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La médication en psychotropes des personnes âgées en maison de repos

  • Session : 2017-2018
  • Année : 2018
  • N° : 429 (2017-2018) 1

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  • Question écrite du 12/06/2018
    • de LECOMTE Carine
    • à GREOLI Alda, Ministre de l’Action sociale, de la Santé, de l’Egalité des chances, de la Fonction publique et de la Simplification administrative
    Deux résidents sur cinq des maisons de repos et de repos et de soins (MR-MRS) consomment des antidépresseurs, d'après les résultats d'une enquête de la Mutualité chrétienne de mars 2018 (MC).

    Le plus inquiétant dans cette étude est le fait que plus de la moitié des résidents qui consomment des antidépresseurs reçoivent des psychotropes inappropriés aux personnes âgées car ils entraînent des effets secondaires néfastes ou sont habituellement prescrits pour d'autres maladies, souligne la MC. Le constat est semblable pour les antipsychotiques: 19 % des résidents en consomment et dans plus de deux tiers des cas il s'agit de médicaments inappropriés.

    Pour la MC, ces chiffres « sont tout simplement alarmants ». Ainsi, la mutualité plaide pour un usage judicieux des antidépresseurs et des antipsychotiques, déclare Jean Hermesse, secrétaire général de la MC.

    Une autre approche est possible, estime l'organisme, évoquant des situations très différentes d'une MR-MRS à l'autre. « Certaines maisons de repos sont parvenues à réduire l'usage de psychotropes. Elles misent par exemple sur une concertation intensive entre les médecins, le personnel, les résidents et leurs familles. Ces expériences doivent être partagées au maximum afin que d'autres institutions puissent leur emboiter le pas. »

    La surmédication en maison de repos n'est pas un fait nouveau. Interpellé sur le sujet en mai 2017, le prédécesseur de Madame la Ministre indiquait que le projet de vie institutionnel était l’outil essentiel pour viser la qualité de prise en charge des résidents hébergés au sein de ces structures et de facto permettre de diminuer la consommation de médicaments.

    Néanmoins, dans beaucoup de maisons de repos, des manquements sont à relever dans la construction, la mise en oeuvre, le suivi et l'évaluation du projet de vie institutionnel. C'est pourquoi une équipe de la Direction des Aînés de l’AViQ devait travailler à la création d’un outil/support évaluant la mise en place d’une démarche d’amélioration continue au travers des objectifs du projet de vie institutionnel et des projets de vie individuels.

    La réflexion relative à la problématique de la surmédication doit certainement être au centre de la première ligne des soins. Néanmoins, les maisons de repos, elles-mêmes, ont un rôle à jouer pour limiter la consommation des psychotropes et antipsychotiques.

    Quelles réflexions Madame la Ministre inspire-t-elle de cette médication excessive dans les MR-MRS, qualifiées d'inappropriées selon l'étude ?

    Selon cette enquête, plus de la moitié des résidents qui consomment des antidépresseurs ou des antipsychotiques reçoivent des médicaments inappropriés aux personnes âgées... avec pour résultat, des effets secondaires néfastes... Confirme-t-elle cette forte proportion ?

    Quels sont, sur ce point précis, les chiffres dont dispose son département ?

    Pour la MC, le partage d'expériences de la gestion de la médication en MR-MRS permettrait de limiter et de mieux encadrer l'usage de psychotropes dans ce type d'établissements.

    Partage-t-elle cette approche ?

    Quelles sont les alternatives thérapeutiques non médicamenteuses qui pourraient être proposées ?

    En mai 2017, son prédécesseur indiquait que la Direction des Aînés de l’AViQ travaillait à la création d’un outil/support évaluant la mise en place d’une démarche d’amélioration continue au travers des objectifs du projet de vie institutionnel et des projets de vie individuels.

    Cet outil/support est-il finalisé ?

    Les MR-MRS peuvent-ils d'ores et déjà en disposer ?

