prochaines années, compétences qui permettront d’apporter de la valeur ajoutée par rapport à la machine…
Je construis également, notamment avec l’Agence du Numérique et les secteurs, des partenariats nouveaux pour couvrir les domaines non encore ou trop peu couverts par l’offre de formation actuelle à savoir, pour ne citer que celles-ci, les formations au codage, à l’Intelligence artificielle, à la cybersécurité,…
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