    S'agissant d'un outil/support, quelles sont les principales recommandations énoncées pour améliorer la qualité de prise en charge des résidents, singulièrement la qualité de prise en charge médicale ?
  • Réponse du 04/07/2018
    • de GREOLI Alda
    L’Agence ne possède pas de données précises sur la consommation d’antidépresseurs et d’antipsychotiques dans les établissements pour ainés.

    De manière globale, en 2014, 463.245 Wallons ont eu au moins une prescription d’antidépresseurs, soit 16 Wallons sur 100 ! Le nombre de personnes à qui l’on prescrit des antidépresseurs augmente avec l’âge et à tous les âges. Les antidépresseurs sont prescrits deux fois plus aux femmes qu’aux hommes. Chez les 65 ans et plus, ce sont près d’une femme sur trois et un homme sur six qui ont eu au moins une prescription d’antidépresseurs en 2014. Après 90 ans, 34 % des femmes et 21 % des hommes se sont vus prescrire des antidépresseurs en 2014.

    Pour ce qui concerne les médicaments antipsychotiques, ceux-ci ont été remboursés à près de 130.000 personnes en 2014, soit 4,3 % de la population wallonne des 15 ans et plus. La proportion de femmes qui ont eu au moins une prescription d’antipsychotiques (4,8 %) est plus élevée que celle des hommes (3,8 %). La prescription de cette médication augmente avec l’âge dans les deux sexes. Chez les personnes de 65 ans et plus, ce sont 9 % des femmes et 6 % des hommes qui se sont vu prescrire au moins une fois des antipsychotiques en 2014.

    Nous espérons pouvoir mieux évaluer cette problématique grâce à un accord avec l’Agence intermutualiste qui permettrait à la Direction de la recherche, de la statistique et de la veille des politiques d’avoir accès à l’échantillon permanent (l’Échantillon permanent (EPS) suit toutes les dépenses en soins de santé remboursées par l’AMI pour un groupe de personnes, et ce sur plusieurs années). Ce groupe représente 2,5 % de la population totale affiliée dans les mutualités et a été tiré de façon aléatoire. Parmi ces 305 000 personnes, une surreprésentation des plus de 65 ans a été prévue pour augmenter la précision des études de ce groupe. La consommation en soins de santé plus élevée et ces groupes d’âge les plus âgés auraient dans le cas contraire été trop peu représentés. Cet accès nous permettrait d’évaluer de manière globale la surmédication des personnes âgées en général et des résidents des maisons de repos en particulier.

    Cette surmédication et l’usage abusif des psychotropes et antidépresseurs sont des problèmes mis en évidence depuis plusieurs années en Belgique1. Suite à ces constats, le SPF Santé publique a mis en place une plateforme multidisciplinaire (Belgian Psychotropics Experts Platform - BelPEP) qui a pour objectif de favoriser un usage adéquat des médicaments psychoactifs (dont les somnifères et calmants, les antidépresseurs et antipsychotiques…). Parmi les recommandations de cette plateforme, certaines sont déjà mises en œuvre au sein des maisons de repos ou feront l’objet très prochainement d’une collecte d’information dans le cadre du rapport bisannuel des établissements pour ainés. Citons par exemple : la disponibilité d’un référent démence dans chaque établissement, la gestion des problèmes comportementaux liés à la démence, le recours à l'expertise de référents gériatres ou psychogériatres externes. À l’avenir, l’utilisation du BelRai, tant pour les personnes âgées en hébergement que pour celles qui demeurent à leur domicile, devrait permettre de mieux dépister les problèmes d’anxiété et les symptômes de démence et donc d’optimaliser la qualité des soins.

    La Direction des Aînés et la Direction de l’Audit et du Contrôle de l’AViQ encouragent et soutiennent les établissements d’accueil et d’hébergement pour aînés à développer des pratiques non médicamenteuses au travers des visites d’inspections ou encore lors de rencontres avec un référent matière. Plus précisément, les professionnels des maisons de repos et de soins sont invités à évaluer les capacités résiduelles des résidents lors du 1er mois de leur arrivée et notamment de ceux qui présentent des troubles cognitifs majeurs. La connaissance des capacités des résidents permet de mettre en place des activités porteuses de sens et adaptées aux besoins individuels. Déjà en 2011, une étude exploratoire du KCE concernant les « Démences : quelles interventions non pharmacologiques ? » a constaté que l’efficacité des médicaments n’est actuellement pas démontrée et recommande au contraire de développer les approches non médicamenteuses qui améliorent non seulement la qualité de vie des personnes les plus dépendantes, mais aussi celle des professionnels. L’étude démontre encore que pour atténuer des comportements d’agitation, trop de médecins généralistes (à domicile comme en maison de repos) ont encore recours à des neuroleptiques augmentant le risque de comorbidité et aggravant les troubles neurologiques de ces personnes alors que les approches non médicamenteuses ont tendance à les atténuer et à les prévenir. À ce sujet, les médecins coordinateurs des maisons de repos et de soins ont un rôle important dans l’information et la sensibilisation de leurs pairs.

    Nous devons toutefois veiller à ne pas promouvoir n’importe quelle approche non médicamenteuse : elle doit être efficace, respectueuse et appropriée. Raison pour laquelle, il est indispensable de veiller à ne promouvoir que des approches qui ont déjà été évaluées et approuvées. Il est dès lors essentiel de distinguer les gadgets relationnels bien souvent infantilisants tels les robots, les peluches ou autres poupons donnés à l’un ou l’autre résident, des approches non médicamenteuses qui sont des méthodes de travail alternatives et complémentaires au soin. Elles doivent être mises en place par l’ensemble du personnel et ne sont donc pas uniquement « l’affaire » des paramédicaux.

    Parmi les approches actuellement développées dans de nombreux établissements, je citerais les interventions sensorielles - comme la musicothérapie, les massages ou les activités snoezelen –, les activités de la vie quotidienne – telles que passer le balai, débarrasser, feuilleter un magazine ou tricoter - et les activités structurées comme les ateliers de lecture ou de psychomotricité. Enfin les approches non médicamenteuses sont aussi centrées sur l’aspect environnemental. Ainsi dans les unités adaptées, la réglementation prévoit l’aménagement d’un espace familial et sécurisant.

    Plus largement, la Direction des Aînés encourage les établissements à mettre en place une démarche d’amélioration continue des pratiques à partir du projet de vie de l’établissement et des projets de vie individuels établis pour chaque résident.

    Le projet de vie de l’établissement a pour finalité de permettre aux résidents de préserver un sens à leur vie en institution et pour les professionnels de donner un sens à leur travail. Pour que les membres du personnel puissent fonder leurs attitudes et leurs actions sur ce que les résidents considèrent comme essentiel, il convient de laisser les résidents évoquer leurs souhaits, leurs difficultés, leurs habitudes, leurs valeurs au travers de comités et de débats. Pour ce faire, la rédaction du projet de vie de l’établissement doit être issue d’une réflexion collective et participative (incluant les résidents et leur entourage ainsi que les membres du personnel).

    Suite à une réflexion relative au projet de vie, la Direction des Aînés encourage la mise en place d’une démarche qualité, et ce, afin de vérifier la mise en œuvre des principes/valeurs arrêtés dans le projet de vie et de développer des processus et des outils d’évaluation. La démarche qualité ou démarche d’amélioration continue s’apparente à l’amélioration permanente des pratiques et de l’ensemble des services mis à disposition des résidents et des professionnels. Cette dernière se doit d’être spécifique aux particularités de chaque établissement, chaque établissement ayant son propre projet de vie, mais également son propre fonctionnement.

    Il a dès lors été réfléchi de proposer une grille d’auto-évaluation et de réflexion relative à la « démarche projet de vie » et la « démarche qualité » par la création :
    - d’un outil à destination des MR-MRS, support à l’application d’une démarche d’amélioration continue au départ du projet de vie institutionnel ;
    - d’un vade-mecum - guide d’accompagnement à l’attention des MR-MRS qui précise les principes et méthodes d’une auto-évaluation.